outils pour diriger

Comprendre pour agir

Pour conforter ou enrichir votre boite à outils avec :

André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Persuader Persuader

Persuader, c’est conduire une personne à adopter une nouvelle croyance, une nouvelle attitude ou un nouveau comportement.

Sauf circonstances exceptionnelle, on ne peut pas espérer obtenir ce résultat par information, ordre ou menace.

L’ordre peut être entendu mais ne pas être compris, ni accepté, ni exécuter pleinement.

Viser à obtenir qu’un collaborateur adhère à un objectif et s’engage pleinement dans sa réalisation exige que ce collaborateur comprenne et fasse sien cet objectif, même s’il ne correspond pas, initialement, à ses croyances et valeurs.

Aussi, persuader c’est d’abord comprendre ce qui est important pour le collaborateur et faire quelques hypothèses sur sa réaction au message prévu. S’il aime ce qu’il entend, il générera des pensées positives et une tendance à accepter le message ; ses questions concerneront le « comment faire ». S’il n’aime pas, ses questions porterons sur les raisons de faire.

Les croyances d’une personne sont fermement fondées sur ses valeurs même si cela n’est pas toujours conscient.

C’est sur les valeurs que la persuasion doit porter ; ce qui exige de connaitre leurs natures, leur hiérarchie et leurs sens.

 

Explorons quelques moyens de persuader selon l’interlocuteur.

 

  1. Le processus et « l’histoire émotionnelle ».

C’est toujours un défi de persuader, de faire passer un message, c’est-à-dire de faire accepter un objectif et d’inspirer le désir de le réaliser. Réussir cela doit conduire à avoir à l’esprit le schéma suivant :

Processus persuader

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’attention de l’interlocuteur et sa compréhension du message doivent créent chez lui l’émotion et l’imagination ; ces dernières conduisent à l’acceptation, puis à l’apprentissage et à l’action.

Ce processus se déroule très rapidement et sa réalisation positive doit être facilitée, en particulier par des histoires émotionnelles.

– histoires sur des personnes et des événements passés, pour réactiver les émotions ressenties ;

mythes célèbres, pour produire l’identification de l’auditeur au héros.

métaphores et analogies pour susciter des émotions comme le gout d’entreprendre, la nostalgie, etc.

rappel de ce qui est le plus important pour l’auditoire.

 

Aristote avait déjà montré que les arguments rationnels (logos) ne suffisent pas ; il faut ajouter le réveil des émotions et de l’imagination (pathos) et gagner le respect et la crédibilité (ethos).

Concernant la structure de « l’histoire émotionnelle », on peut utiliser l’un des types suivants :

-Les trois actes d’Aristote :

– – accrocher l’auditoire avec un problème important ;

– – fonder et énoncer la solution du problème ;

– – faire un appel à l’action pour activer le changement de comportement.

-Le voyage du héros :

– – l’histoire du héros qui surmonte les difficultés ou résout les problèmes.

-L’art narratif de Freytag :

– – l’introduction présente les personnages et les décors ;

– – une série d’événements complique les choses et entraîne une augmentation du drame ou du suspense ;

— un grand affrontement s’ouvre entre les personnages et les obstacles qui se termine par un gain ou une perte ;

– Le modèle de l’auteur du Mooc.

– – le héros est dépeint comme sympathique et fiable et l’auditoire lui fait confiance ;

– – il a un besoin qu’il ne peut pas satisfaire avec les compétences et autres ressources qu’il possède ;

– – il ne sait pas quoi faire et semble désespéré ;

– – avec l’aide des autres il surmonte l’obstacle.

– – tous les personnages reçoivent une récompense bien plus grande qu’ils ne l’auraient cru.

 

Les différentes structures de « l’image émotionnelle » se ressemblent beaucoup.

L’interlocuteur doit avoir trouvé gratifiant d’écouter parce qu’il a appris des choses ; il doit avoir reconnu l’expertise et l’honnêteté de l’orateur ; il doit avoir compris le sens du projet, compris aussi que ses intérêts sont pris en compte et qu’il sera aidé à réussir.

 

  1. Le rapport avec une personne ou un auditoire.

Etablir un rapport, une connexion, avec une personne ou un auditoire est facile et spontané pour certaines personnes, difficile pour d’autres.

Un tel rapport est difficile à définir mais facile à ressentir ; c’est quand on commence à sentir qu’on connait l’interlocuteur ; lorsque chacun manifeste un intérêt actif pour l’autre ; quand on ressent qu’on peut se faire confiance et s’accommoder mutuellement.

Etablir un bon rapport avec l’autre exige les attitudes et comportements suivants :

– porter une attention particulière à l’autre ;

– être courtois avec l’autre ;

– rechercher et trouver les domaines d’intérêt communs pour montrer la similarité avec l’autre ;

– chercher à imiter le comportement et la tonalité de la voix de l’autre pour être plus semblable.

Carl Rogers a démontré qu’une communication interpersonnelle efficace exigeait six comportements : le respect, le soutien, la positivité, l’ouverture, l’honnêteté et l’empathie.

 

Vouloir persuader conduit à être le plus semblable possible aux autres parce qu’en général on aime « ce qui sont comme nous ». L’interlocuteur se sent alors plus sûr, plus accepté, plus détendu et plus ouvert. En revanche, lorsqu’il s’agit d’une personne très différente, il devient méfiant, prudent, sceptique, et même peureux.

Nous aimons établir des rapports avec les gens qui se comportent et parlent comme nous.

En fait, les mots comptent peu, ici. Un professeur de l’Université de Californie a montré que la communication comportait trois composantes d’inégale importance :

-Le langage corporel (posture, bras, expressions faciales, contact oculaire, respiration, etc.) qui détermine 55% de la construction du rapport.  Si on est capable d’adapter son langage corporel à l’autre, on aurait la plus grande chance de construire un rapport à un niveau inconscient avec cette personne.

-le ton vocal compte pour 38%. Le ton peut être rapide ou lent, élevé ou bas, nasal ou chaux ; voix chaude et lente lorsqu’on veut rassurer, voix plus forte et cordiale quand on cherche à inciter à l’action. En bred, la manière de dire le message compte beaucoup plus que ce qui est dit.

-la répétition intelligente, la reformulation, des mots et phrases de l’interlocuteur qui témoigne de l’attention et de la compréhension de l’interlocuteur et lui donne confiance.

Il faut donc adapter sa manière de communiquez à celle de l’interlocuteur :

-d’abord en lui donnant toute attention.

– ensuite en adoptant son langage corporel et le ton de sa voix ;

– enfin, en reformulant ce qu’il dit.

Cet ajustement à l’interlocuteur ne doit pas apparaître comme factice ce qui susciterait la méfiance.

 

  1. Persuader un groupe de travail.

Le travail en groupe est courant dans l’entreprise et les avantages attendus sont d’exploiter la diversité des opinions et de partager l’information pour mieux fonder la décision.

Mais une pression particulière peut annuler ces avantages, pression tenant au désir de chacun des membres du groupe de se conformer aux opinions et décisions des autres parce qu’il veut être accepté et aimé par les autres.

Le risque est alors fort de n’avoir de la part de certains membres, aucune contribution au travail du groupe et de rendre les réunions moins productives.

Cette pression du groupe conduit à la réduction des conflits mais aussi à de faux consensus et la décision, bien qu’incontestée, peut conduire à l’échec.

Cette situation peut être corrigée par les moyens suivants

– Le leader doit présenter le problème et les ressources disponibles mais ne jamais proposer de solution au début ;

– Il demande à chaque membre d’étudier attentivement le problème et de proposer une ou des solutions ;

– Il peut désigner un « avocat du diable » pour présenter les solutions les plus contestables et faire bien comprendre à tous qu’il est acceptable d’être critique.

– Il doit présenter la réunion de manière telle que les membres se sentent rassurés, motivés et inspirés ;

Le temps passé à la préparation de la réunion détermine la durée et l’efficacité de la réunion.

On sait que certaines réunions sont déprimantes et ressenties comme inutiles alors que d’autres sont stimulantes. Les déterminants sont la préparation et la conduite de la réunion.

Une réunion ne peut pas être productive et encore moins stimulante si les objectifs et les règles de fonctionnement ne sont pas clairs pour tous.

Le manager de la réunion doit définir, pour lui-même, ce qu’il désire voir le groupe ressentir, penser et faire en cours et en fin de la réunion en se posant les questions suivantes ;

-quelle est la raison d’être de la réunion et à quel type de décision doit-elle aboutir ;

-en quoi chaque membre du groupe est concerné ;

-qui est chargé d’exposer les points principaux du problème et de la solution à chercher ;

-quelles sont les règles de fonctionnement de la réunion.

-que faire si des membres du groupe demande l’adjonction d’un point à l’ordre du jour ou un changement des règles de fonctionnement.

 

  1. Persuader le client

On est tous conduit à « vendre » ; un produit, une suggestion, une idée, un plan, etc.

Les vendeurs professionnels n’en ont pas moins, en général, l’image de la personne suspecte qui vise à vendre ce dont on n’a pas besoin et à un prix excessif.

On sait que les bons vendeurs respectent les règles suivantes :

-ne vendre quelque chose qu’à une personne qui en a besoin ;

-ne vendre que des produits de bonne qualité.

-ne vendre qu’à un prix correspondant aux avantages apportés au client.

Mais de toutes façons, au début d’une vente, il y toujours un écart que le vendeur doit surmonter et un besoin de trouver un terrain d’entente.

Un psychologue australien a montré que nous vivions tous dans la « cage » que représente notre vision du monde ; que nous ne voyons le monde qu’à travers les barres de la cage et ne retenons que l’information qui nous met à l’aise et en sécurité dans la cage (dissonance cognitive).

Dès lors le défi de tout vendeur est d’obtenir que l’acheteur change sa perception, sorte de sa « cage » ; ce qu’il peut obtenir de plusieurs façons :

-l’empathie, qui montre qu’on cherche à comprendre l’acheteur (par ex : je comprends pourquoi vous dites cela, etc.)

-l’offre d’une alternative, pour montrer qu’il existe d’autres points de vue et créer les conditions d’une compréhension mutuelle. (Ex : et si vous regardiez le problème d’une autre façon , etc. ?) ; alternative qui souligne les avantages non perçus par l’acheteur (ex : peut-être n’avez -vous pas remarqué que ….. Qu’avez-vous pensé de…)

-la confiance ; si on fait confiance et qu’on manifeste son désir de servir, l’acheteur sera disposé à faire de même.

-la séparation de la personne du problème ;

-la recherche d‘un accord « gagnant-gagnant ».

 

Moins classiques sont les méthodes de persuasion issues de l’hypnose ericksonnienne (Milton Erickson)

La base de ces méthodes tient au fait qu’on possède un esprit conscient et un esprit inconscient.

L’esprit inconscient est ce qui fait conduire sa voiture sans y penser, ce qui rend absorbé par un film, ce qui méditer sans le vouloir, etc.

La méthode est de réduire la résistance de l’esprit conscient pour s’adresser à l’esprit inconscient.

Cette réduction est obtenue par des affirmations ou des suggestions très vagues et très générales que l’esprit conscient à peine à comprendre. Pendant ce temps, l’esprit inconscient est ouvert aux suggestions etc.

Ces techniques, nombreuses, ne doivent pas être utilisées de façon factice.

Voici quatre d’entre-elles :

 

1- On exprime une observation ou une suggestion précédées par des mots comme « je sais, je savais, nous savons que …. ;  vous, probablement, vous appréciez X ; je vois, je peux dire, je parie que ….. ; vous avez envie d’en savoir plus sur X…etc.

L’esprit conscient pense à ce commentaire et l’esprit inconscient accepte ce qui est dit après.

 

2- On exprime un jugement de valeur sans dire pourquoi on le dit et dans des termes très généraux

(Ex.  il est préférable de…, c’est bon quand.., , c’est vrai quand …, c’est parfait si… c’est une bonne chose de…, c’est mauvais de…, c’est mauvais quand…, personne ne devrait… il n’est pas juste, pas justifié de …

Le vendeur peut ensuite ajouter : alors vous…, ne le faites pas, à moins que…  Vous le ferez, parce que, vous êtes, comme nous ; si vous acceptez ce programme, vous obtiendrez les résultats plus rapidement.

 

3- On utilise les expressions universelles qui sont des phrases qui ne suscitent pas de désaccord.

Par exemple, personne n’est parfait. Tout le monde aime beaucoup …. Personne n’aime perdre de l’argent. Tout le monde a besoin d’experts quand il y a problème ; c’est toujours mieux de demander à celui qui sait.

 

4-On pose la question qui incite à une réponse positive parce qu’elle concerne l’acheteur et se termine par « n’est-ce pas ? »

Par exemple ; vous aimez bien faire les choses, n’est-ce pas ? Vous connaissez la qualité de notre produit…Vous appréciez les techniques géniales, n’est-ce pas ? Je sais que vous vous demandez quand vous pouvez utiliser X

et c’est une bonne façon de se préparer, n’est-ce pas ? Je sais que si cette technique est maîtrisée, les résultats suivront et tout le monde aime les résultats, n’est-ce pas ?

 

On peut ainsi aider la personne à sortir de sa « cage », à percevoir d’autres choses, à entendre ce dont il a besoin et à faire ce qu’il doit faire.

 

  1. Persuader le financeur.

Les principaux critères retenus par les investisseurs sont la qualité de l’idée et la qualité du ou des demandeurs de financement.

La qualité de l’idée tient à sa rentabilité c’est-à dire à l’avantage concurrentiel qu’elle est susceptible de produire.

La qualité du demandeur tient à la confiance qu’il inspire c’est-à-dire à la qualité de la préparation du projet et à ses capacités personnelles. On a compris qu’il s’agit de la rentabilité et de l’évaluation du risque du financement.

La présentation du projet doit convaincre sur les deux critères ci-dessus mais on sait que la persuasion passe par les émotions et par la capacité de répondre aux objections.

Aussi, on peut présenter son projet selon les cinq étapes suivantes.

 

5.1. La préparation.

Elle doit répondre aux questions suivantes (WISH) ; qui sera là (Who), quels sont les principaux enjeux Issues) , quelles sont mes solutions (Solutions) , comment les aider (Help)?

Le public sera petit ou très grand. Dans tous les cas, il faut repérer les principales personnes à persuader, les décideurs principaux.

Concernant les enjeux, choisir les trois problèmes les plus importants et les trois meilleures solutions.

Et pour aider à retenir et décider, préparer les trois points principaux du projet.

 

5.2. Les objectifs.

Définir ce que, à la fin de la présentation, l’auditoire devrait penser, ressentir et faire, si possible après l’avoir consulté ; et quelle est l’intention principale du pitch motiver, inspirer, rassurer, etc.

 

5.3. La présentation du projet.

Il importe d’établir la connexion émotionnelle et de suivre le plan des « 4 i ».

-Invitation.

L’ouverture de la présentation devrait prendre les formes suivantes : reconnaissance de la valeur de l’auditoire, présentation d’une histoire « émotionnelle » (par exemple l’histoire sommaire mais émotionnelle du projet) ; un appel à questionner.

-Imagination.

Ici, il s’agit de montrer où en seront les financeurs s’ils financent le projet, en rappelant les trois plus grands enjeux et les trois solutions, indicateurs de votre expertise.

-Information

C’est la partie principale de la présentation où les arguments sont soulignés concernant les trois points principaux.

-Intérêt.

Souligner le besoin, l’envie de travailler avec un financeur et rassurer le financeur sur son contrôle de la réalisation du projet.

 

 

(Source :   https://www.coursera.org/learn/communicate-with-impact/home/week/1

 

 

Pour d’autres articles sur le même thème :

https://outilspourdiriger.fr/obtenir-le-oui-recherche/

https://outilspourdiriger.fr/?s=n%C3%A9gociation et 2

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur.  A. Uzan.   22/01/2023.