Outils pour storyteller débutant.
Outils pour storyteller débutant vise à donner à l’entreprise qui veut se lancer dans le « storytelling » (ou « narration d’histoire » ou « communication narrative ») les moyens de voir plus clair dans la définition de ses objectifs et dans l’utilisation des outils à mettre en œuvre.
On sait que pour obtenir le « oui » de l’autre, obtenir son adhésion et le comportement recherché (voir https://outilspourdiriger.fr/obtenir-le-oui-recherche/ ), il ne suffit pas de convaincre, c’est-à-dire de faire admettre les raisons logiques de croire ou de faire. Il faut persuader, donner l’envie ou le besoin de croire ou de faire, en stimulant certaines émotions, valeurs, motivations ou normes sociales.
Cela est particulièrement vrai en matière commerciale. On sait avec S. Sinek que le consommateur n’achète pas ce qu’une entreprise fait (le « what ») ni comment elle le fait (« le how ») mais, d’abord et essentiellement, pourquoi elle le fait (« le why »), pour aider à résoudre quel type de problème. En fait, le consommateur n’achète jamais un produit mais le sens ou la valeur que le produit a pour lui, le moyen ou le symbole que le produit représente à ses yeux, les sentiments que son acquisition et sa possession lui procurent. Bref il « achète » l’expérience qu’il vit, l’histoire qu’il vit ou « se raconte » dans sa relation avec l’entreprise ou avec le produit, histoire qui détermine son adhésion et sa fidélité ou son rejet et son hostilité, histoire qu’il tend à raconter aux autres.
L’entreprise a toujours pris en compte cette double condition de l’obtention du « oui » mais les modalités dominantes de mise en œuvre ont tendu à changer. Hier, l’entreprise présentait ses arguments rationnels, techniques et économiques, dans des documents spéciaux, confiait à ses vendeurs la mission de persuader, et recourrait à la publicité pour promouvoir le tout.
Aujourd’hui, les prospects tendent à rejeter la publicité, à rechercher d’abord les solutions à leurs problèmes partout sur le net avant de solliciter une entreprise, à consulter les opinions des experts, à utiliser les avis publiés dans les réseaux sociaux ou les réseaux spécialisés.
Ces tendances et la facilité technique et économique de l’édition sur l’internet (sites, blogs et réseaux sociaux) ont conduit à la pratique quasi généralisée du marketing de contenu ; elles ont rendu quasi-obligatoire de devenir éditeur de contenu sur son site, son blog et dans les réseaux sociaux.
(Voir en particulier https://outilspourdiriger.fr/le-marketing-de-contenu2/ et 1 ; https://outilspourdiriger.fr/le-marketing-des-medias-sociaux-3-la-veille/)
L’objectif principal de cette édition est de préparer, faciliter la vente, en conquérant et fidélisant un auditoire ; en développant la notoriété et la réputation de la marque pour susciter l’attraction et la confiance ; en aidant les prospects à s’informer et à décider à chaque étape de l’achat ; en suscitant des contacts commerciaux.
C’est dans ce cadre que le recours au storytelling prend toute son importance.
Faire du « storytelling » c’est littéralement « raconter une histoire » créer dans l’esprit de l’auditoire une situation suscitant des émotions, des valeurs, du sens, des identifications, etc., comme dans le divertissement (cinéma, romans, etc.) mais avec la visée de promouvoir l’entreprise.
Une telle visée ne relève pas de l’improvisation mais de la construction méthodique, des réponses pertinentes données aux deux questions principales suivantes :
Quelle stratégie de storytelling ? Quelles méthodes de construction des histoires ?
- Stratégie de storytelling.
Définir une stratégie revient, ici, à choisir des « héros » et des sujets d’histoire de nature à attirer les prospects et à gagner leur confiance.
Au début, les choix de « héros » et de sujets sont simples.
1.1. Les « héros » d’histoire.
Les deux héros principaux sont le client ou le prospect et l’entreprise ou l’un de ses membres ; on peut, éventuellement, ajouter un partenaire particulier de l’entreprise.
Concernant les clients (ou les prospects), on doit viser à obtenir leurs témoignages et présenter les heureuses aventures qu’ils ont vécues lors des relations qu’ils ont eues avec l’entreprise et lors des utilisations qu’ils ont faites de son produit. L’effet de référence attendu est que des prospects s’identifient à ces « héros » et trouvent les raisons et l’envie de vivre une histoire équivalente.
Concernant l’entreprise, on doit présenter les événements vécus par tout ou partie de ses membres ; les événements de nature à souligner les potentialités techniques, commerciales, managériales, innovatrices, partenariales, etc. de l’entreprise et, surtout, de nature à démontrer son souci et sa capacité d’accompagner son client, de le soutenir et de l’aider à réussir son aventure. L’effet attendu est que le prospect se sente rassuré et accorde sa confiance.
1.2. Les sujets d’histoire.
On peut « raconter » les histoires suivantes :
-L’histoire de l’entreprise : l’aventure des dirigeants initiaux ou actuels, les étapes principales du développement, les succès principaux remportés, les conquêtes de clients ou de collaborateurs principaux, les innovations réalisées, les valeurs retenues et les actions entreprises (au bénéfice des clients, de la région, de la formation, de l’écologie, etc.), l’évolution des systèmes de management, etc.
Comme dit ci-dessus, l’effet attendu est que l’entreprise soit perçue comme capable de surmonter les obstacles et de se rénover ; perçue comme soucieuse et capable d’aider ses clients, et plus généralement soucieuse de son environnement.
-Les ambitions et le futur désiré et préparé par l’entreprise. L’effet attendu est, ici, que l’entreprise soit perçue comme solide, durable, capable d’explorer et de prendre en compte le futur ; bref une entreprise sur qui on peut compter demain comme hier.
-Les moments les plus emblématiques de la relation de l’entreprise avec ses clients ou ses fournisseurs
-L’aventure de la création et de la mise au point des produits ou services offerts ou à venir.
- Les méthodes de construction de l’histoire
Héros et sujets repérés, il faut construire l’histoire. Voyons les éléments principaux nécessaires : l’intrigue, les types principaux d’histoire, la structure générale (l’organisation) de l’histoire et sa structure détaillée.
2.1. Le conflit comme trame, intrigue de l’histoire.
C’est le conflit, la lutte entre deux forces opposées qui va « dramatiser » l’histoire ; lutte entre le héros protagoniste et son opposé, l’antagoniste. Ce dernier peut être l’un ou plusieurs des suivants :
-une personne : un homme ou une entreprise qui s’oppose au projet du héros ;
-un groupe de personnes imposant des normes contre lesquelles le héros se rebelle ;
-la technologie, les manières de faire, que le héros veut modifier ;
-l’inexplicable, le futur prophétisé, que le héros veut combattre ;
-le héros lui-même (conflit interne) : la tension entre ses désirs contradictoires ; celle entre son courage et sa peur, etc.
Une histoire, c’est donc un protagoniste, un antagoniste et des interactions diverses ou péripéties.
2.2. Les types principaux d’histoire.
Les typologies disponibles sont diverses (par exemple : C. Booker « 7 archétypes d’histoires ») parmi lesquelles les suivantes sont plus adaptables à l’entreprise ou à l’entrepreneur ou aux salariés :
– Vaincre le monstre : vaincre les forces antagonistes.
– Renaître après l’épreuve quasi mortelle.
– Explorer et domestiquer l’inconnu ou l’avenir.
– Passer de la pauvreté à la richesse ; les voies de la réussite, de l’ascension sociale.
– S’accomplir en accomplissant ; la fierté, le bonheur de réussir une œuvre difficile.
– L’union fait la force ; la difficulté et la puissance de la synergie.
On peut ainsi fonder l’histoire sur le défi surmonté, sur la créativité performante, sur le courage d’affronter l’inconnu, sur la motivation d’accomplissement, sur la force de la synergie, etc.
2.3. La structure générale de l’histoire.
Généralement toute histoire comporte trois temps principaux, les trois phases principales suivantes :
-Une situation initiale, un équilibre initial : un contexte, une scène, les personnages avec leurs attributs, leurs valeurs, leurs rôles, etc. ; et en particulier, le futur héros avec ses valeurs, ses objectifs, ses craintes ;
-Le surgissement d’un facteur perturbateur : le problème (écart entre situation vécue et situation voulue) ou le conflit qui vont déclencher les actions. Puis la réduction du facteur perturbateur : c’est la séquence d’actions et d’interactions conduites en particulier par le héros, épreuves qui révèlent et transforment le héros ainsi que les autres personnages et produit le rétablissement d’un nouvel équilibre (réussite, changement, disparition, etc.)
-Le retour à un équilibre différent de l’équilibre initial et changeant le héros. On peut dire la « leçon » apprise, le sens à donner à l’histoire, mais il vaut bien mieux laisser l’auditoire interpréter, voire se « re-raconter » l’histoire à sa façon.
Voici un schémas pouvant servir de guide dans la construction de l’histoire :
Voyons comment les deux principaux experts présentent le déroulement détaillé d’une histoire.
2.4. Le « voyage du héros ». (Joseph Campbell)
Comme le montre le schéma ci-dessus, le voyage en 3 temps principaux est décomposé en 12 étapes :
Les étapes de l’acte 1 :
-Un équilibre initial : Le héros vie une réalité ordinaire sans problème.
-L’appel de l’aventure résulte de la perception d’un problème qu’il ne peut ignorer.
-Le héros refuse d’abord puis accepte l’appel de l’aventure, souvent sous l’impulsion et avec l’aide d’un mentor qui lui donne courage et confiance.
Les étapes de l’acte 2 :
-L’entrée dans l’aventure : le héros est prêt et engage ses premiers pas dans l’aventure.
-Le héros commence à affronter le ou les antagonistes ; il tente des actions, peut trouver des amis, lutte contre ses ennemis.
-Le héros approche du moment le plus critique ou de la bataille la plus dangereuse (« Approche de la grotte la plus profonde ») ; la préparation de la bataille avec l’antagoniste ou avec lui-même !
-Le héros fait face à sa plus grande épreuve ou à sa plus grande peur
-Le héros surmonte l’épreuve et gagne sa récompense physique ou morale (accomplissement).
Les étapes de l’acte 3 :
-Le héros « vainqueur » retourne chez lui mais les antagonistes poursuivent la bataille et lui barrent le chemin.
-Le héros doit livrer une « bataille finale », test définitif de sa renaissance comme homme nouveau.
-Le héros retourne chez lui, grandi, mûri par les épreuves avec le sentiment d’avoir acquis la quintessence de son aventure (Elixir).
2.5. Le « cercle d’histoire » « The story Circle » (D. Harmon)
https://blog.reedsy.com/dan-harmon-story-circle/
Comme le montre le schéma ci-dessus, il s’agit d’une simplification, d’une épuration du Voyage du héros.
1 = le héros est dans une zone de confort, dans le monde ordinaire.
2 = il veut quelque chose.
3 = il entre dans un monde ou une situation inconnus pour rechercher sa « chose ».
4 = il s’adapte à sa nouvelle situation ou son nouveau monde
5 = il obtient ce qu’il voulait et cherchait.
6 = il paie un lourd tribut pour cela.
7 = il revient à sa situation familière.
8 = il a changé : grandi, mûri.
L’aventure humaine nous l’a appris. Toute entreprise, aventure, histoire est un voyage dans l’inconnu, exigeant efforts et adaptations ; on ne peut en revenir qu’après avoir surmonté des épreuves et payer un tribut mais on en renvient grandi.
Chacun de nous a vécu cela plus ou moins intensément, plus ou moins douloureusement. L’aventure vécue par les autres nous intéresse et peut nous passionner si elle est bien écrite, si elle « résonne » en nous et si nous pouvons nous identifier au héros ; si elle représente pour nous un modèle identitaire.
Pour aller plus loin :
https://outilspourdiriger.fr/utiliser-le-storytelling/
Stéphane Dangel : http://www.storytellingfrance.com/
-Lionel Clément : https://www.storytelling.fr/
Mooc EdX “Storytelling for Social Change”
Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur. A. Uzan. 18/02/2019