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http://www.oddo.fr/Documents/publications/Capital-immateriel_avantage-competitif-strategie-digitale_06052014.pdf http://www.fondation-cigref.org/wp/wp-content/uploads/Synthese-Modeles-d-affaires-espace-numerique.pd http://www.cigref.fr/c/toutes-les-publications   Depuis une quinzaine d’années, le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) bouleversent nos comportements de consommation, de rapport aux autres et d’apprentissage. Ces changements tendent à imposer aux entreprises, tous secteurs confondus, de nouvelles conditions du succès qu’elles doivent prendre en compte en adoptant une stratégie digitale. Ce premier article présente trois aspects du problème : les principaux indicateurs et les effets de la révolution digitale ; les contraintes à prendre en compte pour élaborer une stratégie digitale ;  les raisons qui ont conduit le patron d’une grande entreprise à s’engager résolument dans cette voie.  

  1. La révolution digitale et ses effets.
1.1. La révolution digitale Les NTCI, et en particulier les outils « mobiles », tendent à être universellement utilisés. – 1,5 milliard d’ordinateurs personnels dans le monde ; – 3 milliards d’utilisateurs de l’internet, 700 millions de sites web actifs et une multiplicité de « médias sociaux » (blogs, forums, podcasts, réseaux sociaux, etc.) et de site d’échange entre pairs. – 5 milliards d’utilisateurs du téléphone mobile et 80% du temps passé au téléphone l’est sur une application mobile ; et le développement tend à s’accélérer grâce au déploiement du haut et très débit internet. Les comportements de consommation changent comme en témoignent de multiples indicateurs : -Le développement rapide du e-commerce et m-commerce qui concernent désormais les ventes de quasi tous les types de biens et de services mais jouent aussi un rôle très important de source d’informations lors de la préparation de tout achat ou location. -Le développement des usages du téléphone mobile comme moyen de règlement ou d’identification, etc. -Le développement du partage de l’usage d’un bien (co-voiturage, location entre pairs, revente de biens, échanges, etc.) -L’apparition de l’internet des objets et des objets connectés nous donnant des indications sur notre comportement (tension, etc.) ou sur notre environnement (place de parking, gestion de la « maison intelligente », etc.) La coopération avec les autres se développe fortement, comme tend à le monter le tableau suivant (Source: Oddo Sécurities) Strat.digit.1   -Réseaux sociaux, blogs, forums, sites spéciaux permettent d’échanger à distance des informations, des avis, des conseils ; de jouer ou de monter des projets en collaboration, etc. Les méthodes d’apprentissage se modifient considérablement : -Les Moocs (Cours en ligne gratuits) se développent très rapidement, offrant un moyen commode d’acquérir ou de développer une formation. -Tendent à se développer rapidement, dans et hors le travail, la pratique des outils digitaux « collaboratifs » que sont Facebook (pour l’affichage d’informations collectives) et les autres réseaux sociaux, Google Docs ou Drive, Dropbox, etc. (pour le partage des ressources et la production collective) et Skype ou équivalent (pour la communication à distance et l’interaction), etc. Combiner travail individuel et travail de groupe, relation en présence et à distance, est désormais une expérience acquise par de plus en plus de gens. Il est clair qu’aujourd’hui la plupart des prospects comme des salariés d’une entreprise sont infiniment plus et mieux informés : sur les biens et services mis à leur disposition, sur les modes d’organisation et l’environnement des entreprises, sur l’évolution des valeurs sociétales et sur les innovations réalisées ou « dans l’air » ; ils sont également plus et mieux préparés à l’utilisation des outils digitaux. 1.2. Les nouvelles conditions du succès. Ces changements tendent à imposer aux entreprises de nouvelles conditions du succès, comme le montrent deux grands experts américains, O. El Sawy et F.Pereira, dont l’étude est reprise par le CIGREF, réseau de grandes entreprises françaises, (http://www.fondation-cigref.org/wp/wp-content/uploads/Synthese-Modeles-d-affaires-espace-numerique.pdf): -Les avantages compétitifs se périment plus rapidement sous l’effet d’un flux plus grand d’innovations technologiques, des  évolutions sociétales et de la capacité des prospects de s’informer. -Dès lors, l’agilité, la capacité de modifier rapidement l’offre, prime sur les capacités de production ; il faut être à même de « capter et répondre » rapidement. -Pour s’adapter plus rapidement et saisir les opportunités, de nouvelles attitudes managériales s’avèrent nécessaires, consacrant moins de place au contrôle qu’à l’incitation à l’initiative, au développement de la motivation et au coaching. -Le client tend à considérer « l’expérience vécue lors de l’achat » comme le facteur le plus important et tend à co-créer l’offre. On sait depuis longtemps que le consommateur n’agit pas selon sa seule raison mais aussi et surtout selon ses émotions et ses valeurs. Il  s’agit donc moins, pour lui, de « faire ses courses » que de « vivre des expériences ». Et il n’hésite plus à faire connaître son avis à ses relations et à son fournisseur, contribuant ainsi à la co-création de l’offre. Dès lors le marketing doit se centrer sur ce qui est fait pour et avec le client ;  sur l’accroissement de capacité, d’interactivité et de connectivité offert au client et sur le processus de la mise à disposition. -La difficulté de construite et de conserver ses avantages compétitifs conduit à tabler sur les alliances et partenariats, rendant la « coopétition » (composé de coopération et de compétition) incontournable.
  1. Les contraintes de la stratégie digitale
Les entreprises, tous secteurs confondus, doivent prendre en compte ces changements et ces nouvelles conditions du succès en adoptant leur stratégie digitale. Il ne s’agit pas ici de simple marketing ou communication recourant aux moyens digitaux. L’enjeu pour l’entreprise est de gagner en intelligence et agilité internes et externes, en développant, facilitant  et rendant plus rapides les interactions entre ses collaborateurs, d’une part, et avec ses clients et prospects, d’autre part. 2.1. La définition des priorités Tous les types d’entreprise sont concernés par le besoin de stratégie digitale mais la priorité à donner à l’intelligence et l’agilité internes ou externes et aux types investissements informatiques et humains nécessaires dépend de la stratégie générale de l’entreprise. On doit, ici, distinguer selon que cette dernière est principalement centrée sur les coûts (domination par les coûts) plutôt que sur les revenus (différentiation), centrée sur le client industriel (BtoB) plutôt que sur le client final (BtoC). Il est clair que l’entreprise la plus impactée par la révolution digitale et qui doit être la plus soucieuse d’agilité externe est celle qui est tournée vers le client final dont les besoins « d’expériences » et de personnalisation doivent être connus le plus finement possible. Mais l’entreprise centrée sur les coûts et surtout celle centrée sur les innovations doivent tendre à donner priorité à l’intelligence et l’agilité internes. 2.2. La multiplicité des données à traiter De plus en plus de données sont nécessaires et peuvent être collectées, ouvrant un énorme champ d’analyse. Certaines de ces données sont « organisées » parce que provenant des systèmes d’informations internes à l’entreprises (ventes, gestion des stocks, achats, contrôle des coûts, données RH, données financières) et des bases de données publiques mais de multiples autres, externes, « informelles » et non nominatives,  peuvent être collectés, à partir des mobiles, des plateformes d’échange sur internet, des réseaux sociaux ou des objets connectés. Ici aussi, c’est l’entreprise orientée BtoC qui aura le plus besoin d’exploiter ce dernier type de données avec des moyens adéquats mais pour toutes les entreprises s’impose l’enjeu de la collecte, du stockage et du traitement des données qu’elles soient  internes et structurées ou externes et non-structurées. 2.3. L’impulsion et le changement d’attitude de la direction. L’impulsion doit venir du sommet de l’entreprise et entraîner et fédérer l’ensemble des collaborateurs. Les dirigeants doivent démontrer leur engagement et leur volonté d’évoluer vers de nouveaux modes de pensée et de travail. Comme le disent les auteurs d’une publication du CIGREF ainsi de que nombreux experts : « le mode d’organisation pyramidal hiérarchique est amené à évoluer vers un fonctionnement plus collaboratif, reposant sur des interactions horizontales, des échanges à tous les niveaux de l’entreprise, et accorde une large initiative aux collaborateurs, faisant davantage appel à leur autonomie ». 2.4. La réorientation du système d’informations. Tout système d’information doit aider chaque collaborateur ou service à gérer ses actions et son budget et permettre à chaque niveau de direction de centraliser les résultats collectifs de son ressort. Il importe aujourd’hui d’ajouter un objectif supplémentaire à cette « verticalisation » et de faciliter la «transversalité » du partage de l’information pour faciliter l’échange, la coordination et accélérer la réaction. En plus de cette transversalité, de nouvelles compétences, de nouveaux types de collaborateurs (Chief Digital Officer, Community Manager, Data Analyst, etc.) sont nécessaires. Mais ce renforcement ne doit pas réserver la compétence digitale aux spécialistes ou aux cadres dirigeants ; cette compétence doit être donnée, à des degrés divers et progressivement, au plus grand nombre de collaborateurs car elle doit irriguer l’ensemble de l’entreprise. 2.5. La nouvelle culture collaborative. Il ne s’agit pas, ici, seulement de développer un site internet ou un système intranet mais de développer l’utilisation par le plus grand nombre des outils digitaux collaboratifs facilitant les collaborations internes et les relations avec le client : -être présent et actif là où s’expriment les prospects, clients et partenaires : réseaux sociaux publics ou professionnels, blogs, forums, sites spéciaux permettant d’échanger des informations, des avis, des conseils (voir tableau ci-dessus) ; -mettre en place le ou les réseaux sociaux internes permettant aux groupes de travail ou de projet, aux communautés de statut ou de pratiques de collaborer et de développer l’intelligence collective. 2.6. La maîtrise des risques de sécurité et de la protection des données personnelles. La sécurité est la première priorité des directeurs des systèmes informatiques pour qui les cyberattaques sont considérées comme un risque majeur. Quant à la collecte et au traitement des données à caractère personnel, ils sont soumis à des législations nationales protectrices des personnes et imposant la confidentialité et la sécurité des traitements des données collectées ainsi que la notification auprès d’une autorité de contrôle nationale.   3 . Les motivations d’un grand patron : J.D. Senard, Président de Michelin. (http://www.usine-digitale.fr/article/je-veux-faire-de-michelin-un-leader-du-monde-digital-affirme-jean-dominique-senard.N319244#reagirACetArt; le texte ci-dessous reprend l’essentiel de la déclaration sans en respecter la forme) Le socle et le cœur de nos activités, c’est le pneumatique. Sur ce sujet, Michelin entend rester le leader de l’innovation technologique de son secteur et des services associés mais nous ne pouvons ignorer le mouvement de fond engendré par la transformation numérique. Cette transformation, Michelin veut la maîtriser. Ma conviction s’est forgée au fil des années mais un déplacement dans la Silicon Valley m’a aidé à mieux comprendre ce que nous devions faire pour être dans la vague qui porte le monde. Mon rôle est de protéger Michelin et de transformer l’entreprise en un leader dans le domaine du digital. En matière de recherche, nous disposons depuis deux ans, d’un « corporate innovation board (CIB) », que nous avons mis en place pour piloter notre stratégie de R&D, partager nos découvertes d’une branche à l’autre, et s’ouvrir à d’autres horizons. Nous avons également lancé en interne le concours d’idées « Innovation works », pour permettre à nos salariés de proposer de nouvelles solutions technologiques ou de nouvelles activités. Cette initiative a généré beaucoup d’enthousiasme. Elle a libéré la parole. C’est d’ailleurs l’un de mes souhaits majeurs : libérer les énergies des équipes Michelin. Maintenant, les collaborateurs ont intégré cette nouvelle dimension. La jeune génération pousse à cette évolution. Ils entendent leur patron répéter à longueur de temps « Libérez-vous ! » et se mobilisent. Nous voulons développer massivement un mode de management dynamisant et motivant. Je ne connais pas d’autres voies pour l’avenir. L’usine du futur sera communicante, bien sûr, mais ce sera surtout une usine connectée à son marché et où la responsabilisation des équipes et la délégation seront indispensables. Une usine ne peut plus seulement être un endroit où l’on dicte ce qu’il faut produire. Les collaborateurs doivent comprendre ce qu’ils doivent faire et pourquoi et intégrer l’impératif d’une plus grande flexibilité. Plus ils seront au contact du marché, du client, mieux ils comprendront les contraintes en voyant la volatilité de plus en plus importante de notre activité. La nouvelle direction digitale a été confiée à un américain et s’assurera que le groupe prend la pleine mesure de cette transformation digitale et managériale et que l’ensemble de nos actions, y compris dans nos lignes produits, œuvrent vers et pour le client. Ceci se traduit par des actions de fond dans l’entreprise : le développement de réseaux sociaux, du travail collaboratif et des actions vers les clients. Le digital rentre chez Michelin par tous les pores. C’est une opportunité formidable, car dans notre métier, la relation avec le client n’est pas régulière et il y a risque de perte de contact avec lui entre deux changements de pneus ; le digital permet d’entretenir une relation permanente.

Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan. 27/03/2015

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