Trois managements et leurs logiques s’offrent au choix du manager d’une entreprise et il est utile à tout dirigeant, actuel ou futur, d’avoir une claire vision de ces logiques pour assurer la cohérence de ses choix ou pour changer de choix. (Voir : https://outilspourdiriger.fr/les-trois-managements-1/)
Le management, c’est l’ensemble des méthodes retenues pour l’organisation, la coordination, le pilotage et le contrôle du fonctionnement d’une entreprise, afin que cette dernière remplisse sa mission et atteigne les objectifs qu’elle s’est fixés.
On peut observer que cet ensemble de méthodes varie dans le temps et que, dans le même temps, il varie selon l’entreprise, selon les croyances et les choix du manager.
On observe ainsi que trois managements, trois types de choix de principes d’action, de logique d’action, de culture, sont plus ou moins explicitement faits par le manager pour légitimer son autorité, mobiliser ses collaborateurs et développer son entreprise : le choix de la logique traditionnelle, celui de la logique formelle, celui de la logique charismatique, chaque logique donnant son nom à un management.
Tentons de repérer ce qui caractérise les logiques, les cultures de ces trois managements , en examinant les points suivants :
-sa valeur fondamentale ;
-sa conception du travail ;
-sa régulation des activités ;
-le rôle du manager.
- La logique du management traditionnel
Ce type de management a longtemps prévalu dans le passé, s’observe encore aujourd’hui dans l’univers des petites et moyennes entreprises et tend à se développer, à nouveau, dans l’univers des économies numérique et collaborative.
1.1. La valeur fondamentale
La valeur qui fonde et légitime la mission de l’entreprise, le pouvoir dans l’entreprise et le sens du travail pour le personnel, c’est la préservation et la transmission de l’œuvre des créateurs et prédécesseurs, la préservation de ce qui a fait le succès de l’entreprise : ses traditions, sa mission et ses savoirs. C’est l’héritage de tous et qui impose les mêmes obligations à tous : préserver et transmettre l’héritage aux générations futures.
Cet héritage comporte des savoirs et des savoir-faire, des règles souvent tacites, qui ont fait leur preuve dans le passé, qui ont formé l’expertise des membres de l’entreprise et ne sont remises en question par personne.
La transmission de ces savoirs, l’apprentissage, se fait par l’observation et l’imitation des anciens et par des relations de compagnonnage entre anciens et jeunes, entre supérieurs et subordonnés ; relations hiérarchiques qui fondent le pouvoir des anciens mais qui provoque la reconnaissance et le respect des jeunes.
La tradition s’incarne aussi dans des règles et des normes sociales à respecter. Les sanctions consistent principalement en la désapprobation des collègues mais peuvent aller jusqu’à l’exclusion. La liberté individuelle est fortement limitée par la solidarité exigée par les traditions.
La valeur de la tradition est célébrée par de nombreuses cérémonies, fêtes et rituels ; pour commémorer les succès du passé lointain ou proche et parfois les mérites d’un membre ancien au service de l’entreprise.
1.2. La conception du travail.
Travailler c’est d’abord accomplir son métier avec dignité et honneur pour produire une œuvre de qualité. Ce n’est pas réaliser une performance ni rechercher la productivité ni produire des biens éphémères mais réaliser une œuvre qui s’inscrira dans la durée et suscitera le respect.
Les outils de production ne sont pas des ressources mais des compagnons de travail qui mérite le respect.
Pour réussir, seule compte l’expérience acquise sur le terrain, les savoirs tacites, les routines stables et l’apprentissage par l’expérience et non le savoir théorique
1.3. La régulation des activités.
La communauté des membres l’emporte sur l’individu, parce que la tradition a été et reste une œuvre collective.
Entre membres, le lien direct, personnel, voire « familial », est privilégié mais la communauté est un puissant facteur du contrôle social et de la loyauté.
Chacun sait ce que sont son métier et ses devoirs, ce qu’on peut attendre de lui et ce qu’on ne peut pas lui demander.
Un ordre hiérarchique strict, souvent fondé sur l’ancienneté, s’impose aux personnes et aux actions et régule l’activité. Le manager ne peut craindre aucune insubordination tant qu’il n’exige de ses subalternes que l’exercice de leurs métiers.
Chacun est considéré comme une personne particulière avec une histoire de vie particulière et un rang social précis et non comme une ressource abstraite et interchangeable. Chacun est connu personnellement par le manager qui est un homme de terrain, et les problèmes de chacun sont traités spécifiquement sans que les autres membres n’y voit arbitraire ou complaisance.
En fait, le groupe social fait sentir son poids moral sur chacun de ses membres et tout écart revient toujours à affronter personnellement le groupe et à encourir ses sanctions.
Liés les uns aux autres par une solidarité fondée sur le partage d’une identité commune, les membres de l’entreprise traditionnelle s’attendent à ce que tous fassent preuve de loyauté envers la communauté que représente l’entreprise.
L’exigence de loyauté ne vaut pas uniquement pour les membres de l’entreprise : connaître personnellement ses clients et ses fournisseurs est une condition nécessaire à l’établissement d’une relation de loyauté et importe bien davantage que la rentabilité économique de la relation.
1.4. Le rôle du manager
Son pouvoir est principalement fondé sur sa contribution passée à la tradition de l’entreprise et sur son action actuelle pour la préserver et la développer.
Pour lui, l’entreprise est une famille dont il a la charge et dont il se sent personnellement et affectivement responsable. Sa solidarité avec ses collaborateurs est forte mais il veille à observer le comportement de chacun et à jouer son rôle de gardien du respect des valeurs communes.
Là aussi, les relations personnelles, directes et franches, qu’entretient le manager traditionnel jouent un rôle décisif.
En résumé.
Le management traditionnel se fonde sur les facteurs de succès passés et vise à l’harmonie sociale dans le travail.
Ce n’est pas la poursuite d’un objectif préalablement défini ni des stimulations particulières qui mobilisent les membres de l‘entreprise mais la réalisation d’un travail et d’une œuvre collective de qualité.
L’harmonie sociale est régulée par un ordre hiérarchique strict mais aussi par la solidarité de la communauté.
- La logique du management formel
Ce type de management est apparu avec le développement des entreprises et, rejetant le management traditionnel, il a visé à introduire la rationalité et l’efficacité dans le management.
2.1. La valeur fondamentale
Manager l’entreprise de façon rationnelle et efficace est nécessaire pour assurer son développement et conduit à instaurer des règles et un système formel qui s’imposent à tous. C’est ce qui légitime le pouvoir du manager, son droit d’exiger que chacun respecte les règles formelles qui gouvernent l’action collective, mais c’est aussi ce qui s’impose au manager.
Le management doit être fondé sur des analyses rigoureuses et objectives et doit se traduire en règles et actions efficaces.
La démarche analytique doit commencer par la définition des objectifs, définition des intentions délibérées, conscientes et raisonnées, que doit réaliser l’entreprise. Ces objectifs, guident la recherche des meilleurs moyens à mettre en œuvre et orientent l’action collective.
C’est le manager qui organise ce processus, en répartit la réalisation entre les collaborateurs et organise un système de contrôle de la réalisation.
Ce processus évalue les bénéfices espérés et les coûts probables à subir que va procurer la stratégie d’action retenue. Le bénéfice n’est pas recherché pour accumuler une richesse matérielle ; il sert d’indicateur de l’efficacité de l’action collective, de rémunération des financeurs et de source de financement de l’avenir.
L’entreprise ne doit pas seulement être fondée sur un système formel de règles et de processus, elle doit aussi être fondée sur un savoir objectif, raisonné, quantifié, qui permet de construire un univers prévisible et contrôlable.
Tout membre de l’entreprise est une ressource au service de l’entreprise et ne doit être considéré que comme tel pour respecter l’objectivité et le calcul économique, ce qui peut conduire à considérer les personnes et les actifs financiers comme substituables.
Le temps est une variable particulièrement importante et s’applique à tous les aspects de l’entreprise car le temps est un facteur de coûts et un déterminant de la vitesse de développement de l’entreprise.
L’efficacité représente une obligation et un idéal de vie. Chacun a le devoir d’être pleinement efficace pour le bien de tous, pour préparer le progrès auquel tous aspirent, pour obtenir la récompense à la mesure des efforts. Mais s’engager sur le chemin de l’efficacité maximale commande l’oubli de soi et le sacrifice de la subjectivité au profit de l’objectivité. C’est là l’un des leviers essentiels de la motivation des membres de l’entreprise : pas de nostalgie pour le bon vieux temps ; le bonheur auquel chacun aspire est à portée de main si on est efficace.
Pour atteindre l’efficacité maximale et faire en sorte que tous profitent des bienfaits du progrès, le manager formel doit explorer en permanence l’horizon, définir l’avenir souhaité et maintenir le cap.
Il sait que si le bonheur se trouve dans le futur, c’est quand même au présent qu’il se construit.
Le progrès se trouve dans le travail quotidien, dans le labeur efficace. Il ne s’agit pas d’être vertueux, mais travailleur pour jouir des fruits du progrès que permet l’efficacité, fruits qui doivent être perceptibles et matériels pour les membres de l’entreprise.
L’entreprise est, donc, d’abord et avant tout une réalité économique et elle ne peut survivre et prospérer que si elle est pleinement efficace. C’est le travail efficace qui assure son avenir dans le monde de la concurrence. Pour avancer plus loin, plus vite, le moyen qui s’impose est le recours à la raison pour décupler l’efficacité de l’entreprise.
2.2. La conception du travail.
Travailler c’est accomplir une tâche simple qui, pour être efficace, doit être spécialisée, formalisée, mesurée par ses résultats et coordonnée avec les autres tâches.
Le travail n’a de sens que s’il produit plus et plus vite et les tâches parcellisées ne donnent les résultats attendus que si les acteurs ont un comportement approprié. La formalisation décrit la tâche, le comportement à observer, la manière de transmettre l’information aux autres membres de l’entreprise, les normes sociales à respecter pour s’inscrire avec efficacité dans un groupe de travail.
L’objectif est de rendre le comportement au travail prévisible et susceptible de contrôle pour corriger les écarts indésirables.
La réalisation se mesure à des indicateurs de performance et le système de rémunération est adapté aux résultats.
2.3. La régulation des activités.
Elle est rendue indispensable par la parcellisation du travail et le grand nombre de personnes concernées et elles sont réalisées par le manager et ses adjoints qui seuls ont une vision complète et peuvent produire la synergie des acteurs.
Les relations qui unissent chaque membre à l’entreprise sont contractuelles : contrats de travail explicites, contrats de « performance » implicites (récompense pour l’engagement volontaire à servir l’entreprise.), règlent le partage de la richesse collective produite.
Chacune des parties en présence sait très exactement ce qui est attendu d’elle.
Il n’est pas demandé aux membres de l’entreprise d’adhérer à des valeurs communes, hors celle de l’efficacité.
Ce qui importe, c’est que les relations sociales respectent les règles, qu’elles soient justes, équitables et qu’elles permettent à chacun de satisfaire ses intérêts particuliers. Dans ce contrat social, c’est le calcul des intérêts qui, seul, compte.
Le contrat social est basé sur la maximation de l’efficacité de l’entreprise pour produire des effets positifs sur l’ensemble de ses membres. L’intérêt général et l’intérêt de chacun est de servir l’entreprise.
2.4. Le rôle du manager
Il est en permanence à la recherche de la réduction des coûts et à l’affut de toute opportunité d’affaire ; et il utilise tous les critères formels lors de ses prises de décision pour maximiser les résultats.
C’est lui qui organise le choix des objectifs à atteindre et les moyens d’y parvenir. Il a la légitimité légale d’imposer l’exécution de son plan mais il sait aussi qu’il vaut mieux convaincre que ses choix sont bons, voire les seuls possibles et il utilise, alors, les arguments logiques et les règles formelles ainsi que la coïncidence entre l’intérêt de l’entreprise et l’intérêt de ses membres pour obtenir un degré d’adhésion.
En résumé.
Le management formel se fonde sur le calcul et les règles formelles pour développer l’entreprise.
C’est la poursuite d’un objectif préalablement défini et des stimulations particulières, financières en particulier, qui mobilisent les membres de l‘entreprise.
L’harmonie sociale est régulée par un ordre hiérarchique strict et par le respect de l’objectivité.
- La logique du management charismatique
Il replace la personne et l’identité collective au centre de l’entreprise.
Le charisme est la qualité d’une personne qui séduit, influence, voire fascine, les autres par ses visions, ses discours, ses attitudes, ses exploits, etc. Il donne à ses suiveurs l’impression qu’ils sont engagés dans une aventure passionnante qui les fait se dépasser et les rend fiers.
Pour une entreprise, un leader charismatique est une ressource puissante parce qu’il est source d’inspiration de projets innovants et source d’adhésion de ses collaborateurs, deux facteurs déterminants du succès durable…si le leader ne devient pas un despote.
3.1. La valeur fondamentale
La valeur qui fonde et légitime la raison d’être de l’entreprise, le pouvoir et le sens du travail du personnel, c’est la mission inspirante à accomplir ; le but à atteindre, le sens qu’on donne à son rôle en y participant.
Les visions qui servent de guide ne relèvent pas du raisonnement logique mais de l’allégorie, histoire imaginaire qu’on raconte pour exprimer un idéal à concrétiser, une mission à accomplir (on pourrait dire storytelling), un futur à construire. C’est ce qui inspire et donne du sens à l’action et au dépassement de soi.
La mission de l’entreprise est celle que formule le leader ; c’est une vision de l’avenir, la poursuite d’un but inspirant qui pourrait marquer l’histoire.
C’est cet appel au dépassement et cet espoir en l’avenir qui cimentent les membres de l’organisation.
La stratégie choisie est toujours celle de la différenciation parce que l’entreprise charismatique aspire à révolutionner son secteur, à en être le leader et à imposer sa marque distinctive. L’audace doit surprendre tout le monde et faire l’histoire.
La technique est prise en compte mais n’est pas au centre des préoccupations de l’entreprise charismatique.
Les source du savoir sont les déclarations, les jugements, les actions du leader charismatique, puisque c’est lui qui accepte ou refuse les projets selon sa vision du futur, son imagination, son inspiration.
Il est souvent difficile de traduire l’intelligence collective de l’entreprise en savoir explicite, parce qu’elle met surtout en jeu l’intuition, le rêve, l’imagination et la créativité.
Les liens sociaux convergent tous vers le leader dont le magnétisme aimante et transforme des individus isolés en une foule unie ayant l’impression de former une seule et même personne et de participer à quelque chose de plus grand que soi.
Il y a, certes, une hiérarchie des pouvoirs mais c’est la proximité au leader qui compte le plus.
3.2. La conception du travail et la régulation des activités
La création est l’idéal, le devoir qui s’impose à tous ceux qui s’engagent dans la quête initiée par le leader. Il s’agit de sortir des sentiers battus, et en quelque sorte de changer le monde de façon radicale (innovation de rupture).
C’est cet idéal créatif qui est le pilier de l’identité de l’entreprise et de chacun de ses membres ; et c’est la capacité d’innovation qui vaut à tous reconnaissance et admiration, des concurrents, des fournisseurs, des clients, etc.
Le charisme représente la principale source du pouvoir des uns et des autres. Il n’y a pas ou peu d’organigramme.
C’est à chacun de se construire son pouvoir, de définir et d’assumer son rôle et de contribuer à la mission et au prestige de l’organisation.
La place occupée dans l’organigramme est de peu d’importance car le pouvoir dépend de la capacité de capter l’attention du leader ce qui donne à l’entreprise charismatique un fort degré de centralisation autour du leader.
Avec la croissance et le temps, une certaine formalisation des rôles devient inévitable mais l’esprit charismatique persiste et l’entreprise reste créative et prestigieuse. De grandes entreprises fondées par un leader charismatique disparu tendent à se transforment en une fédération de petites et moyennes entreprises ou à adopter une entreprise par projet, chaque unité étant dirigée par un leader charismatique
Pour innover, créer, faire l’histoire et entretenir l’éventuel prestige qui en découlerait, l’entreprise doit compter sur les réalisations de ses membres et créer un climat de travail propice à l’éclosion des talents et au dépassement de chacun.
Le travail doit être suffisamment riche pour qu’il puisse permettre à chacun de satisfaire ses besoins d’estime de soi et de réalisation, et le climat de travail soit être stimulant et encourager la liberté de pensée et d’expérimenter.
3.3. Le rôle du manager
Le leader charismatique joue le rôle prépondérant, parce qu’il incarne les valeurs de création et d’innovation et formule la vision d’avenir de l’organisation.
Il n’a pas besoin de se justifier parce que chacun admet qu’il sait mieux que personne ce qu’il faut faire pour réussir.
Cependant, un de ses rôles clés est de créer le climat de nature à favoriser l’éclosion de la créativité de chaque membre de l’entreprise.
En résumé.
Le management charismatique se fonde sur la capacité du leader d’entrainer l’adhésion de tous à la réalisation d’une mission exceptionnelle de nature à rendre fier. C’est la créativité qui caractérise le travail.
Il n’y a pas ou peu d’organigramme et le pouvoir dépend principalement de la capacité de capter l’attention du leader.
(Source : edX. Le management. HEC Montréal. https://courses.edx.org/courses/course-v1:HECMontrealX+MAN01.1x+3T2019/course/)
Pour aller plus loin :
https://outilspourdiriger.fr/la-culture-dentreprise/
https://outilspourdiriger.fr/la-courbe-de-vie-de-lentrepreneur/
https://outilspourdiriger.fr/une-courbe-de-vie-du-management/
Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A. Uzan. 8/02/2021