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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Diriger par le marketing Diriger par le marketing

 

 

Diriger par le marketing tend à devenir clairement, aujourd’hui, le mode de direction des entreprises, se substituant au mode de direction par la technologie (et les ingénieurs) ou par la finance (et les financiers).

La raison d’être d’une entreprise n’est pas ce qu’elle fait, encore moins quel bénéfice elle fait, mais « pour qui et pourquoi » elle réalise ses activités, c’est-à-dire pour quels clients et prospects et pour les aider à résoudre quels problèmes.

Le profit n’est qu’une conséquence de la valeur du service rendu par l’entreprise à ses clients et les ressources technologiques, humaines, managériales mobilisées ne sont que des moyens au service de cette raison d’être.

A certaines périodes de l’histoire, pour repérer le client et rendre le service attendu, il a semblé plus important de diriger principalement par le recrutement et la formation (début de l’industrialisation), puis par la technologie (période des innovations), parce qu’il suffisait grosso-modo de produire pour vendre.

Aujourd’hui, la situation a changé et il faut diriger par le marketing pour les raisons suivantes :

-La révolution numérique a rendu le client très puissant et a modifié les modalités de la concurrence.

-Les consommateurs ont désormais un accès sans précédent à l’information, au contenu, et aux interactions entre eux. Ils sont connectés, ont un choix élargi de produits et services et le pouvoir d’imposer leurs choix à l’entreprise.

-La concurrence est devenue imprévisible parce que mondialisée.

-La promotion ne peut plus se contenter d’être un monologue et le dialogue nécessaire est souvent dominé par les consommateurs.

-Le marketing doit devenir plus clairement une façon de penser l’entreprise et sa culture.

 

Si on admet ces observations, la question devient alors « comment diriger par le marketing ? »

Explorant les 6 recommandations principales suivantes des auteurs :

– Comprendre les clients.

– Créer des marques de valeur.

– Changer de culture.

– Concentrer ses efforts sur peu d’objectifs et les confier à des intrapreneurs.

– Penser grand, commencer petit, évoluer rapidement.

– Comprendre l’analyse des données.

 

  1. Comprendre les clients

Pour choisir, le consommateur peut utiliser deux systèmes de raisonnement ; suivre une processus délibéré logique et lent ; suivre son intuition, système émotionnel quasi-subconscient, rapide mais imprécis et qui fonctionne sur la base d’associations d’idées.

Dans tous les cas, le consommateur recherche de la valeur sur au moins trois dimensions du produit examiné :

-valeur fonctionnelle ; une montre qui indique l’heure.

-valeur économique, ; un prix bas, par exemple.

-valeur émotionnelle ; objet lié à un événement heureux ou à modèle identitaire ; objet indiquant l’appartenance à une communauté, ou donnant le sentiment de distinction, etc.

La concurrence a tendu à réduire les différences de valeur fonctionnelle et économique entre les produits offerts et tend à se concentrer aujourd’hui sur la valeur émotionnelle (personnalisation).

 

  1. Créer des marques de valeur

Pour une entreprise, la marque est le moyen le plus puissant de dire « pour qui et pourquoi », pour quels prospects et clients le produit est réalisé et pour résoudre quelles sortes de problèmes.

Aujourd’hui, des campagnes publicitaires ne suffisent plus à la construire, les consommateurs contribuent largement à lui donner son sens (parfois à la combatte) par leurs expériences et leurs échanges sur les réseaux sociaux

Les trois étapes suivantes sont nécessaires pour construire marque.

Identifier un groupe de clients et acquérir des connaissances approfondies sur leur vie, leurs espoirs, leurs rêves et leurs peurs. Les grandes marques ont su comment créer pour le prospect une belle expérience même si ses clients ne pouvaient pas facilement en décrire une.

-Soigner la proposition de valeur, l’énoncé de ce que la marque signifie pour les consommateurs et comment elle sera différente de toutes les autres marques, en particulier sur le plan émotionnel

-Inciter les consommateurs à apprendre la véritable signification de la marque ; par la publicité, certes, mais aussi par les interactions avec les prospects via les réseaux sociaux

L’évolution de la marque doit être finement gérée car en changer trop souvent fait perdre son sens ; retarder le changement trop longtemps fait perdre sa pertinence ; changez trop radicalement la rend méconnaissable.

On notera aussi que la marque pionnière conservera plus longtemps ses avantages sur les autres ;

– elle devient la norme par rapport à laquelle tous les autres concurrents sont jugés ;

– elle est plus facilement mémorisée que les autres ;

– elle est considérée comme représentant un faible risque., les expériences passées servant de base de confiance.

Cependant, une entrée tardive peut surpasser les leaders du marché avec l’une des stratégies suivantes ;

-commencer par conquérir un segment délaissé par les leaders du marché (stratégie de niche).

-entrer sur le marché avec une nette différenciation ; les marques puissantes peinent à regarder autre chose que leur cœur de compétences ;

-entrer sur le marché avec une innovation.

 

  1. Changer de culture

On sait que l’ère du numérique exige de devenir plus réactif aux clients, plus agile, plus innovant et plus axé sur les données.

La culture d’une entreprise résulte de ses réussites et de ses échecs, des leçons qu’elle a tiré de son expérience.

Elle recouvre les éléments suivants

– les valeurs et les croyances fondamentales qui fondent et guident son action et celles de ses collaborateurs, en particulier les normes de comportement et les symboles utilisés.

– les comportement des membres, la structure de l’organisation et les processus utilisés.

L’ère numérique présente de nouveaux défis à surmonter et appelle à une nouvelle culture.

 

Les recherches montrent que les entreprises centrées sur le client, les entreprises dirigées par le marketing partagent six valeurs et croyances, quel que soit le secteur d’activité, la taille, etc.

– le succès de l’entreprise dépend du succès de ses clients ;

– l’entreprise doit comprendre ce que le client pense et ressent, qu’il puisse le dire ou pas ;

Il est clair que cette compréhension n’est pas facile à acquérir et demande des efforts (équipes interfonctionnelles pour enquêter auprès des clients, des experts prescripteurs, des fournisseurs, etc.)

– la volonté de repérer les informations et des idées nouvelles surgissant dans son environnement ;

On sait que la culture est facteur d’efficacité mais aussi, malheureusement, de myopie sur le nouveau ;

-la confiance dans les autres membres de l’entreprise ; dans ce qu’ils font selon la manière qui leur convient le mieux

-le sentiment partagé que la collaboration est la règle générale ;

-le respect pour les capacités et les réalisations des collègues, des clients et des concurrents.

 

Chaque entreprise a une culture mieux adaptée au passé qu’à l’avenir et tend à s’y accrocher le plus possible.

Tendre à en changer exige de suivre le processus suivant :

-reconnaitre que la culture de l’entreprise n’est pas bien adaptée aux défis auxquels elle est confrontée.

Pour toute entreprise à succès, il est difficile d’admettre qu’une difficulté nouvelle soit une menace pour la survie de l’entreprise et non pas une faiblesse temporaire ;

-admettre que l’entreprise est vulnérable et qu’elle doit faire des expériences nouvelles.

Et la meilleure expérience est, alors, de se lancer dans une nouvelle compréhension du client.

faire évoluer l’organisation hiérarchique, les normes, les processus, les incitations ne doit pas être imposé par la direction, mais résulter d’une réflexion collective

-garder présente à l’esprit de tous, la menace surmontée et rester concentré sur le marché

 

  1. Concentrer ses efforts sur peu d’objectifs et les confier à des intrapreneurs.

La concentration des efforts devient encore plus importante dans le monde numérique rapide. Diriger par le marketing doit conduire à refuser la séduction du « plus d’activités » et à avoir plus d’ambition et d’audace pour quelques objectifs, par exemple se concentrer sur les secteurs qui font les ventes et de profits de l’entreprise.

On peut créer un atelier de découverte, composé d’intervenants clés pour repérer les priorités :

– fournir à tous les intervenants des données sur le rendement de l’entreprise, clairement comparées aux autres, à l’intérieur et à l’extérieur de l’industrie.

– se donner deux jours pour repérer ensemble où se concentrer et ce qu’il faut cesser de faire.

– suivi des progrès réalisés par rapport aux jalons de la prochaine année.

 

Donnez un chèque en blanc à des managers choisis.

Donner une liberté totale d’agir en tant qu’entrepreneurs tout en étant responsables des résultats.

-La première étape consiste à sélectionner les leaders en qui on a confiance et à leur donner de très grands objectifs à atteindre en très peu de temps.

-La deuxième étape consiste à préparer une brève proposition d’entreprise qui identifie les ressources nécessaires en termes de personnel, de compétences et d’argent, avec des jalons et des livrables très clairs.

-Et la troisième étape consiste à surveiller attentivement les livrables par rapport à ces jalons fixés.

Parfois, l’expérience échoue et l’important, alors, est de s’arrêter à temps et ne pas sanctionner l’échec.

 

  1. Penser grand, commencer petit, évoluer rapidement

Dans le monde actuel en évolution rapide, globalisé et numérisé, l’exécution est plus importante que jamais. 10% du succès peuvent être dûs à la stratégie mais 90% sont dûs à l’exécution.

Dans l’exécution, l’un des défis auxquels la direction par le marketing doit faire est de trouver le juste équilibre entre le mondial et le local.

Dans tous les cas, l’idée ici est de penser grand, de commencer petit, de tester et d’apprendre, et si quelque chose commence à prendre de l’ampleur, le mettre à l’échelle rapidement.

 

  1. 6. Comprendre l’analyse des données.

L’explosion des données dans le marketing a rendu la compréhension de l’analyse des données essentielle à la direction par le marketing.

L’analyse des données n’est pas l’affaire des scientifiques seuls ni celle des managers seuls mais celle de la collaboration des deux types d’acteurs ; pour savoir quoi et comment analyser et surtout comment interpréter.

Si cette collaboration est obtenue, la direction peu alors diriger par le marketing en toute confiance ; déterminer où l’analyse des données apporte de la valeur et juger de la crédibilité des analyses qu’on lui présente.

 

Voici les points clés sur lesquels la direction par le marketing doit se concentrer :

-Les analyses des données nécessaires doivent être celles qui aident à résoudre les problèmes commerciaux ; par exemple les suivants ; identifier les prospects ; distinguer les bons clients des autres ; trouver les incitations adaptées à chaque type de clients ou prospects.

 

La direction doit être en état de vérifier la qualité de la génération des résultats.

La crédibilité des analyses des données dépend étroitement de la qualité du processus de génération des résultats :

La direction peut alors se poser les questions suivantes :

-le parcours d’achat du client et les facteurs de ses décisions ont-ils été bien pris en compte ?

-quel problème cherche à résoudre telle décision de l’entreprise et quel rapport entre l’action et le résultat.

-les différents groupes de consommateurs que nous comparons sont-ils en fait comparables.

Evaluer cette qualité du processus de génération des résultats exige une connaissance professionnelle de la situation

Et c’est pourquoi l’analyse des données n’est pas seulement affaire d’analystes mais aussi et surtout de manager.

 

-La recherche des relations de causes à effets constitue l’essentiel des analyses de données.

Dans la vie quotidienne, établir cette relation et la considérer comme crédible est assez facile parce que nous observons souvent le mécanisme qui lie la cause à l’effet

Le problème est nettement plus difficile lorsque l’on ne peut pas observer ce mécanisme et c’est, malheureusement, le cas en marketing. Par exemple, on peut difficilement décrire, et encore moins observer, le processus exact par lequel une publicité incite un consommateur à acheter.

Le manager doit, ainsi, avoir une idée des vérifications les plus fréquentes à opérer et les erreurs les plus fréquentes à éviter qui peuvent se ramener à 3 types :

 

-Y-a-t-il un facteur « tiers », non considéré, qui détermine la relation entre les variables ;

On pourrait sans doute trouver une bonne corrélation entre le nombre de motos en circulation et le nombre de coups de soleil. Rechercher l’interprétation de cette relation serait d’autant plus sot qu’on oublie que c’est l’été qui provoque les deux variables.  On peut trouver des exemples plus professionnels mais l’essentiel pour le manager est de se poser la question de l’intervention éventuelle d’un facteurs « tiers » non considéré.

 

-La relation causale trouvée n’est-elle pas plutôt une relation causale inversée ;

Un agent du service marketing constate après étude que les clients qui ont reçu le plus d’emails promotionnels ont généré le plus de chiffre d’affaires.  Conclusion première : la promotion par email génère du chiffre d’affaires.

En fait, dans cette entreprise à plusieurs départements, les emails sont gérés par les responsables de département et les clients reçoivent d’autant plus d’emails qu’ils achètent dans de nombreux départements.

Conclusion exacte = ce sont les achats qui génèrent la fréquence des emails, et non la fréquence des e-mails qui génèrent du chiffre d’affaires.

 

-Mesurer les effets d’une action promotionnelle en comparant des groupes de prospects non comparables ;

Si, par exemple, on veut comprendre les effets d’une action promotionnelle sur un groupe de prospects, l’idéal serait que tous les prospects soient semblables à tous les points de vue ; que l’on constitue deux sous-groupes et que l’on soumette l’un d’eux à l’action promotionnelle. Les deux sous-groupes étant semblables, on pourrait conclure que l’action promotionnelle a causé la différence de résultats.

Pour approcher cette situation, il faut faire une expérience randomisée.

https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/medecine-etude-randomisee-3337/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Essai_randomis%C3%A9_contr%C3%B4l%C3%A9

https://fr.wikipedia.org/wiki/Test_A/B

Tout d’abord, on doit répartir les prospects en deux sous-groupes, de façon tout à fait aléatoire, et soumettre l’annonce à un des sous-groupes.

On ne peut pas espérer que les membres des sous-groupes soient strictement semblables mais seulement qu’ils soient semblables en probabilité, c’est-à dire sans différences systématiques entre les groupes ; par exemple pas de différence systématique de sexe, ou de revenu ou de localisation, etc.

Toutes les caractéristiques susceptibles d’influer sur l’effet de l’annonce se trouvant dans des proportions proches dans les deux groupes, on pourra considérer que les différences sont dues à l’annonce.

Lorsqu’on compare des groupes de prospects, les questions principales à se poser sont les suivantes :

-y a-t-il des différences préexistantes entre les groupes ?  Si c’est le cas, nous ne pouvons pas interpréter les résultats

-peut-il exister un facteur « tiers » susceptible d’expliquer le lien entre l’appartenance à un groupe et le résultat.

 

(Source principale: Coursera   Leadership Through Marketing. Université Northwestern)

Pour aller plus loin.

La rubrique marketing de ce blog contient plus de 60 articles ; en particulier les suivants :

https://outilspourdiriger.fr/lessentiel-du-marketing-1/  et 2

https://outilspourdiriger.fr/lequation-du-succes/

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur.  A. Uzan 14/11/1921