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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Les trois managements. 3 Les trois managements. 3

On sait que trois managements s’offrent au choix du manager d’une entreprise et qu’il est utile à tout dirigeant, actuel ou futur, d’en avoir un claire vision ou de raviver la sienne pour assurer la cohérence de ses choix ou pour changer de choix. (Voir : https://outilspourdiriger.fr/les-trois-managements-1/ )

On sait aussi que chacun des trois managements résulte du choix d’une logique d’action, d’une culture, choix plus ou moins explicitement faits par le manager, pour légitimer son autorité, mobiliser ses collaborateurs et développer son entreprise : le choix de la logique traditionnelle, celui de la logique formelle, celui de la logique charismatique, chaque logique donnant son nom à un management. (Voir : https://outilspourdiriger.fr/les-trois-managements-2/)

Chaque logique des trois managements imprègne les principaux processus de management : la planification, l’organisation, la direction et le contrôle. Voyons comment pour chaque processus.

 

  1. Planifier

C’est le processus par lequel le manager formule ce qui va guider l’action de tous les membres de l’entreprise dans la période à venir. Sont définis la raison d’être et les intentions stratégiques de l’entreprise ainsi que les objectifs opérationnels à atteindre.

A l’instar des autres dimensions des trois managements, ce processus prend des aspects différents selon la logique d’action, la culture retenue.

 1.1. La planification selon la logique formelle

Elle est l’un des dispositifs majeurs du management et vise à définir rigoureusement un futur désiré et à choisir avec précision les moyens d’y parvenir.

Réduire l’incertitude de l’avenir est un impératif qui exige la prévision ; en particulier le repérage des menaces et des opportunités que recèle l’environnement, l’anticipation des effets sur l’entreprise, le choix de moyens d’actions pertinents.

La tâche est complexe en raison de la multiplicité et de l’entremêlement des facteurs d’effets sur l’entreprise, des choix et des effets désirables possibles. Aussi, le manager doit-il se centrer sur les effets principaux et décisifs lors de l’élaboration des plans :

-plan directeur concernant la mission de l’entreprise et les principes généraux de la gouvernance ;

-plan stratégique concernant la compétitivité de l’entreprise et la conquête de l’avantage concurrentiel ;

-plans fonctionnels traduisant le plan stratégique par fonction de l’entreprise ;

-plan opérationnels divers.

Planifier doit se traduire par des objectifs spécifiques, mesurables mais aussi acceptés et surtout cohérents.

Les méthodes d’analyse et de prévision doivent être les plus sophistiquées possibles mais ses résultats doivent pouvoir être révisés si besoin.

Pour les managers, établir des objectifs s’impose parce qu’ils prennent en compte les exigences de l’environnement et l’efficacité nécessaire mais ils prennent de plus en plus soin d’obtenir un degré d’adhésion du personnel pour faciliter la mise en œuvre.

On observe aussi une prise en compte croissance des effets néfastes (externalités) susceptibles de se produire sur le plan social et sur l’environnement.

Enfin, une autre évolution observable de la planification dans le management formel a été de reconnaitre que la rationalité totale est impossible et que l’objectif est de chercher seulement la solution la plus satisfaisante.

1.2. La planification selon la logique charismatique

Dans ce type de management, c‘est la créativité et l’inspiration, la projection dans un avenir imaginé qui supplante l’analyse et la prévision.

La mission à remplir concerne l’identité de l’entreprise : sa raison d’être, sa stratégie, ses valeurs et ses normes.

C’est la vision et la mission qui dictent la stratégie et la planification de ce qui est planifiable.

Ce sont les valeurs de l’entreprises et de son personnel ainsi que les discussions avec les autres parties prenantes qui déterminent la ligne d’action et l’environnement est moins pris en compte.

C’est une version visionnaire et stimulante de la préparation du futur mais qui présente les risques de l’irréalisme.

1.3. La planification selon la logique traditionnelle

L’entreprise traditionnelle vise la longue durée et s’adapte lentement et de manière endogène.

La planification n’y prend pas la forme de la planification stratégique, parce que ses ressources sont limitées et qu’elle ne peut espérer transformer son environnement.

La stratégie est d’abord destinée à assurer la survie et la planification va se baser sur les principes traditionnels, comme l’attachement au terroir, le respect des personnes, la communauté, la qualité, l’authenticité.

On définit la vision, la mission, les valeurs mais l’essentiel est de monter un projet rassembleur pour les membres de l’entreprise, comme pour la communauté externe avec laquelle sont tissés des liens respectueux.

Ce sont les personnes et la communauté qui sont porteuses du plan. Quand les changements envisagés risquent de mettre en cause l’harmonie au sein de la communauté, on tendra à préserver la communauté en renonçant au besoin à l’appel de la modernité.

 

  1. Organiser

Plus la division du travail est poussée dans l’entreprise, plus le besoin d’organiser et de coordonner les activités devient inévitable.

On sait que la départementalisation de l’activité peut s’effectuer de quatre façons : selon la fonction, le produit, la zone géographique et le segment de clients. Mais on sait aussi que la départementalisation tend à créer des silos, chaque département, jugé sur ses résultats, tendant à ne se préoccuper que de ses problèmes et à entrer en conflit avec les autres plutôt qu’en coopération.

L’ajustement mutuel et la collaboration doit alors être facilité par des moyens divers : groupe inter-départements, manager intégrateur, etc. allant jusqu’à la structure matricielle qui attribue deux chefs à chaque salarié.

C’est sur ce point de la coopération et de l’ajustement mutuel spontané que les trois managements sont les plus différents ; le management formel où les relations sont contractuelles et la rémunération liée aux résultats est sans doute le moins apte à obtenir ce résultat alors que les deux autres managements suscitent la coopération et l’ajustement mutuel spontané par l’adhésion profonde à la collectivité traditionnelle ou au projet du leader charismatique.

De façon plus générale, les managements ont tendu à générer les configurations structurelles spécifiques suivantes :

La configuration formelle mécaniste qui repose principalement sur la logique du management formel.

C’est l’organisation des premières grandes entreprises industrielles qui produisaient un nombre limité de produits standardisés dans des environnements stables et où le coût est un enjeu majeur.

Cette configuration traduit la standardisation des méthodes de travail, le culte de l’efficacité et la contractualisation des relations de travail. Elle a produit d’incontestables succès mais tend à être de moins en moins adaptée à l’environnement instable d’aujourd’hui parce qu’elle ne produit pas spontanément la motivation et l’initiative des salariés.

La configuration entrepreneuriale qui repose sur la logique du management charismatique.

C’est l’organisation des entreprises à leurs débuts (startup). La structure est très flexible et centrée sur le fondateur dont la vision est partagée par tous et qui coordonne toutes les activités. L’idéal de la création et de la plasticité, de l’agilité, sont les règles de comportement. Cet ensemble de forces est propice au succès mais peut conduire à l’échec si le leader devient autocratique ou ne sait pas déléguer.

La configuration missionnaire qui repose sur les logiques charismatique et traditionnelle.

Il s’agit souvent d’une entreprise dont le fondateur, leader charismatique, a disparu, mais dont l’héritage demeure vivace, en particulier la mission à remplir et les valeurs. On retrouve alors la culture du passé et de la communauté ainsi que la force de l’engagement du management traditionnel, mais aussi la difficulté à changer et la limitation de l’action individuelle.

 

  1. Diriger

Dans ce domaine comme dans les autres, il existe, au fond, trois façons de diriger : par l’autorité, qui incarne la logique formelle, par le leadership, qui incarne la logique charismatique, et par la sagesse, qui incarne la logique traditionnelle.

3.1. Diriger selon la logique formelle

Ce système repose sur la hiérarchie, la raison, l’objectivité et la quête de l’efficacité et prend appuie sur des techniques et sur des connaissances explicites. On ne demande au subalterne ni son avis ni ses suggestions, juste d’effectuer la commande qui lui a été passée, voire l’ordre qui lui a été donné.

Peter Drucker, assigne aux gestionnaires les tâches de fixer des objectifs, d’organiser, de motiver, de communiquer, d’évaluer et enfin de former ses subordonnés.

Le manager efficace est ainsi présenté :

-Il élimine tout ce qui n’est pas nécessaire et en particulier ce qui peut être accompli par un autre.

-Il se concentre sur la contribution qu’ils apportent aux résultats et non sur l’autorité qu’il exerce.

-Il prend appui sur ses forces et sur celles de ses collaborateurs qu’il doit épauler.

-Il se concentre sur les domaines d’importance majeure ; ceux qui présentent un enjeu stratégique.

-Il sait que l’efficacité est une pratique qui s’apprend ; que ce n’est pas un talent ou un trait de personnalité.

-Il doit être capable de faire réussir l’entreprises avec des gens ordinaires grâce aux routines et aux procédures.

-Il sait que le leadership est puissant mais comme il ne s’append pas ; il pense qu’il vaut mieux s’en passer.

3.2. Diriger selon la logique charismatique

La capacité de diriger réside dans les qualités et les actions du leader qu’on peut ainsi présenter :

-Il cherche à réaliser des réformes radicales, à rendre le statu quo insupportable, à prendre de grands risques pour montrer son engagement en faveur du changement profond.

-Il a une forte sensibilité aux dysfonctionnements du monde existant et la capacité de découvrir les opportunités de changement.

-Il sait formuler une vision en soulignant l’écart entre la situation existante et un avenir idéalisé et, ainsi, faire adhérer ses subordonnés au défi de la réalisation du changement.

-Il s’engage totalement dans la réalisation de la mission retenue et prend des risques personnels.

-Il doit éviter l’excès de confiance qui aveugle et être attentif aux limites que son pouvoir impose à ses employés en matière de critique ou de suggestion.

-Il doit préparer sa succession.

3.3. Diriger selon la logique traditionnelle

Selon P. Pitcher, professeure à HEC Montréal, si on appelle technocrate le manager du modèle formel, leader le manager du modèle charismatique, on peut qualifier d’artisan, le manager du modèle traditionnel.

Voici la présentation qu’elle fait de l’artisan :

-Sa devise c’est : « le changement si nécessaire, mais pas nécessairement le changement ».

-Il aime perfectionner ce qu’il fait déjà bien, expérimenter, avancer à tâtons, prendre de petits risques.

-Il est modeste, ne s’accorde aucun mérite pour son esprit d’invention, mais il est fier de son travail.

-On peut compter sur lui pour être là où il a promis d’être et faire ce qu’il a promis de faire.

-Il surprend rarement et n’a jamais de caprices.

-Pour faire son travail, Il collabore avec d’autres, comme un maître avec son compagnon.

-Il est ferme mais humain : « non ce n’est pas comme ça, essaie de nouveau ».

Depuis quelques années, on parle aussi de « leadership authentique » qui emprunte plusieurs éléments de la logique traditionnelle.

Pour ce type de leader, la mission, la fin poursuivie n’est pas nécessairement bâtie sur le futur ou sur un imaginaire de rupture ou une vision révolutionnaire ; elle est fidélité aux valeurs et à la culture liées au métier exercé et héritées de la formation reçue. Et elle est généralement partagée parce qu’elle repose sur des valeurs communes et une envie d’être e de faire ensemble.

Ces valeurs, cette culture, c’est ce qui donne sens et noblesse au métier que l’on l’accomplit. Elles émergent lentement parce que produites et partagées par mentorat ou compagnonnage. Et le savoir valorisé résulte de l’expérience.

Le leader authentique vise à établir des relations chaleureuses et durables, fait preuve d’une grande discipline et d’un grand contrôle de lui-même ; ce n’est pas une figure charismatique, mais la figure de l’artisan.

 

  1. Contrôler

4.1 Contrôler selon la logique formelle

Dans cette logique, le contrôle s’opère par mesure des écarts aux résultats prévus ; il comporte alerte nécessaire sur les écarts indésirables, déclencheur des mesures correctrices et moyen de contrôler les comportements.

Il porte sur les points suivants :

-contrôle que l’entreprise ne dévie pas de sa mission et de ses règles de gouvernance (conseil d’administration).

-contrôle du plan stratégique (direction).

-contrôle des plans fonctionnels ou contrôle de gestion (managers).

-contrôle opérationnel de l’exécution des tâches (managers).

Un autre aspect du contrôle est l’évaluation de la performance interne par comparaison avec celle des principaux concurrents (benchmarking), information très importante pour l’entreprise.

Le dernier aspect très important du contrôle concerne les décisions correctrices dans les domaines défaillants et en particulier en matière de communication entre services et de formation.

Le contrôle par les résultats, par les écarts entre prévu et réalisé, permet de mettre en lumière les aptitudes des responsables, de les récompenser ou de les sanctionner, d’orienter leurs comportements et de nommer aux divers postes de l’entreprise les femmes et les hommes les plus compétents.

4.2. Contrôler selon les logiques charismatiques et traditionnelles

Le contrôle par les résultats n’est pas absent mais il porte davantage sur les acteurs, leurs interactions, leur bien-être, leur degré d’adhésion à la mission, le climat de travail, etc. ; bref sur les dimensions psycho-sociales du travail (école des relations humaines)

Cette nouvelle conception du contrôle va faire apparaître l’importance de l’autonomisation des employés et de leur responsabilisation ; ce qu’on a appelé « empowerment ».

La pouvoir n’est pas seulement le « pouvoir sur un autre » ; il est aussi le « pouvoir de faire, de prendre des initiatives, etc. » et le « pouvoir de faire avec les autres ».

La motivation devient alors essentielle et le contrôle devient autocontrôle.

 

(Source : edX. Le management.  HEC Montréal. https://courses.edx.org/courses/course-v1:HECMontrealX+MAN01.1x+3T2019/course/)

Pour aller plus loin : voir les multiples articles de ce blog portant sur le management.

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A. Uzan. 21/02/2021