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Source : Mooc Coursera « Effectuation : l’entrepreneuriat pour tous » P. Silberzahn, EM Lyon
La méthode nécessaire à la création d’une offre nouvelle dépend essentiellement du degré de nouveauté de l’offre envisagée, c’est-à-dire, en fait, de la prévisibilité de l’environnement concerné par l’offre. Plus l’environnement est incertain, plus s’impose le recours à l’effectuation.
- Entrer dans un marché existant ou créer un nouveau marché.
1.1. Entrer dans un marché existant
Le projet de création d’une offre peut viser à entrer dans un marché existant dont on connaît ou peut connaître les modalités et tendances de comportements des clients et prospects ; dont on peut connaître les offreurs et les modalités de la concurrence en cours, le degré de protection contre les nouveaux « entrants » et les produits de substitution, les rapports de force entre offreurs et clients ou offreurs et fournisseurs ; bref, dont on peut connaître ou estimer toutes les forces qui composent le modèle de marché de M. Porter (voir https://outilspourdiriger.fr/approche-actuelle-de-la-strategie-2/).
Ce degré de connaissance ou de prévisibilité étant rarissime, admettons que le projet de création vise à entrer dans un marché grosso modo prévisible.
Dans ce cas, on peut approcher la compréhension des forces qui façonneront son futur environnement, évaluer ses capacités distinctives, choisir son positionnement et sa stratégie, c’est-à-dire la « place » souhaitée dans son marché, les moyens d’y parvenir et le plan de mise en œuvre.
On peut ainsi fonder et chiffrer avec une approximation acceptable son modèle d’affaire (« Business Model » ou BM) et son plan d’affaire (« Business Plan » ou BP) (voir les articles correspondants dans ce blog) et se lancer avec des arguments aussi solides que possibles dans la recherche des coopérations nécessaires, financières en particulier.
La certitude n’est pas de ce monde mais, au moins, on peut espérer avoir repérer et peut-être mesurer les facteurs-clés du succès et de l’échec avant de se lancer.
1.2. Proposer une offre nouvelle.
Il en va tout autrement si l’offre qu’on envisage est un produit ou un service nouveau ; s’il s’agit d’introduire une innovation, de créer un marché nouveau ou d’entrer dans un marché en émergence.
On a une idée de ce qu’on voudrait faire ; une idée des recherches et mises au point nécessaires ; une idée du type de prospects que cela pourrait intéresser, de la concurrence qu’il faudra affronter, du type de fournisseur et de financier à conquérir, etc. mais tout cela n’est qu’un ensemble d’hypothèses dont on ne connaît ni le degré de pertinence ni la probabilité de réalisation.
En fait, c’est l’incertitude qui domine ces hypothèses ; pas l’incertitude au sens commun du terme, c’est-à-dire « ne pas être sûr de quelque chose » mais l’incertitude au sens donné par F. Knight, prix Nobel d’économie, c’est-à-dire « être sûr de ne pas pouvoir connaître, prévoir, les événements futurs possibles » ; être sûr, en tout cas, de ne pas pouvoir réunir l’information permise par le marché existant et décrite ci-dessus.
Les attentes et futures réactions des prospects sont incertaines ; les détails de l’offre sont incertains ; les projets concurrents en préparation sont secrets ; les fournisseurs nécessaires dépendront de l’offre retenue ; la mise au point de l’offre et de la production sont incertaines, sans parler du financement.
On voit clairement que les problèmes posés par les deux situations sont totalement différents et exigent des méthodes de travail différentes.
La méthode classique nécessitée par l’entrée dans un marché existant est bien connue parce qu’exposée très souvent (voir «https://outilspourdiriger.fr/nouvelle-approche-de-la-creation-dentreprise/).
La méthode nécessaire pour entrer dans un marché incertain a certainement été très souvent pratiquée, en fait, empiriquement, pragmatiquement, et sans référence à une théorie particulière.
Aujourd’hui cette méthode a été mise au point et se présente sous le nom de l’effectuation.
- L’effectuation
2.1. La source de la méthode.
Elle résulte des travaux d’un professeur américain S. Sarasvathy (http://www.effectuation.org/) et a été diffusée en France par P. Silberzahn, professeur à l’EM Lyon (https://philippesilberzahn.com/)
- Sarasvathy est allée à la rencontre de nombreux créateurs d’entreprises ayant connu le succès pour savoir quelles méthodes ils avaient adoptées pour créer et se développer. Elle a découvert que les entrepreneurs ne suivaient pas du tout la méthode de prédiction classique, méthode prédictive qu’elle a appelée « causale» parce qu’elle part d’un objectif pour définit les moyens et la trajectoire pour l’atteindre.
En fait et en particulier lorsqu’ils sont en situation d’incertitude, les entrepreneurs pratiquaient une méthode dite « effectuale » parce qu’elle part des ressources disponibles pour construire des objectifs atteignables.
C’est le débat classique entre « ends, ways, means » et « means-ways-ends» qu’on a présenté dans l’article « https://outilspourdiriger.fr/approche-actuelle-de-la-strategie-2/
Et comme en matière de stratégie, si le futur ne peut être prédit, il doit être construit, pas à pas et en suscitant autant que possible la collaboration de partenaires intéressés par cette construction.
Loin de la mythologie de l’entrepreneur ayant des qualités extraordinaires, le goût du risque et de l’aventure, une vision particulière, une idée géniale soudaine, une capacité exceptionnelle de prévision, une capacité de réussir tout seul, la plupart des entrepreneurs, y compris beaucoup des plus grands d’aujourd’hui, ont commencé « petit », sans BM ni BP et sans idée initiale géniale ; et ils ont mis beaucoup de temps à créer leur marché et à se développer, parfois sur une base autre que l’idée initiale.
2.2. Le processus entrepreneurial mis en œuvre.
Il est, généralement, celui qui est illustré par le schéma suivant :
Source : Mooc Coursera « Effectuation » P. Silberzahn
-Le porteur d’un projet de création d’une offre nouvelle définit d’abord ce qu’il peut faire compte tenu des moyens qu’il peut réunir ; puis il entre en interaction avec des prospects, fournisseurs, financeurs, collaborateurs potentiels, etc. pour savoir s’il peut obtenir leurs engagements et leurs collaborations.
-S’il est conforté par l’adhésion des partenaires sollicités et en particuliers par les clients, il peut commencer à produire et commercialiser mais aussi établir des buts et objectifs plus ambitieux ou différents ; sinon le projet est abandonné.
-Le développement du projet se réalise par reproduction élargie du processus : accroissement des apports des partenaires (clients, distributeurs, fournisseurs, financeurs…) ; établissement d’objectifs plus ambitieux ou nouveaux, etc.
Les fondements de cette démarche sont les suivants :
– ce sont les ressources disponibles toujours rares qui, le plus souvent, déterminent les objectifs et non, comme le postule la méthode traditionnelle, les objectifs qui déterminent les moyens à réunir ;
– la création d’une offre nouvelle est un processus émergent qui se construit en continu, par l’action, par l’essai et l’erreur, et non pas dans un bureau, dès le début et une fois pour toutes ;
– si on crée une offre nouvelle, un produit ou un service nouveau, la prévision du futur est impossible et on ne peut réduire l’incertitude que par la co-création, l’accord avec des parties prenantes.
– la création est un processus social ; son succès dépend de l’adhésion des autres acteurs (clients, financeurs, fournisseurs, etc.), ce qui n’est jamais donné d’emblée et ne peut être conquis que progressivement.
- Les préconisations de l’effectuation.
3.1. Les 5 principes à appliquer.
L’effectuation préconise d’appliquer les 5 principes suivants : on indiquera aussi les termes cités par P. Silberzahn, termes amusants et évocateurs.
Principe n°1 – Démarrer avec ce qu’on a. (« Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras »)
On étudie d’abord ses ressources, ses capacités et ses relations (qui je suis, ce que je connais, qui je connais) et, au lieu d’imaginer ce qu’on pourrait faire avec les ressources qu’on n’a pas, on explore les possibilités que ces ressources ouvrent et on commence à agir ; une idée n’est rien sans action, tests et essais de mise en œuvre.
En situation d’incertitude et sans doute aussi dans les situations prévisibles, on ne peut pas faire l’hypothèse qu’on pourra trouver toutes les ressources qu’exige l’objectif retenu et en particulier les ressources financières ou techniques etc.
Il est donc plus réaliste et judicieux de partir « avec ce que l’on a » et de s’en servir pour obtenir des aides et collaborations ; se servir de ses compétences, de sa crédibilité, etc. pour obtenir la collaboration de ses relations ou des institutions d’aide aux créateurs.
Principe n°2 -Définir la perte acceptable. (« Raisonner en perte acceptable »)
Au lieu de viser un gain attendu affecté d’une grande incertitude, comme le montre quasi tout BP, on limite le risque de perte en fixant une limite de temps et d’argent à consacrer à l’étude de la faisabilité technique du projet, de sa viabilité, de la « productivité » du recours aux autres (relations ou institutions) pour partager le risque.
C’est « l’essai » qu’on tente entre deux emplois ou entre études et premier emploi. Au lieu d’engager d’emblée ses ressources sur la base de prévisions hasardeuses, on contrôle le risque en avançant par étape; et de toute façon, c’est une exigence qui sera exprimée par tout collaborateur ou financeur sollicité.
Principe n°3 -Construire son projet comme on fait un patchwork. (« Le patchwork fou »)
On doit considérer a priori que son projet d’offre nouvelle va varier selon la concurrence, les partenariats possibles, les opportunités, les ressources nouvelles apportées, etc.
Faire un patchwork, c’est assembler plusieurs morceaux de tissu divers pour réaliser un ouvrage nouveau. De même, le projet final va dépendre des contributions d’acteurs qui viendront participer parce que le projet les intéresse. Ces acteurs apporteront des ressources et ce sont les collaborations et ressources collectives qui définiront le projet et son orientation, sans qu’il soit possible de les connaître d’avance.
Ainsi un projet entrepreneurial est aussi, sinon surtout, un processus social, un processus d’intégration de parties prenantes au projet (clients, fournisseurs, partenaires, collaborateurs, amis…) et de ressources nouvelles qui vont ouvrir de nouvelles perspectives.
Les objectifs effectifs du projet vont émerger progressivement. L’idée initiale compte mais peut s’avérer être moins déterminante que l’élargissement des ressources et des possibilités permis par le développement des collaborations.
Principe n°4. Se préparer à tirer parti des surprises. (« La limonade », issue de « When life gives you lemons, make lemonade »).
Au lieu de tenter désespérément d’éviter les mauvaises surprises, on doit regarder toute surprise comme une opportunité nouvelle et se préparer à en tirer parti.
Beaucoup de découvertes sont venues du hasard, des surprises dont on a tiré parti. On peut citer par exemples, le four à micro-ondes, la pénicilline, le Post-it, le téflon, l’aspartame, le viagra. On parle alors de sérendipité ; notion qui exprime la réalisation d’une découverte de façon inattendue, à la suite d’un concours de circonstances fortuit ; mais aussi notion qui exprime l’art de prêter attention à ce qui surprend et d’en imaginer une interprétation pertinente. (https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9rendipit%C3%A9)
C’est le principe général d’opportunisme et d’agilité ; toute démarche entrepreneuriale rencontre des surprises, positives ou négatives. On peut essayer d’éviter les surprises les plus dangereuses mais le plus important est d’être attentif aux signaux du marché, de tenter d’amortir les effets négatifs prévisibles et, autant que possible, de tirer parti de l’opportunité que toute surprise recèle ; par exemple, en redéfinissant ses objectifs, en élargissant son réseau de partenaires, etc.
Principe n°5. Choisir sa destination et sa trajectoire, construire le futur. (« Le pilote dans l’avion »)
L’entrepreneur est le pilote de son avion. C’est lui qui choisit la direction et qui en change, éventuellement. C’est lui qui va chercher et obtenir les collaborations nécessaires et qui, avec ces dernières, va tracer les contours du futur à construire et la trajectoire pour y parvenir.
Les obstacles ne vont pas manquer de se dresser et, parfois, d’apparaître comme insurmontables, mais la simple observation des changements survenus ces dernières années montrent qu’aucun marché n’est inébranlable, que l’environnement peut être transformé par l’entrepreneur et son réseau de partenaires.
3.2. La construction du nouveau marché
La première définition de l’offre nouvelle est fondée sur des hypothèses et elle doit faire l’objet d’un début de prototype si on veut la tester auprès de prospects et de financeurs.
Même si on a vérifié que le premier prospect visé a de grandes chances d’être intéressé par l’offre, on doit alors s’attendre à des réticences de sa part et on a alors le choix entre plusieurs solutions :
-Adapter son offre à la demande du prospect ;
-Changer de prospect pour trouver preneur de l’offre définie ;
-Accepter d’adapter l’offre à la demande du prospect à condition que ce prospect s’engage à coopérer à cette adaptation et à sa commercialisation (référence).
C’est cette dernière solution, appelée co-création de la future offre, qui est préconisée par l’effectuation parce qu’elle lève l’incertitude concernant les caractéristiques et la pertinence de l’offre et crée pour l’offreur la première référence nécessaire au développement de la commercialisation.
On n’est pas sûr que ce premier partenariat soit le meilleur possible mais « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » et une première base est nécessaire pour toute amélioration et développement.
On voit comment la progression du projet entrepreneurial prend appui sur l’engagement de prospects devenus partenaires commerciaux. Il doit en aller de même pour les autres parties prenantes nécessaires à la progression du projet ; ce peut être les distributeurs, les fournisseurs, etc. La clé du succès est, ici comme dans tout échange, de se fonder sur les différences de valeur qui sont attribuées à une même ressource par des personnes différentes; l’entrepreneur doit trouver et proposer les conditions d’un échange « gagnant-gagnant ».
L’effectuation est la méthode qui traduit le mieux la pratique réelle des créateurs d’entreprises nouvelles et donc celle qui est la plus utile aux candidats à la création d’entreprises et à leurs conseillers.
Les principes qu’elle préconise lèvent les obstacles mythiques qui tendent à repousser le choix de la fonction d’entrepreneur.
Destinée initialement à aider l’entrepreneur d’entreprise, elle peut être utile aussi à l’entrepreneur social ou à l’intrapreneur (entrepreneur interne d’une entreprise ou d’une organisation chargé de concrétiser des idées innovantes).
Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur. A.Uzan.17/03/2018
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