Conquérir l’avantage concurrentiel. 1
(Source Mooc EdX: Global Business Strategy. University of Maryland)
Conquérir l’avantage concurrentiel permet à une entreprise de réaliser une performance supérieure à celle de ses concurrents ; c’est-à-dire de croître en tendance plus vite que ses concurrents initiaux.
M. Porter distingue deux types d’avantage concurrentiel : l’avantage de coût et l’avantage de différenciation.
Dans le premier cas (avantage de coût), l’entreprise réalise les mêmes produits que ses concurrents mais à des coûts moindres ; elle peut les vendre à plus faible prix, conquérir des parts de marché et mettre des concurrents en difficulté. Elle peut aussi vendre au même prix que les concurrents, réaliser une marge bénéficiaire supérieure, autofinancer des investissements, des innovations etc. Dans les deux cas, elle assure sa croissance au détriment des concurrents.
Dans le deuxième cas (avantage de différenciation), l’entreprise offre des produits et services remplissant les mêmes fonctions de base que ceux de ses concurrents mais présentant des caractéristiques supplémentaires qui les différencient aux yeux des prospects :
-des attributs supplémentaires (qualité, personnalisation, esthétique, livraison, compléments, SAV, etc.) qui facilitent la connaissance et l’achat des produits par les prospects et font accepter par ces derniers un prix plus élevé, générant une marge plus élevée pour l’offreur ;
-des attributs réduits (low-cost) qui permettent des prix réduits et génèrent le même type d’effet que l’avantage de coût.
-des attributs nouveaux (innovation technique, commerciale, logistique, etc.)
(Voir: https://outilspourdiriger.fr/la-source-de-lavantage-concurrentiel/)
L’auteur du mooc retient une approche différente de l’avantage concurrentiel, approche fondée sur le cycle de vie des industries et des marchés, cycle qui peut ainsi se schématiser.
Une startup introduit une innovation de rupture, réussit à créer un petit marché initial composé « d’adopteurs précoces » et jouit pendant un temps d’une situation de monopole (l’auteur parle alors de marché « Océan bleu »). La startup développe le marché, ce qui attirent des imitateurs et créent une concurrence acharnée (marché « Océan rouge »). Puis, à un moment donné, un des acteurs ou un nouvel entrant lance une innovation lui procurant les avantages du marché « Océan bleu » et provoquant des difficultés aux anciens acteurs. L’innovateur initial peut sauvegarder certains de ses avantages initiaux s’il sait les convertir en avantages durables.
Créer et conserver un avantage concurrentiel exige de l’entreprise de savoir agir et gagner sur les deux types de marché : Océan bleu et Océan rouge, principalement par l’innovation.
Airbnb, Uber, Apple, Amazon, Ikea et d’autres ont montré comment ils ont bouleversé les marchés qui précédaient leur arrivée et conquérir un avantage concurrentiel qui les a rendus égaux sinon plus grands que les leaders de leur secteur.
On peut repérer les trois stratégies suivantes appliquées par les innovateurs, anciens ou nouveaux acteurs.
–réorganiser radicalement la chaîne de valeur sans changer les produits, services ou clients ciblés.
On sait que c’est l’histoire d’Amazon et d’Ikea, par exemple,
–redéfinir les produits et services proposés.
C’est, par exemple, l’histoire de Starbucks qui a transformé le café classique en lieu permettant de passer du temps et de rencontrer des amis et des collègues autour d’une boisson ; mais aussi celle de Uber, de
Airbnb, du low-cost, etc.
–repenser radicalement les trois éléments du modèle d’entreprise : les clients cibles, les produits et services proposés et la conception de la chaîne de valeur.
C’est l’histoire de S.Jobs et S.Wozniak lançant le premier ordinateur Apple, destiné aux particuliers, vendu en magasin de détail, à faible prix.
L’avantage concurrentiel se perçoit sur le marché mais prend sa source dans les capacités internes.
Voyons, dans ce premier article, les stratégies applicables concernant l’avantage sur le marché et l’avantage par les capacités internes et reportons à un article prochain les stratégies de mondialisation.
- L’avantage concurrentiel sur le marché.
Il résulte de l’adéquation de l’offre aux attentes du prospect visé et de la pertinence de la relation établie avec lui. Ce qui exige, d’abord, la connaissance précise de l’écosystème qui entoure le prospect et celle des processus de décision qu’il pratique.
1.1. L’écosystème du prospect visé.
Le prospect visé appartient à un écosystème complexe qui contribue à la détermination de ses besoins et attentes et à celle de ses valeurs et critères de jugement.
Les composantes de cet écosystème sont diverses : on peut repérer la formation, l’expérience, le milieu, personnel ou professionnel ; mais aussi les relations, les influenceurs, les prescripteurs ou les « modèles identitaires » ; mais aussi les valeurs sociales dominantes et l’action des pouvoirs publics et, bien sûr le besoin – envie personnel ou professionnel.
Par ailleurs, l’acheteur n’est pas nécessairement l’utilisateur, ce qui est le cas du parent, par exemple, mais aussi du revendeur, de l’acheteur professionnel ou du groupement d’achat.
Aucune entreprise ne peut espérer entraîner l’adhésion de tous les acteurs de cet écosystème ; son objectif principal est de comprendre le comportement du prospect mais elle ne peut le faire sans comprendre les effets des déterminants principaux de ce comportement.
1.2. Le processus de décision du prospect.
L’acte d’achat est le résultat d’un processus complexe comme le montre le schéma ci-dessous :
(Source : Global Business Strategy)
Les étapes successives principales du processus sont les suivantes : identification du besoin, comparaison des sources de satisfaction, achat, usage, maintenance ou amélioration, débarras. Mais, en réalité, le prospect prend en considération toutes les étapes avant de décider, en particulier en milieu industriel.
C’est dire que l’avantage concurrentiel ne concerne pas seulement l’étape de la comparaison des fonctionnalités et des prix mais toutes les étapes, allant du ressenti du besoin/envie (promotion, etc.) au débarras (reprise, etc.).
Aucune entreprise ne peut espérer être la meilleure sur tous les points mais doit choisir ses points forts et ne pas être trop faible sur les autres.
L’exemple d’Amazon illustre la focalisation obsessionnelle de l’entreprise sur le consommateur, obsession qui explique son succès
1.3. L’adéquation de l’offre
Elle peut conduire à la personnalisation plus ou moins poussée du produit ou service ou à l’offre d’un produit nouveau.
La personnalisions peut se traduire par la diversité de l’offre et des prix pour ouvrir le choix du prospect. Elle peut aussi conduire au « sur-mesure » et à la participation du prospect à la définition de l’offre, demain sans doute à la production sur commande par imprimante 3D.
Dans tous les cas, le point le plus difficile est l’arbitrage entre le degré de personnalisation et le prix de vente.
L’offre d’un produit ou d’un service nouveau commence par être adéquate à un type de prospect et, si elle se peaufine et réussit, elle devient adéquate à un nombre croissant de prospects.
1.4. La pertinence de la relation avec le prospect et le client
Cette relation vise l’attraction du prospect et la fidélité du client.
On connaît les moyens à utiliser pour rechercher et, autant que possible, obtenir ces résultats.
Pour attirer le prospect : promotion, information, témoignages de clients, avis des prescripteurs, aide au choix, essais, etc.
Pour fidéliser le client : marque, aide et assistance authentique, recherche de coopération et de co-conception, etc.
- L’avantage concurrentiel par les capacités internes
L’avantage concurrentiel prend sa source dans diverses capacités internes de l’entreprise
On peut repérer les sources et stratégies suivantes.
2.1. La réingénierie de la chaîne de valeur.
La chaîne de valeur est composée de l’ensemble des activités interdépendantes que l’entreprise met en œuvre, avec l’aide de ses fournisseurs et ses partenaires, pour concevoir, créer, offrir des produits et services aux prospects et les fournir à ses clients, éventuellement les maintenir ou les reprendre.
On peut compléter la représentation classique de la chaîne de valeur par celle de l’écosystème dont fait partie l’entreprise :
(Source : Global Business Strategy)
Ikea est l’exemple classique de la réingénierie de la chaîne de valeur, réingénierie qui lui a donné un avantage concurrentiel considérable et durable.
Cette réingénierie a consisté à revoir la conception des meubles : à les concevoir comme des éléments à assembler par le client : éléments plats faciles à conditionner et à emporter ou à expédier ; auto-assemblage facile à réaliser ; autant de facteurs de réduction des coûts de fabrication et d’expédition et de réduction des prix, en même temps que d’accroissement du choix pour le client.
Les pionniers du « low-cost » ont réorganisé leur chaîne de valeur en réduisant tout ou partie de ses composantes. Et de nombreuses entreprises numériques ont réduit leur chaîne de valeur à une simple plate-forme rapprochant fournisseurs et clients.
2.2. L’externalisation pertinente.
Aucune entreprise ne peut tout faire en interne et doit choisir ce qu’il faut externaliser.
Apple, par exemple, a beaucoup externalisé (à Qualcomm, à Foxconn, à des milliers de sociétés de logiciels, etc.) mais garde jalousement la conception générale de l’iPhone, le développement du système d’exploitation, la conception de nombreux composants et de certaines applications clés et, bien sûr, la stratégie de marque et le marketing.
Le critère de choix est simple à définir sinon à mettre en œuvre : toute activité qui peut être réalisée ailleurs, mieux, plus rapidement et à moindre coût, doit être externalisée, sauf plan pour devenir meilleur que tout fournisseur externe.
L’importance quantitative de l’activité en question dans la chaîne de valeur ne compte pas ; conserver des activités pour lesquelles on est moins performant tend à créer un désavantage concurrentiel.
A externalisation donnée, la question cruciale devient la gestion des relations avec les partenaires (équilibre des pouvoirs et des revenus, échange d’aides, confiance) ainsi que l’examen régulier de la pertinence du partenariat.
2.3 Les capacités de manager.
Une entreprise est un processus de transformation « d’entrées » en « sorties », réalisé dans un univers concurrentiel, organisé et contrôlé par un système d’autorité, coordonné par un système d’information, orienté et régulé par un système d’objectifs visant à assurer la survie et la croissance.
La première et principale capacité est celle de manager ce processus mieux que la concurrence, en particulier sur les points constituant l’avantage concurrentiel détenu ou visé.
Cette capacité générale regroupe les cinq grands types suivants :
-la capacité de manager les « sorties » ou ventes : conquérir et fidéliser les clients visés ;
-la capacité de manager la transformation « entrées-sorties » sans rupture ni gaspillages. ;
-la capacité d’obtenir l’adhésion et la mobilisation du personnel, des fournisseurs, des partenaires ;
-la capacité de repérer les opportunités d’innover et de réaliser l’innovation ;
-la capacité de percevoir les impacts des changements extérieurs plus vite que les concurrents ;
On voit que les sources principales de l’avantage compétitif résident dans les talents, la compétence et la motivation des hommes, ainsi que dans l’accumulation des connaissances et expériences dans les processus, procédures et routines.
Les ressources (matérielles, financières, immatérielles et humaines) sont une condition nécessaire mais non suffisante. Pour qu’il y ait avantage concurrentiel il faut qu’une ou plusieurs de ces capacités soient supérieures à celles des concurrents et constamment renforcées.
Les efforts d’Amazon pour créer et renforcer ses capacités et ses avantages concurrentiels sont bien connus : investissements massifs en automatisation des entrepôts, en système de traitement des commandes, en réduction des délais de livraison, en facilitation de système de paiement, en élargissement de l’offre, etc. autant de capacités qui soutiennent le succès d’Amazon auprès des clients.
2.4. La culture organisationnelle partagée.
La culture d’une entreprise est l’ensemble des manières de penser, de ressentir et d’agir de ses membres. Cet ensemble résulte de l’histoire de l’entreprise, se traduit par des valeurs et des normes, s’alimente par des symboles et des mythes, se transmet par formation et se modifie pour faire face aux problèmes. C’est au fond, la boîte à outils de concepts et de principes de gestion de l’entreprise.
Cette culture peut n’être partagée que par un petit nombre, par exemple par les dirigeants et les cadres mais elle ne peut devenir avantage concurrentiel que si elle très largement adoptée, au lieu de laisser place à des cultures différentes, voire des contre – cultures.
La culture partagée facilite la réalisation des trois objectifs fondamentaux suivants de toute entreprise :
-affirmer sa spécificité et son unité aux yeux de l’extérieur (clients, fournisseurs, prescripteurs, concurrents, etc.) ;
-assurer sa cohésion interne et susciter la contribution de tous au succès ;
-assurer de façon informelle la plus grande part de la coordination des activités.
C’est l’obsession du client chez Amazon, celle du design chez Apple et celle de la rentabilité chez Walmart.
Avantage concurrentiel important à un moment, la culture peut devenir « résistance au changement » si les raisons de changer ne sont pas partagées par le plus grand nombre.
2.5. La taille et le champ des activités.
L’accroissement de la taille d’une entreprise est, le plus souvent, lié à l’élargissement de son offre, à la diversification de sa production et de sa zone géographique d’implantation ou de vente.
Comme le montre Amazon, l’accroissement de taille et la diversification de l’offre créent trois types d’avantage concurrentiel.
-la multitude des produits offerts facilite la fidélité des clients ;
-la gamme des produits protège des concurrents de niche ;
-la taille procure de grandes économies d’échelle.
On notera, cependant, que la taille est, aussi et souvent, un gros obstacle à l’agilité. Le défi pour chaque grande entreprise est de savoir comment profiter des économies d’échelle et de gamme et rester souple.
Dans le cas d’Amazon, la stratégie pour maintenir un avantage concurrentiel durable a été la suivante :
-rester l’une des sociétés les plus centrées sur le client pour maintenir la fidélité ;
-innover sans relâche dans tous les aspects de l’activité ;
-élargir en permanence l’ampleur de l’activité.
Aucune entreprise ne peut espérer disposer de ressources et capacités toutes meilleures que celles de ses concurrents. Conquérir l’avantage concurrentiel exige que certaines de ces ressources et capacités soient meilleures et que les autres soient de qualité grosso-modo égales à celles de ses concurrents.
Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A. Uzan. 15/12/2019