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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Réussir sa négociation Réussir sa négociation

 

Négocier c’est échanger pour trouver un accord ; échanger des signes, des idées, des promesses, des biens, etc. ;  entre des personnes qui sont interdépendantes mais qui ont des attentes et des objectifs différents ; pour trouver un arrangement durable. Si cet arrangement satisfait toutes les personnes, on parlera de résultat « gagnant-gagnant » ; dans les autres cas, on parlera de résultat « gagnant-perdant » ou « perdant-perdant ».

Dans la vie de tous les jours, chacun réussit et échoue d’innombrables négociations, spontanément, intuitivement, et avec peu de conséquences,  peut-être un peu de plaisir ou de contrariété.

Dans certains cas de la vie privée et surtout dans l’activité professionnelle, les enjeux peuvent être beaucoup plus importants et, alors, il est trop risqué de ne compter que sur la spontanéité et l’intuition; il faut avoir une idée aussi claire que possible des conditions à réunir pour réussir sa négociation.

Toutes les situations de désaccord ou de conflit ne donnent pas lieu à négociation. On est conduit à négocier lorsqu’on se trouve face à un désaccord ou un conflit avéré et important, qu’on ne veut pas voir perdurer mais qu’on ne veut ni ne peut surmonter par la « force » ou la rupture ; par exemple, un désaccord avec un précieux collaborateur, fournisseur, client, etc.

C’est le cas fréquent du manager devant régler un désaccord ou un conflit avec un autre manager, un de ses collaborateurs ou entre ses collaborateurs, etc.

L’espoir est, alors, d’obtenir par la négociation un résultat supérieur à celui que produirait la force ou la rupture et l’hypothèse admise est double : on pourra influencer « l’autre » et il faudra accepter de faire des concessions pour créer une situation « gagnant-gagnant » et une entente durable.

Il s’agit clairement d’un pari qu’on veut réussir mais sans faire perdre « l’autre » ni gagner à n’importe quel prix. Atteindre cet équilibre délicat est l’enjeu de la préparation et de la conduite de la négociation mais il importe d’abord de bien comprendre ce qu’est la négociation.

 

  1. La négociation.

C’est le moyen de régler par le compromis les désaccords et conflits entre personnes interdépendantes. La recherche du  compromis qui représente l’essentiel de la négociation conduit à comprendre trois types de difficultés principales.

1.1. « Position » et « intérêt ».

La négociation met en présence deux parties (individus ou groupes) qui, chacune, défend, explicitement ou implicitement, une « position » et un ou plusieurs « intérêts ». On appelle « position » ce que la partie veut et « intérêt » pourquoi elle le veut et c’est, l’intérêt, la motivation, qui détermine la position.

Dans un désaccord ou un conflit, les positions sont généralement différentes, voire opposées, et chaque partie pense que sa position est fondée et tolère mal, voir prend comme une « insulte », qu’on la critique ou la conteste. Contester les positions conduit généralement à les « cristalliser » et à fermer la « porte » du compromis.

Cette porte peut s’ouvrir si, par contre, on considère les « intérêts ». Chaque partie a construit un lien entre son intérêt et une position, entre pourquoi il veut et ce qu’il veut, mais il se peut que pour satisfaire la même motivation d’autres solutions soient possibles qui soient plus acceptables par les deux parties. Déplacer la discussion des positions vers les motivations « débloque » la négociation et ouvre des possibilités de compromis.

1.2. Compromis.

Un bon compromis est un compromis « gagnant-gagnant » et il est rendu possible par le fait que la même chose n’a pas la même valeur pour tout le monde. Tout le monde est gagnant si l’échange fait que l’un obtient de l’autre une ressource qui a plus de valeur pour lui que pour l’autre ; une ressource rare pour l’un peut, en effet, être une ressource non-rare pour l’autre et l’échange est fructueux pour tous.

1.3. Les difficultés de la décision.

La situation de négociation tend à accroître la subjectivité et l’incertitude de chaque partie lors des décisions à prendre au cours de la négociation : par exemple, accepter ou pas tel compromis ou en proposer un.

Face à une offre, chaque partie peut éprouver le dilemme de la décision consistant à choisir entre une chose sûre et une alternative risquée, en l’occurrence, entre une proposition de compromis et la poursuite de la négociation avec les risques d’obtenir moins ou d’aboutir à la rupture. Et la « pression » est accrue si le choix n’est ouvert que si la décision est à prendre sans délai. On sait, ici, qu’on a tendance à prendre moins de risque pour protéger ses gains que pour éviter ses pertes et une proposition de compromis est un gain parce que c’est chose sûre.

Faire une offre dans l’incertitude soumet à la crainte d’en demander trop ou pas assez. Chaque partie est, alors, plutôt incertaine et influençable et la première offre proposée tend à « fixer » le domaine et le niveau du résultat et y réussira d’autant plus qu’elle est raisonnablement justifiée.

Finalement, obtenir des autres,  par la négociation, la ressource ou le comportement que l’on veut,  exige que cette demande apparaisse à « l’autre » comme un moyen  de réaliser son « intérêt » à un degré suffisant.

 

  1. La préparation

Se préparer à une négociation conduit, d’une part, à définir ce que l’on veut obtenir, peut accepter, peut donner et pourquoi ; d’autre part, à prévoir ce qui peut être demandé, accepté et donné par « les autres » et pourquoi ; les autres étant l’autre négociateur et les autres personnes concernées par les résultats de la négociation :

–  définir ce que l’on veut obtenir, peut accepter, peut donner et pourquoi ;

La plage des objectifs visés, des objectifs acceptables et des concessions possibles ainsi que les fondements de ces choix et contraintes doivent être clairement présentes à l’esprit du négociateur; ce sont les bases et les guides de l’argumentation qu’il va devoir présenter au cours de la négociation. Préparer une  « plage » d’objectifs et de concessions donne plus de sécurité et de souplesse de comportement face à l’argumentation de « l’autre » mais il importe que objectifs et concessions soient correctement liés pour donner forme et fondement à chaque proposition (je vous propose x à condition d’y)

–  prévoir autant que possible ce qui peut et va être demandé par « l’autre » et ce qu’il peut concéder ;

La connaissance des motivations du désaccord de « l’autre » et des formes qu’il prend, la prévision de ses attentes et des risques qu’il craint sont nécessaires pour prévoir les objectifs que « l’autre » poursuivra, ses demandes explicites ou latentes et les contraintes qui  détermineront sa capacité de concession.

–  prévoir, s’il y a lieu, les réactions des autres acteurs concernés de quelque façon; la famille et les collègues de « l’autre », les responsables des autres services de l’entreprise, le syndicat, la direction générale, la presse, les autres entreprises ; les réactions futures probables de ces acteurs pouvant servir d’argument pour chaque partie.

–  prévoir, autant que possibles, les points de consensus, les points de rupture et les points principaux à négocier ; éléments qui peuvent servir à l’établissement du déroulement de la négociation et à son centrage sur l’essentiel.

–  prévoir les décisions à prendre en cas d’échec de la négociation.

 

  1. Les étapes de la négociation

On peut ramener à quatre les étapes principales de la conduite de la négociation.

3.1. Créer le climat propice à la coopération

Sauf situation « physiquement conflictuelle », le désaccord, voire le conflit, n’empêchent en rien d’offrir un accueil poli, voire cordial, de chercher à réduire la « distance psychologique » entre négociateurs et de chercher à remplacer la disposition des sièges en face en face par une disposition qui indique mieux le désir de coopérer pour régler un problème commun. Il doit être clair, en effet, qu’on ne règle pas un conflit de personnes mais un problème commun.

Présenter l’objectif supérieur, l’intérêt supérieur commun à atteindre qui justifie la nécessité de résoudre le problème et obtenir l’accord sur cette présentation ; ce qui tend à réduire le caractère émotionnel et à accroître le caractère collaboratif du climat

3.2 Echanger sur les termes et les causes du désaccord ou conflit.

Faire présenter par chaque partie les données du désaccord ou conflit, son analyse des déterminants de la situation et sa position. C’est une deuxième étape importante de coopération car elle conduit à échanger sur les sources et les analyses de la situation justifiant les positions. On devrait, ici, s’interdire de définir des responsabilités mais seulement de connaître et de comprendre les perceptions, analyses et positions de chaque partie.

Dans ce climat, il est alors plus facile à chaque partie de poser des questions pour obtenir les informations qui lui manquent, en particulier concernant les « intérêts » ou motivations.

3.3. Echanger sur les solutions.

L’objectif est ici de créer un climat de « résolution de problème » ; d’examiner chaque ensemble « proposition-conditions » et de l’amender pour qu’il soit plus satisfaisante pour tous.

En principe, c’est au manager de faire la première offre; offre qu’il devrait avoir pu ajuster et mieux fonder à l’écoute attentive de l’échange sur les termes et les causes du conflit  et qu’il justifie clairement. Il peut la soumettre à condition d’acceptation immédiate mais il doit bien garder présent à l’esprit que les menaces ont surtout pour effet de détériorer le climat et de faire régresser la négociation. La négociation doit se poursuivre jusqu’à trouver l’accord satisfaisant pour tous.

3.4. Définir les moyens de vérifier la bonne application de l’accord.

L’accord doit être mis en œuvre aussi vite que possible mais doit prévoir la vérification des résultats attendus de chaque partie, les moments de l’examen des résultats et les modalités de la révision.

 

  1. La conduite de la négociation : convaincre et persuader. (Voir « Obtenir le « oui » recherché ! »    https://outilspourdiriger.fr/obtenir-le-oui-recherche/ )

Convaincre ou persuader quelqu’un, c’est l’amener à faire sienne une nouvelle manière de penser, de sentir ou d’agir, généralement manière qui est la nôtre.

En principe, on cherche à convaincre par des arguments rationnels, en s’adressant à la raison de l’interlocuteur ; on cherche à persuader par des arguments émotionnels, en s’adressant au « cœur » ou « aux tripes » ou à l’imagination de l’interlocuteur.

Dans la pratique, on retient souvent que convaincre c’est amener à comprendre et à adopter les raisons de faire alors que persuader, c’est amener à faire, à avoir le désir de faire en plus des raisons de faire.

Obtenir de tels résultats conduit à prendre appui sur plusieurs types de déterminants.

4.1. Prendre appui sur la raison pour convaincre

Amener quelqu’un à reconnaître une manière de penser comme plus pertinente ou nécessaire exige d’obtenir l’accord de l’interlocuteur sur chacune des étapes suivantes d’un raisonnement : définition du problème (écart entre le vécu et le souhaité) ; exploration des diverses voies de solutions, choix raisonné d’une des solutions possibles.

La méthode recoure à l’alternative pour faciliter le choix, à l’analogie pour faciliter le raisonnement et à l’exemple ou la référence pour remplacer la preuve manquante.

4.2. Prendre appui sur les émotions pour persuader (Voir « Le manager-leader du quotidien »   https://outilspourdiriger.fr/le-manager-leader-du-quotidien/)

Amener quelqu’un à faire exige de donner le désir de faire en plus des raisons de faire.

On sait que la force de la motivation est le produit de 3 facteurs : la désirabilité du résultat, l’espérance d’obtention du résultat, la confiance dans le lien entre résultat et récompense.

On voit quels leviers sont à la disposition du manager négociateur ; jouer les trois rôles suivants :

-« prophète » : pour dire combien il serait « bien, beau, etc. » de faire …..;

formateur-entraîneur » : pour dire « qu’il est possible, facile, de réussir à le faire » et « comment se préparer, y parvenir, etc. ».

-« gendarme » : pour dire combien il serait dangereux de ne pas faire.

4.3. Prendre appui sur les normes sociales.

Une norme sociale est une règle de conduite en société  (manières de se comporter envers les autres, de s’habiller, de raisonner, de choisir, etc.) et l’on est approuvé ou désapprouvé par les autres selon que l’on respecte ou transgresse la norme. Voici quelques normes utilisables dans la négociation :

4.3.1. L’obligation de rendre.

C’est la norme sociale qui nous « impose » de rendre ce qu’il nous a été offert : un bien, un service, un type de comportement, etc. ; on se sent « l’obligé » de quelqu’un et conduit à faire ce qu’il nous demande.

Dans la négociation, c’est le résultat espéré de la concession.

4.3.2. Le besoin de coopérer, de partager avec son groupe.

On tend à se comporter comme les membres de son groupe, à avoir le même type d’aspirations, à collaborer volontiers avec les personnes qui nous ressemblent ou qui partagent nos projets, nos valeurs etc.

Utiliser cette motivation dans la négociation conduit à commencer par activer ou réactiver ce qui est commun, ce qui est partagé par tous ; par la suite, on peut faire référence à des exemples choisis ou recourir à la pression du groupe.

4.3.3. La confiance en l’expertise.

On tend plus facilement à suivre les avis d’un expert et d’une personne de confiance.

C’est la crédibilité qui importe sur le plan des idées comme sur celui de la mise en œuvre.

4.3.4 Le besoin de cohérence.

Nous avons besoin de cohérence dans notre comportement en particulier dans nos engagements ; faute de quoi nous ressentons la tension désagréable de la « dissonance cognitive » et nous perdons la confiance des autres.

Une fois un petit engagement pris dans un domaine donné, il nous est très difficile de refuser une demande plus importante dans le même domaine.

4.4. Prendre appui sur quelques techniques d’influence sociale.

(Joule et Beauvois « Petit traité de manipulation  à l’usage des honnêtes gens »)

Nous tendons à négliger les petits engagements jugés insignifiants et acceptés comme naturels. En fait, ils sont le ressort principal des principales techniques d’influence sociale suivantes.

4.4.1. « Le pied dans la porte »

Obtenir satisfaction à une requête peu coûteuse ou anodine et que personne ne peut refuser accroît considérablement les chances d’obtenir un oui à une requête plus importante même si cette dernière n’est pas exactement du même type. C’est l’application du principe de cohérence.

4.4.2. « La porte au nez »

Faire d’abord une demande trop coûteuse pour être acceptée accroît considérablement les chances d’obtenir un oui à une requête beaucoup moins coûteuse.

C’est l’application du principe de réciprocité (concessions réciproques) et aussi la crainte du sollicité d’être mal jugé par le demandeur.

4.4.3. Amorçage.

Si l’on choisit X parce qu’il comporte une récompense, on aura tendance à ne pas changer de choix si la récompense disparaît. Ici aussi s’applique le principe de consistance et de persévération de la décision

4.4.4.  Le processus « crainte puis soulagement ».

C’est l’idée bien connue de commencer par demander beaucoup ou par faire peur puis de de « découvrir » un moyen de réduire nettement la pression.

4.4.5. L’étiquetage.

Au lieu de recourir à un argument impersonnel du type « l’innovation est la condition de la survie, etc. », on dira « soucieux d’innovation comme vous l’êtes, etc..). Les jugements des autres sont bien  plus efficaces que leurs injonctions.

Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A. Uzan. 3/10/2016