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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

La technologie pour le meilleur selon McKinsey La technologie pour le meilleur selon McKinsey

La technologie pour le meilleur et sans le pire ? C’est possible selon les consultants de McKinsey après un très important travail d’équipe paru en mai 2019  (voir : https://www.mckinsey.com/~/media/mckinsey/featured%20insights/future%20of%20organizations/tech%20for%20good%20using

%20technology%20to%20smooth %20disruption%20and%20improve%20well%20being/tech-for-good-mgi-discussion-paper.pdf)

Ce document explore les conditions auxquelles il est possible, dans les économies développées, de bénéficier pleinement des effets positifs des nouvelles technologies et de réduire sensiblement les effets négatifs.

Donnons d’abord un aperçu rapide des effets positifs et négatifs des nouvelles technologies. On examinera ensuite les facteurs déterminants de ces effets et les scénarios de réalisation possibles. On montera enfin quelle coopération entre entreprises et pouvoirs publics est nécessaire pour réaliser la technologie pour le meilleur et sans le pire.

 

  1. Les effets positifs et négatifs des nouvelles technologies

On sait que le développement et l’adoption des technologies avancées, y compris l’automatisation intelligente et l’intelligence artificielle sont recherchés pour leur potentiel d’augmenter la productivité du travail et la croissance d’un pays ou d’une entreprise ; et c’est ce qui s’observe effectivement mais c’est aussi ce qui s’accompagne, malheureusement, d’importants effets négatifs sur les travailleurs et la société.

Contrairement à une croyance répandue, ces effets négatifs ne tiennent pas à la technologie elle-même mais aux choix des décideurs.

En effet, la technologie peut produire des résultats positifs ou négatifs, et souvent les deux, selon la façon dont elle est mise en œuvre, selon les objectifs principaux poursuivis par les décideurs privés ou publics.

Elle a pu être, dans le passé, perturbatrice de la croissance et du bien-être collectif et provocatrice de crises sociales douloureuses mais on sait aujourd’hui qu’elle a contribué très largement à la croissance et au bien-être en Europe et aux États-Unis au cours des 70 dernières années.

Elle peut être perturbatrice à court terme, en particulier sur l’emploi, les revenus et le bien-être collectif mais elle peut aussi aider à atténuer ces perturbations et à les prévenir ; c’est le cas, par exemple, de la formation en ligne, des plateformes numériques de recherche d’emploi et des marchés en ligne, qui facilitent la formation, la recherche d’emplois et la baisse des prix des produits et services ; et on connait les effets bénéfiques sur la santé et l’écologie environnementale.

La technologie peut être destructrice d’emploi mais aussi créatrice d’emplois et facteur d’accroissement de l’intérêt et de la productivité du travail.

Elle peut être facteur de stress au travail mais aussi facteur d’amélioration de la santé et de la longévité des travailleurs. Elle peut rendre l’éducation plus accessible et les maisons et les véhicules moins gourmands en énergie.

Elle peut exacerber les inégalités de revenus entre les travailleurs hautement qualifiés et les peu qualifiés et mettre la pression du chômage sur la classe moyenne mais ces effets négatifs peuvent être temporaires et, en tous cas, combattus.

Les «techno-optimistes» et les «techno-pessimistes» ont tendance à ne voir et à ne grossir qu’un aspect des choses.

L’opinion récente des européens figurant dans le tableau ci-dessous est plus nuancée ; environ 80% des sondés pensent que la technologie produira dans les 15 ans à venir des effets positifs sur quasi tous les facteurs du bien-être ; mais environ 20 % s’inquiètent des risques pesant en particulier sur la sécurité de l’emploi, le niveau de vie matériel, la sécurité, l’égalité des chances et la confiance (Tableau 1).

Opinions sur technologie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La question posée : Dans les 15 ans à venir, quel impact pensez-vous que la science et l’innovation technologique aura sur les domaines suivants : la prospérité (sécurité d’emploi, niveau de vie, éducation) ; le bien-être (santé, sécurité et habitation, sentiment d’appartenance) ; la durabilité (environnementale et économique) ; la justice et la confiance (égalité des chances et confiance dans la société).

 

  1. Les déterminants des effets et les scénarios possibles.

Les consultants de McKinsey concluent de leur longue recherche, et à juste titre, que les effets de l’adoption de la technologie, les effets négatifs en particulier, sont déterminés par les deux grands types de facteurs suivants :

-L’objectif principal de l’adoption de la technologie :

Les entreprises peuvent choisir d’utiliser la technologie principalement pour réduire leurs coûts et en particulier leur personnel. Elles peuvent aussi choisir d’utiliser la technologie principalement pour innover, créer de nouveaux produits et marchés, et pour accroître le niveau des compétences de leur personnel.

Et les choix et l’action des pouvoirs publics peuvent influencer assez largement l’un ou l’autre de ces deux choix des entreprises.

-Le management des transitions nécessaires.

Des transitions sont cependant nécessaires. Elles concernent principalement le marché du travail : son aspect formation initiale préparatrice aux nouvelles technologies et son aspect formation continue ou amélioration du capital de compétences des travailleurs.

Elles peuvent également concerner les entreprises partenaires des entreprises adoptant les nouvelles technologies ou les régions de localisation de ces entreprises.

Sur ce plan, aussi, les pouvoirs publics surtout, mais aussi les entreprises sont les acteurs principaux.

C’est ainsi que les consultants de McKinsey ont été conduits à établir les 4 scenarios suivants :

Schénario effets technologie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’axe horizontal distingue les situations selon l’objectif principal donné au développement et à l’adoption de la technologie : réduction des couts de personnel ou innovation et accroissement de compétences du personnel.

L’axe vertical distingue les situations selon que le management des transitions nécessaires est proactif ou restrictif.

Voici la traduction du contenu du tableau :

Le cadran haut à gauche caractérise la situation de faible croissance et de transition managée.

  • Les entreprises se concentrent sur la réduction des coûts via l’automatisation des tâches et le remplacement du travail par des machines.
  • Les gouvernements et les entreprises soutiennent la transition des travailleurs pour passer à moins de routine et à des rôles plus qualifiés.
  • Il y a moins de perturbation sur le marché du travail, ce qui réduit le besoin de management proactif.

Le cadran bas à gauche caractérise la situation de faible croissance et de faible bien-être social.

  • Les gouvernements réduisent leurs aides aux investissements en R&D et ralentissent l’adoption de la technologie dans les services publics.
  • Les entreprises se concentrent sur la réduction des coûts grâce à l’automatisation et sur le remplacement de la main-d’œuvre.
  • L’innovation ralentit en raison de coûts plus élevés et de retours sur investissement plus faibles.
  • Seul un faible niveau de gestion proactive est nécessaire car la perturbation des marchés du travail est plus limitée.

Le cadran Haut à droite caractérise la situation de « technologie pour une vie meilleure »

  • Les entreprises se concentrent sur la création de nouveaux produits et marchés et déploient la technologie centrée sur le personnel.
  • Les gouvernements soutiennent l’innovation par la R&D mais aussi adoptent des technologies en services publics, y compris en santé.
  • Entreprises et gouvernements collaborent pour faciliter les transitions sur le marché du travail (requalification et mobilité).

Le cadran Bas à droite caractérise la situation de forte croissance mais de faible bien-être social.

  • Les entreprises se concentrent sur l’innovation, mais font peu d’efforts pour requalifier leur personnel.
  • Les gouvernements soutiennent l’innovation par la R&D, mais n’adoptent que lentement les technologies dans les services publics.
  • Les entreprises et les gouvernements gèrent peu les transitions professionnelles, entraînant une grande perturbation du marché du travail.

On a compris que le quadrant haut à droite «« Technologie pour une vie meilleure » décrit le meilleur scenario pour notre société ; le scénario qui produit les meilleurs résultats sur le plan économique comme sur le plan du bien-être social.

 

  1. La coopération nécessaires entre entreprises et pouvoirs publics.

Ce scénario conduit entreprises et services publics à coopérer pour accélérer la production et l’adoption de l’innovation technologique dans tous les domaines, privés et publics ; ce scénario ne tend pas à réduire le travail humain ; et lorsque cette réduction est nécessaire, il crée les conditions de l’adaptation des compétences et d’une plus grande fluidité et efficacité du marché du travail.

La focalisation du développement et de l’adoption de la technologie sur l’innovation (création de nouveaux produits et marchés) augmente l’offre de biens et de services de meilleure qualité, accroit la productivité des facteurs, permet l’augmentation des salaires, stimule la création d’emplois nouveaux et produit des effets d’entrainements positifs sur les PME et régions qui entourent les entreprises leaders.

Et les effets potentiels sur le bien-être peuvent être importants. On sait que l’accroissement de la productivité du travail est corrélé à la réduction du temps de travail et à l’accroissement du temps « libre » et cet effet est accru par les technologies qui réduisent le travail domestique (domotique etc.). Mais l’amélioration de bien-être la plus importante peut résulter des technologies qui améliorent la santé et la longévité.

Néanmoins, le besoin de compétences nouvelles et la nécessité de transitions se feront nécessairement sentir conduisant une importante proportion de personnes à se recycler. De plus les inégalités de revenus et de consommation peuvent s’accroître au détriment des salariés, au moins dans un premier temps.

Au total donc, une augmentation significative du bien-être via le revenu, la santé et la longévité mais des effets négatifs qui peuvent augmenter.

Ils ne peuvent être combattus et réduits que par la coopération entre entreprises et pouvoirs publics.

Les entreprises doivent être encore plus nombreuses à retenir les deux principes de base suivants :

– centrer le développement et l’adoption de la technologie sur l’innovation et prendre en charge, individuellement ou collectivement, la formation nécessaire de leurs personnels ; c’est leur intérêt le mieux compris, même si ce n’est pas toujours leur intérêt à court terme. Les exemples donnés par les grandes entreprises du numérique sont significatifs à cet égard. Les sources de toute croissance sont l’innovation et la compétence du personnel.

– aider les prestataires privés et surtout les prestataires publics de formation initiale et continue à repérer les compétences nouvelles qui seront nécessaires dans un avenir proche ; les entreprises sont les mieux placées pour ce repérage et préparent ainsi « l’amont » de leurs recrutements.

Les pouvoirs publics doivent réaliser les opérations suivantes le plus efficacement possible ;

soutenir la recherche et le développement des entreprises, en particulier de celles qui sont tournées vers l’innovation et la formation de leurs personnels.

-développer la recherche publique, souvent source principale de toute innovation ;

-rendre les organismes publics de formation initiale et continue capables de mieux former les compétences nécessaires aux entreprises et aux services publics et rendre le marché du travail plus fluide.

-développer les Infrastructures numériques nécessaires à tous, la culture et l’accès aux réseaux numériques pour tous ; le déploiement du haut débit et le Wi-Fi public

– réduire les inégalités de revenus en protégeant les employés obligés ou désireux de se reconvertir et en utilisant la fiscalité. Rétablir la confiance dans les institutions et le leadership politique seront essentiels ; la recherche montre que le manque de confiance est lié à la peur de chômage et aux inégalités.

 

Conclusion.

Cet article doit être considéré comme le résumé extrêmement, voire beaucoup trop, succinct d’un travail d’une très grande richesse et où chacun peut trouver d’importantes autres informations et analyses.

L’objectif était d’en présenter les trois idées de base.

-La première idée est que la technologie peut être produite et utilisée pour le meilleur comme pour le pire mais que ses effets ne tiennent pas à sa « nature » mais aux choix des décideurs.

-La deuxième et principale idée est que chacun des trois types suivants d’acteurs économiques d’un pays doit remplir sa mission et assumer sa responsabilité :

l’entreprise doit produire et/ou utiliser les innovations du moment et prendre en charge la formation de son personnel ;

-le travailleur (salarié ou indépendant) doit maintenir et adapter sa formation ;

-les pouvoirs publics doivent produire la recherche et la formation publiques nécessaires, adopter la technologie nécessaire à son efficacité, fluidifier le marché du travail et réduire les inégalités pour créer la confiance.

 

PS : on trouvera dans ce blog de nombreux autres articles portant sur les nouvelles technologies et en particulier les suivants :

https://outilspourdiriger.fr/lia-creation-destructrice-ou-destruction-creatrice-demplois/

https://outilspourdiriger.fr/les-applications-cognitives-1/    –    https://outilspourdiriger.fr/utiliser-lia-daujourdhui/

https://outilspourdiriger.fr/linternet-des-objets-1-ido-iot/  –  https://outilspourdiriger.fr/le-developpement-de-linternet-des-objets-iot-2/

https://outilspourdiriger.fr/limpression-3d-1-vers-un-changement-de-modele-industriel/ (voir :2 et 3)

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A. Uzan. 13/09/2020