https://musikwirtschaftsforschung.files.wordpress.com/2009/03/thesis-moyon.pdf « Le changement du business model de l’entreprise » Thèse de E.Moyon)
Après avoir présenté un nouveau canevas de modèle d’affaire, nous nous intéresserons aux raisons de changer de modèle et aux méthodes applicables pour réussir le changement.
- La construction du modèle d’affaire.
Un modèle d’affaire est la configuration de choix d’objectifs et de moyens qui déterminent la façon dont une entreprise crée de la valeur et en capture pour réaliser du profit.
Les canevas pouvant service de base à la construction sont
peu différents les uns des autres, comme le montrent les deux canevas suivants (voir le canevas le plus connu, celui de Osterwalder et Pigneur dans l’article «Le canevas de modèle d’entreprise »en particulier)
Modèle de Johnson, Christensen et Modèle de Lecocq (repris par Moyon)
On sait que le canevas de Osterwalder et Pigneur, le plus descriptif, comporte 9 blocs d’éléments ou variables qui décrivent l’entreprise comme processus physique et financier et qu’il s’agit, en fait, d’un guide obligeant tout constructeur de modèle d’entreprise à s’interroger sur les choix possibles de chaque variable et sur la cohérence de l’ensemble de ses choix.
Le canevas de modèle de Johnson et Christensen, plus synthétique et plus proche du langage des managers, regroupe les variables en 4 ensembles, comme on l’a monté dans l’article sur « L’innovation de modèle d’affaire ».
Présentons le modèle de Lecocq repris par Moyon, qui regroupe les variables en trois ensembles : la
proposition de valeur ou l’offre faite aux clients, les
ressources et compétences mobilisées, et
l’organisation de l’entreprise (relations internes ou « chaîne de valeur » et relations externes ou « réseau de valeur »).
1.1. La proposition de valeur
C’est l’offre proposée à un segment de marché ; l’offre d’un moyen de mieux résoudre un des problèmes des prospects. En fait, c’est la
contribution de l’entreprise à la valeur offerte aux prospects car le moyen offert prend place dans un ensemble de moyens complémentaire offerts par plusieurs fournisseurs.
La
captation de la valeur est la part de cette valeur que l’entreprise conserve comme profits ; elle dépend de la création mais n’est pas automatiquement assurée par cette création.
L’offre ou proposition de valeur résultent des choix retenus en réponse aux questions suivantes :
Quels
clients viser ? Quel contenu donner à l’offre ? Quel modèle de revenu retenir ?
Concernant les
clients cibles, on peut se centrer sur un segment ou rechercher le plus grand nombre d’usagers possibles.
En matière de
contenu, on peut viser le « couplage » comme les FAI (Fournisseurs d’accès à Internet), par exemple, ou l’offre épurée comme le low-cost, par exemple, et choisir le mode de distribution adéquat.
Quant au
modèle de revenu, on peut choisir un modèle à base de revenus récurrents (à la carte, abonnement, etc.) ou de revenus uniques (vente simple) ; prendre à sa charge une part plus ou moins grande du risque couru par le client, externaliser ou intégrer, diversifier ses prix plus ou moins.
Les
facteurs suivants de création de la valeur ont été observés, en particulier dans le domaine de l’e- business :
-L’
innovation de produit, de technologie, d’organisation, de partenariat, etc.
-L’exploitation des
complémentarités ; entre produits, activités, ressources ou technologies.
-L’obtention de gains d’
efficience ; par la recherche des effets d’échelle, de gamme, etc.
-La
« rétention » des clients par l’effet de réseau et les coûts de changement de fournisseurs.
– La
stabilité des relations dans le temps.
1.2. Ressources et compétences.
Les ressources d’une entreprise sont les actifs tangibles ou intangibles utilisables par elle : technologie, information, infrastructure, image de marque, personnel, type de management, etc.
Les compétences sont le résultat de la
combinaison de ces ressources et des savoir-faire individuels et collectifs ; elles déterminent le potentiel de création de valeur de l’entreprise et la détention d’un avantage concurrentiel si elles sont
rares, inimitables, peu substituables et facilement utilisables par l’entreprise.
La construction du modèle d’affaire conduit à choisir les ressources et compétences nécessaires à la réalisation de la proposition de valeur. On doit, ici, retenir que toute entreprise dispose d’un stock inexploité de ressources et de compétences («
slack organisationnel ») et que des ressources nouvelles très productives peuvent être trouvées hors de l’entreprise (externalisation, partenariats avec d’autres entreprises ou des ONG etc.).
1.3. L’organisation.
Cette variable concerne le choix du périmètre d’activité et du positionnement dans le système d’activité ; la définition des modalités de réalisation des activités externes (quelles sont les parties prenantes ? quelle est la structure, le contenu et la gouvernance des transactions externes ? et la détermination des modalités des activités internes.
1.4. Les interactions intra et inter-modèle d’affaire.
-Pour une entreprise, le modèle d’affaire est
l’intégration des 3 types de composantes pour produire les cercles vertueux ou effets connus suivants (Voir l’article « L’effet et les industries de réseau ») :
L’effet de
synergie faisant que 1 + 1 =3 ; l’effet d’
échelle réduisant les coûts fixes unitaires ; l’effet de
gamme réduisant les coûts de management unitaires ; l’effet d’
externalité reportant les coûts sur l’environnement ; l’effet de
réseau accroissant pour un prospect l’utilité d’un produit à mesure que croit le nombre d’utilisateurs ou des produits complémentaires.
Le BM est source d’avantage concurrentiel lorsque les effets vertueux qui le caractérisent peuvent difficilement être imités par les concurrents.
-On peut constater des
effets bénéfiques semblables dans les relations entre entreprises ou organisations.
Il est clair, par exemple, que Microsoft et Intel, ont chacun bénéficié de leur interdépendance et de leurs complémentarités. Et quelques entreprises multinationales ont commencé à exploiter leurs complémentarités avec des ONG, les premiers pour asseoir leur légitimité et les seconds pour asseoir leur viabilité.
2.. Le changement de modèle d’affaire.
2.1. Pourquoi changer
Toute entreprise doit en permanence surmonter des
menaces extérieures et intérieures et saisir les
opportunités qui s’offrent à elle. L’article « L’innovation de modèle d’affaire » a donné une première présentation des types de raisons de changer et des obstacles principaux au changement.
La nouvelle source d’information ajoute peu à cette présentation ; on notera les éléments suivants :
-parmi les facteurs internes du changement : les évolutions de l’expérience et de la motivation de l’
entrepreneur.
-parmi les obstacles au changement : la prégnance des
logiques dominantes en particulier dans les secteurs matures ; la crainte de l’
imprévisibilité du résultat du changement.
2.2. Comment changer.
On peut distinguer 2 types d’approche : la démarche radicale et la démarche expérimentale.
2.2.1. La démarche de changement
radical utilise les méthodes habituelles de construction d’un projet :
-identification d’un futur désiré ;
-identification des défaillances du modèle en cours au regard de ce désir ;
-identification des opportunités de changement souhaitables et exploitables ; opportunités de technologie, d’organisation ou de commercialisation ;
-définition de scénarios selon le tableau suivant et choix d’un modèle à mettre en œuvre.
Définir les scénario
Source : Moyon. Figure 24 : Méthode des scénarii de Pateli et Giaglis )
Ce type de démarche est obligatoire pour toute création d’entreprise ou d’unité mais peut aussi être adoptée par une entreprise existante fortement
menacée ou découvrant une grande opportunité.
L’entreprise peut, en effet, chercher à opérer un changement plus ou moins complet :
– entreprendre une réorganisation
opérationnelle afin d’optimiser sa profitabilité ;
– développer des
sources alternatives de revenu en recombinant ses ressources et compétences ;
– intégrer de
nouvelles activités ou se positionner sur de nouveaux marchés ;
– changer
radicalement de modèle d’affaire et choisir dans la gamme des modèles qui commence à être connue : le modèle «
lame de rasoir » (modèle de Gillette, Lexmark ou Nespresso qui consiste à vendre à un prix attractif un produit d’appel pour réaliser des marges importantes sur la vente de produits indispensables à l’utilisation du produit) ; le modèle «
low-cost » fondée sur une offre minimaliste et à faible prix ; le modèle «
enchères » organisant un réseau d’échanges en ligne ; le modèle «
gratuit » financé par la publicité ; le modèle «
open-source » qui se fonde sur la collaboration libre pour créer de la valeur mais qui vend des prestations de service aux utilisateurs.
2.2.2. On peut préférer mettre en œuvre un
processus d’expérimentation plus « incrémental » d’essais et erreurs et chercher à ajuster son modèle d’affaire aux réactions de son environnement et des parties prenantes. Le processus de changement est alors lié aux expériences et apprentissage de l’entrepreneur et des collaborateurs.
Cette démarche est sans doute la plus adaptée aux besoins des entreprises existantes et devrait, dans l’idéal, être une démarche permanente. Elle est, de plus, justifiée par le fait que la recherche a réalisé très peu de progrès en matière de dynamique des modèles d’entreprises (voir l’article « Une courbe de vie » du management ? » portant sur la dynamique du management).
2.2.3. L’une comme l’autre des approches implique les conditions suivantes :
-une forte «
sensibilité » des dirigeants aux enjeux stratégiques de l’entreprise.
-une forte capacité des dirigeants de
décider sans s’enliser dans des conflits internes pour résoudre le dilemme entre nécessité de changer et maintien de la cohérence du BM en cours
-une forte «
fluidité des ressources » qui les rendent reconfigurables et redéployables rapidement ;
-le recours à l’un des
modèles d’affaire pour s’obliger à examiner toutes les variables et les cohérences intra et inter-variables.
Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A. Uzan. 1/02/2016
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