Une entreprise peut choisir la stratégie de diversification : choisir d’avoir des activités sur plusieurs marchés, en y créant ou pas des entreprises filiales ; choisir, donc, de se diversifier plutôt que de se concentrer, se spécialiser dans un seul marché.
Elle doit alors avoir une stratégie par type d’activité ou d’entreprise (« business ») et une stratégie de groupe (« corporate ») pour gérer son portefeuille d’activités ou d’entreprises.
L’entreprise qui pratique une stratégie se diversification, qui élargi sa portée, ses frontières (« scope ») au-delà de son marché initial, vise à accroître sa rentabilité, sa croissance, sa puissance, etc. Dans certains cas, il y a ressources communes et interdépendance entre les activités ; dans d’autres cas les activités ou entreprises filiales sont sans lien économique entre elles, constituant un conglomérat.
Les raisons qui conduisent à pratiquer une stratégie de diversification sont diverses mais peuvent se ramener aux quatre types suivants : la raison stratégique, la raison opérationnelle, la raison financière, les risques et incertitudes du contrat (par ex. contrat d’externalisation ou de partenariat).
Explorant chacun de ces types de raisons avant de voir les limites de la stratégie de diversification.
- Les raisons de se diversifier.
On peut donc en repérer quatre types :
1.1. La raison stratégique.
Cette raison, la principale, tient à l’hypothèse suivante : on peut tirer parti de sa forte position concurrentielle sur un marché pour réussir dans un autre marché, en espérant obtenir deux avantages :
–réduire ses coûts et ses risques (voir plus loin) et/ou accroitre les coûts et les risques des concurrents, par exemple, en intégrant l’amont ou/et l’aval ;
–réduire l’intensité de la concurrence, voire instaurer un degré de tolérance mutuelle, car la guerre des prix, par exemple, deviendrait trop dangereuse en se généralisant sur plusieurs marchés.
1.2. La raison opérationnelle.
Ce type de raison tient surtout à la recherche de synergie entre plusieurs activités.
La diversification permet d’obtenir diverses économies d’échelle (réduction des coûts fixes par unité produite) et de gamme (réduction de coûts provenant de productions jointes) si l’activité adjointe peut partager tout ou partie de l’équipement, du management, de la promotion, de la commercialisation de l’entreprise « mère », voire, mieux, « saturer » l’utilisation de ces capacités. Elle peut procurer également une meilleure coordination entre activités (en cas d’intégration amont ou aval)
Mais on sait que les synergies sont plus faciles à percevoir qu’à réaliser ; et, parfois, sinon souvent, plus faciles à obtenir par contrat (externalisation, partenariat, etc.) que par intégration.
1.3. La raison de rentabilité.
On peut ici repérer les quatre types de raisons suivants :
– l’entreprise peut déceler et vouloir exploiter une opportunité sur un autre marché, en particulier sur un marché connexe au sien ;
– elle peut vouloir rajeunir partiellement son portefeuille de produits ;
– elle peut vouloir réduire la volatilité de ses activités et résultats ; c’est le cas évident des activités saisonnières mais aussi des activités très risquées ;
-elle peut vouloir réduire les coûts fixes par unité de produit, en recherchant une synergie entre activités ; à l’inverse l’interdépendance entre les activités est facteur de transmission des difficultés
1.4. Les risques et incertitudes du contrat (ou pourquoi les organisations existent)
https://dspace.mit.edu/bitstream/handle/1721.1/64287/theoryoffirmscop00hart.pdf;sequence=1
C’est la raison qui conduit à garder le contrôle direct de ses activités plutôt qu’à sous-traiter ou établir des partenariats.
Toute activité économique est, finalement, une transaction entre acteurs économiques via un contrat express ou tacite. C’est ce qu’on peut aisément observer lors de la réalisation d’un film (réunion éphémère d’acteurs etc.), sur un chantier de construction (réunion éphémère de métiers, etc.), dans les relations commerciales ou de travail, etc.
Mais, le plus souvent, les entreprises préfèrent placer leurs activités sous leur contrôle direct, car la propriété confère le pouvoir de décider, de coordonner et, ainsi, de réduire les risques et incertitudes des transactions contractuelles et, en particulier, les suivants
-L’opportunisme des acteurs ; les acteurs indépendants sont à la recherche d’opportunités et peuvent changer d’avis et donc d’engagement.
-La complexité de certaines activités ; il est plus facile de manager un service de R et D que de coordonner des chercheurs indépendants distants les uns des autres.
-Les risques de l’échange d’informations entre co-contractants ; par exemple, tout fondateur de startup à la recherche de financement doit présenter son idée au financeur mais coure le risque de voir son idée copiée.
-Les risques de l’asymétrie d’information entre co-contractants (« la sélection adverse ») ; c’est ce qui peut se produire, par exemple, lors de l’achat d’un bien ; l’acheteur court le risque d’un écart entre la satisfaction promise par le vendeur et celle obtenue réellement.
-Les incertitudes du futur ; elles peuvent bouleverser tout projet de coopération sur la base d’un contrat.
Ainsi les raisons principales de se diversifier en gardant le contrôle de ses activités sont diverses : prendre appui sur son avantage concurrentiel sur un marché pour conquérir autre marché ; trouver des synergies facteurs d’économies d’échelle et de gamme, réduire la volatilité de l’activité et des résultats.
Mais comme la stratégie de spécialisation ou de partenariat, la stratégie de diversification rencontre des limites.
- Les limites de la stratégie de diversification.
Toutes les actions humaines connaissent un optimum au-delà duquel l’avantage se transforme en inconvénient. Les synergies peuvent devenir négatives lorsque la taille grossit, la bureaucratie s’installer, l’organisation se complexifier. Et l’option d’externaliser ou de recourir au partenariat peut alors redevenir pertinente.
Explorons les facteurs de limite avant de présenter les stratégies de diversification.
2.1. Les facteurs de limite.
On peut repérer les facteurs de limite suivants :
-Les gouvernements et autorités antitrust essaient de réduire les pouvoirs des monopoles et de limiter le développement des grandes entreprises pour sauvegarder la concurrence ou pour des raisons politiques.
-Les coûts bureaucratiques tendent à augmenter à mesure que l’entreprise étend sa portée. La coordination devient plus difficile, la prise de décision plus lente et l’adaptation aux changements moins rapide.
-Des coûts « politiques » (coût d’agence) surgissent ; au dépends du temps de production de valeur, se développent des jeux d’influence et de coalition pour obtenir des ressources ou des pouvoirs et il devient plus difficile de contrôler et d’imputer les résultats positifs ou les échecs.
Ces accroissements de coûts doivent être mis en balance avec les risques et incertitudes des transactions contractuelles présentées ci-dessus pour décider si on garde le contrôle de la nouvelle activité ou si on recoure à un sous-traitant ; pour décider si on « fait » ou si on « fait faire ».
C’est alors la complexité et les risques de l’opération qui constituent le critère de choix ; on sous-traitera une opération simple de production ou de commercialisation mais pas le management d’un service de R et D ; et on peut même, parfois, choisir de ne rien sous-traiter pour respecter ou protéger sa marque ou sa déontologie ou sa promesse de qualité.
2.2. Le bon degré de diversification.
On peut constater que les entreprises prospères sont celles qui se concentrent sur une industrie, sur un marché, et qui tirent parti de leurs contiguïtés avec d’autres industries lorsque cela crée des synergies.
Réussir sur un marché implique d’avoir un avantage concurrentiel durable mais la diversification créatrice de synergies renforce cet avantage concurrentiel dans tous les marchés.
C’est là le critère du bon degré de diversification : quel ensemble d’activités pratiquées au sein d’une entreprise procure cet avantage, cette synergie, et quel ensemble d’activités est plutôt à sous-traiter ou mettre en partenariat.
2.3. Les stratégies de diversification
(Source: Coursera “Advanced Business Strategy” University of Virginia)
La matrice ci-dessus, inspirée de la matrice de McKinsey, croise deux importantes dimensions :
– l’attrait du marché ; les opportunités qu’il offre de croissance et de rentabilité ;
– les atouts de l’activité ; l’avantage concurrentiel possédé.
Elle indique la stratégie de diversification à adopter selon que l’une ou l’autre des dimensions est forte ou faible ; ainsi :
– « Build » ou consolider est le positionnement d’une activité à développer parce que son avantage concurrentiel est fort dans un marché en croissance.
– « Hold » ou tenir, conserver, est un positionnement d’attente, de veille, pour saisir l’opportunité de développer ou de vendre car une seule des dimensions est forte.
-« Harvest » ou moissonner est le positionnement d’une activité à vendre ou laisser mourir.
Pour une entreprise mono – activité agissant dans un marché X, on peut imaginer les stratégies de diversification suivantes :
-Si elle est déjà dans un marché « Build » à fort attrait et avec un fort avantage concurrentiel, son premier choix est d’entrer dans le marché « Hold » à fort attrait pour y développer une activité en bénéficiant de son avantage concurrentiel initial. Un deuxième choix serait d’entrer dans le marché « Hold » à faible attrait avec l’objectif de le dynamiser.
-Si elle est déjà dans un marché « Hold » avec un fort avantage concurrentiel initial, son premier choix est d’entrer dans le marché « Build » et son second choix dans le marché « Hold » à fort attrait.
-Si elle est déjà dans un marché « Harvest », elle peut le rester si son positionnement conforme ses autres activités ; sinon elle doit trouver une autre utilisation de ses compétences.
Les stratégies de diversification selon « Stratégor » InterEditions.
Voici une autre manière de présenter les stratégies possibles :
-le placement industriel ou financier. Si les atouts du produit en cours sont forts et le marché initial encore croissant, l’entreprise peut investir ses bénéfices sur un autre produit-marché utilisant ses compétences principales.
-le redéploiement. Si les atouts du produit initial sont forts mais le marché déclinant, l’entreprise doit se tourner vers la conquête d’un marché nouveau avec un produit nouveau de sa compétence.
-le confortement : les atouts du produit et l’attrait du marché sont moyens ; l’entreprise doit chercher à se différencier.
-la survie : les atouts du produit comme l’attrait du marché sont faibles ; il faut trouver au plus vite une activité utilisant au mieux les compétences détenues.
Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A. Uzan. 23/06/2020
Voir -Les stratégies globales d’entreprise. https://outilspourdiriger.fr/les-strategies-globales-denreprise/
(Source: mooc Coursera “Advanced Business Strategy” University of Virginia)