Evaluer l’expérience client
Evaluer l’expérience client a été, d’abord et longtemps, évaluer la satisfaction du client. Aujourd’hui, on cherche à prendre une vue plus globale de l’expérience client.
L’article présent est le quatrième et, pour le moment, le dernier sur ce sujet.
Le premier article a porté sur l’analyse qualitative de l’expérience client. (https://outilspourdiriger.fr/evaluer-lexperience-client-1/)
Les deuxième et troisième articles ont porté sur l’enquête d’opinion : sur les données à collecter, la population à questionner, les incitations à répondre, les méthodes de questionnement, quelques questionnaires souvent utilisés dans l’évaluation de l’expérience client.
L’article présent présente les méthodes d’évaluation de la satisfaction client et, surtout, les nouveaux questionnaires visant l’évaluation de la totalité de l’expérience client.
- La satisfaction du client
Pour un client, la satisfaction c’est le sentiment, de plaisir ou de déplaisir, qui naît de la comparaison entre ses attentes à l’égard du bien acheté et son expérience d’utilisation du bien. L’un et l’autre des sentiments peuvent être plus ou moins forts et induire des réactions immédiates et des attitudes à plus long terme à l’égard du produit et de l’entreprise qui l’offre.
Le client a acheté le bien parce qu’il avait évalué qu’il allait recevoir des bénéfices économiques, fonctionnels et psychologiques plus importants que les coûts monétaires, fonctionnels (temps, énergie) et psychologiques qu’il allait supporter et que cette différence était estimée plus grande pour le bien choisi que pour les solutions alternatives. Le langage courant dit qu’alors le critère retenu a été le rapport qualité / prix. En fait, tout achat étant un pari sur le futur, il est plus juste d’appeler ce rapport «services espérés / coûts probables à subir » (https://outilspourdiriger.fr/besoindesirachat/). On comprend mieux alors que la réalisation puisse être différente des attentes et que les causes de la satisfaction ou de l’insatisfaction puissent être diverses.
En général : la réalisation d’une attente engendre une satisfaction et sa non-réalisation une insatisfaction.
Mais on peut distinguer 2 autres types de situation :
– Les attentes minimales dont la réalisation ne conduit à aucune satisfaction particulière mais dont la non-réalisation entraîne une forte insatisfaction, sinon la colère, du client.
– Les attentes inespérées dont la réalisation engendre une grande satisfaction et dont la non-réalisation n’entraîne aucune insatisfaction. (Par exemple : un « cadeau » post achat).
Les déterminants des attentes du client sont divers et l’entreprise peut en anticiper certains :
– les besoins dont le client cherche la satisfaction, son projet ;
– la part de ses ressources qu’il peut y consacrer;
– l’expérience passée qu’il a de l’offre retenue ou des offres concurrentes ;
– ce que disent les prescripteurs : experts, membres des réseaux sociaux, relations amicales ou professionnelles.
Mais on ne doit pas oublier qu’il s’agit de perception, de valeur perçue, d’écart perçu, et que pour tout client un bien n’a pas seulement une valeur d’usage (ce à quoi il sert) mais aussi une valeur d’image de soi ( quelle image de moi mon achat et son utilisation donnent-ils, à moi et aux autres ) et aussi une valeur expérientielle, hédonique (quelles sensations procurées par l’expérience d’achat et d’utilisation, etc.).
Les attentes à l’égard d’un bien sont donc nécessairement différentes selon le client et pour le même client selon le moment.
L’entreprise peut penser qu’elle maîtrise les déterminants des attentes des clients, que sa promesse aux clients est pertinente, que sa capacité de tenir sa promesse est forte, mais cela ne peut être vrai, au mieux, que pour le client moyen par segment et surtout pour un moment.
Le degré de satisfaction des clients doit être régulièrement mesuré et les points principaux d’insatisfaction (moments du processus, types de clients, etc.) repérés le plus précocement possible.
- L’évaluation de la satisfaction du client.
2.1. Les indicateurs d’alerte
Ils sont mis en place et suivis systématiquement ou instaurer provisoirement pour surveiller des « points faibles ». On peut citer les indicateurs suivants :
– Les réclamations ou les plaintes;
– le temps d’attente imposé au client pour régler un problème ;
– le taux de défection des clients et le taux de fidélité;
– les suggestions faites par les clients, spontanément ou à l’invitation de l’entreprise ;
– le taux de résolution du problème du client au premier appel ;
– le recours au « client mystère », faux client chargé de tester le fonctionnement de tel service ou de telle agence de vente, etc.
2.2. Les « mesures » de la satisfaction.
Elles sont nécessairement qualitatives. Trois questionnaires sont fréquemment utilisés par les entreprises : le Customer Satisfaction (CSAT), le Net Promoter Score (NPS), et le Customer Effort Score (CES),
2.2.1. Le « Customer Satisfaction » (CSAT).
Il vise à mesurer si le client a été satisfait du bien acheté et de son expérience d’utilisateur en lui posant directement la question « Avez-vous été satisfait de X ? ». Les réponses proposées peuvent être « oui » ou « non », ou une échelle d’évaluation. La question devrait être posée le plus près possible du moment de l’achat ou de l’expérience, ce qui permet de repérer très vite les insatisfactions. Reposée périodiquement, elle permet de suivre l’évolution de la satisfaction de X et si les résultats sont bons de s’en servir comme moyen de promotion.
Bien sûr, on peut décomposer la question en se centrant sur des aspects particuliers ou compléter la question fermée par une question ouverte pour en savoir plus sur les raisons de la réponse donnée.
2.2.2. Le « Net Promoter Score » (NPS)
C’est un indicateur de la propension des clients à recommander la marque ou le produit acheté.
Une question unique est posée: « Recommanderiez-vous X à un ami ou un collègue ? » La réponse est à donner sur une échelle allant de 1 (pas du tout) à 10 (oui. tout à fait)
Pas du tout Oui. Tout à fait
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Selon la note donnée, le client sera considéré comme « Promoteurs » (9 ou 10), « Passif » (7 et 8) ou « Détracteur » (notes 1 à 6).
On peut ajouter une question ouverte demandant les raisons de cette attitude.
On peut aussi comparer les résultats entre produits différents ou entre moments de l’enquête.
2.2.3. Le Customer Effort Score (CES)
Pour accroître le degré de satisfaction du client, on peut soit améliorer la perception des services espérés soit réduire les coûts et contraintes à subir (cf. le rapport «services espérés / coûts probables à subir »)
C’est ce dernier aspect qui est ici visé en demandant au client d’évaluer, sur une échelle, les efforts qu’il a dû fournir pour obtenir telle ou telle satisfaction. La question doit être posée le plus « à chaud » possible.
Elle peut être compléter par une question ouverte visant à en savoir d’avantage sur les efforts, etc.
- L’évaluation de la totalité de l’expérience utilisateur.
A l’heure du marketing des expériences (https://outilspourdiriger.fr/le-marketing-des-experiences/ https://outilspourdiriger.fr/concevoir-lheureuse-experience-client/) évaluer la seule satisfaction de l’utilisateur apparaît insuffisant, conduisant à chercher à compléter la réponse en ajoutant des questions plus ou moins improvisées. Aussi des recherches ont-elles été faites en vue de construire un questionnaire permettant d’évaluer rapidement et simplement l’ensemble des sentiments, impressions éprouvés par le client sur tous les aspects du produit, y compris son attractivité.
L’évaluation doit inclure, en effet, à la fois les qualités d’utilisabilité ou qualités pragmatiques (le degré auquel un système peut permettre d’atteindre des buts avec efficacité, efficience et satisfaction et le degré auquel il est fiable, facile à apprendre, facile à adopter) mais aussi les qualités hédoniques (aspects subjectifs et émotionnels de la satisfaction), soit les deux types de déterminants de la satisfaction et de l’attractivité.
Présentons les 2 questionnaires les plus connus ; « AttrakDiff » et « User Experience Questionnaire (UEQ) »
3.1. Le modèle « AttrakDiff ».
Selon ce modèle, les utilisateurs perçoivent les produits interactifs selon deux dimensions :
-les qualités pragmatiques du produit, celles relatives au « faire » ; le degré auquel le produit est perçu comme structuré, clair, contrôlable, efficace, pratique, etc.
-les qualités hédoniques du produit, celles relatives à « l’être » ou pourquoi on possède et on utilise ce produit ; le degré auquel le produit sera original, créatif, captivant, etc. (aspect hédonique-stimulation) ou encore présentable, professionnel, de bon goût, qui me rapproche des autres (aspect hédonique- identification).
Ce sont ces deux dimensions, pragmatique et hédonique, qui vont déterminer l’attractivité du produit et donner naissance à des sentiments ainsi qu’à des comportements et attitudes.
Voici le questionnaire AttrakDiff. (Il est exploité par la société allemande User Interface Design GmbH, qui propose la passation en ligne gratuitement (en allemand et en anglais) sur son site http://attrakdiff.de
(Source : (https://uxmind.eu/portfolio/version-francaise-de-lattrakdiff/)
Il comporte 4 sous-échelles de 7 questions chacune, soit 28 questions au total.
– qualités pragmatiques qui décrivent l’utilisabilité́ du produit ;
– qualités hédoniques – stimulation, qui indiquent dans quelle mesure le produit est stimulant;
– qualités hédoniques – identification, qui indiquent dans quelle mesure l’utilisateur s’identifie au produit ;
– attractivité globale.
Chaque question se présente comme ci-dessous et demande de donner son évaluation en cochant une de 7 cases ; par exemple, ci-dessous le produit est jugé compliqué.
Les questions ne sont jamais posées dans l’ordre du tableau ci-dessus mais dans un ordre différent et standardisé (http://attrakdiff.de/). On peut trouver une version raccourcie en 10 items.
Ainsi, en plus de l’évaluation de l’expérience d’un produit à un moment donné, on peut comparer les résultats d’enquête avant-après changement d’un produit ou comparer les évaluations de produits différents.
Dans tous les cas, il faut ajouter les questions personnelles pertinentes (sexe, âge, expériences précédentes, etc.) concernant le répondant pour pouvoir établir des relations, segmentations, etc.
3.2. Le modèle « User Experience Questionnaire (UEQ) » (http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.472.3719&rep=rep1&type=pdf) (https://www.ueq-online.org/)
C’est un questionnaire mis au point par des experts de SAP (logiciels pour entreprises), aidés par des experts de l’utilisabilité et testés à plusieurs reprises.
Ces experts ont considéré que certains questionnaires tels que « SUMI » et « IsoMetrics » sont trop centrés sur la seule utilisabilité et que « AttrakDiff » met trop l’accent sur les aspects hédoniques. Après tests et études diverses, ils aboutissement à un questionnaire de structure semblable à celle d’AttractDiff (questionnaire basé sur des adjectifs opposés et une échelle d’évaluation à 7 niveaux) mais retiennent 6 facteurs principaux de l’attractivité et de la satisfaction du client et 26 questions.
Les facteurs principaux sont les suivants : Attractivité (Attractiveness) – Facilité à maîtriser (Perspicuity) – Efficacité, (Efficiency) – Fiabilité (Dependability) – Stimulation (Stimulation) – Nouveauté (Novelty).
Facile à maîtriser, efficacité et fiabilité représentent les aspects ergonomiques ; stimulation et nouveauté, les aspects hédoniques.
Voici une présentation (en anglais et allemand) des facteurs et des questions ;
(http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.472.3719&rep=rep1&type=pdf)
L’attractivité est évaluée au travers les adjectifs : agréable – bon – plaisant – accueillant – attractif – amical ;
La facilité à maîtriser, au travers les adjectifs : compréhensible – facile à apprendre – simple – clair ;
L’efficacité, à travers les adjectifs : rapide – efficient – pratique – organisé ;
La fiabilité, au travers les adjectifs : prévisible – encourageant- sûr – correspondant aux attentes ;
La stimulation, au travers les adjectifs : de valeur – excitant – intéressant – motivant ;
La nouveauté, au travers les adjectifs : créatif – inventif – avant-gardiste – innovant.
Voici une présentation du questionnaire en version courte de 8 questions. (https://www.ueq-online.org/)
(Source : (https://www.ueq-online.org/)
Pour ceux qui seraient tentés par une première mise en œuvre de questionnement des utilisateurs, on trouvera une utile présentation à https://www.margaux-perrin.com/mise-en-place-dun-questionnaire-utilisateur-comprendre-la-cible-et-les-bes .
Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A.Uzan. 30/07/2018