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La clé de l’engagement au travail

(Source : T.Amabile (Harvard) et S.Kramer : « The Progress Principe ».)

La clé de l’engagement au travail a été et reste un des objectifs principaux de la recherche en matière de management ; parce qu’il n’est de richesse que d’homme, dans l’entreprise comme dans un pays.

C’est pourquoi l’entreprise choisit ses collaborateurs, leur confie des postes adaptés, leur attribue des objectifs aussi clairs que possible, met en place des incitations, manifeste sa reconnaissance des réalisations, organise des soutiens interpersonnels, promeut les meilleurs, etc. et confie à ses managers la charge de conduire ce management.

Mais à examiner les mesures de l’engagement au travail, on est obligé de reconnaître que dans la plupart les entreprises d’aujourd’hui, ces méthodes de management des hommes ne sont pas suffisantes.

T. Amabile (Harvard) et S. Kramer affirment que ces méthodes ne tiennent pas assez compte de ce que vivent les salariés au travail ; ne tiennent pas assez compte de leur « vie intérieure professionnelle » (« Inner work life ») et ne mobilisent pas suffisamment les forces qui stimulent réellement l’engagement au travail, en particulier le « principe du progrès ».

Voyons ce que ces chercheurs veulent dire par « vie intérieure professionnelle » (« Inner work life ») avant de présenter la clé de l’engagement au travail : le principe de progrès.

 

  1. La vie intérieure au travail

La vie intérieure au travail est le flux d’émotions, de perceptions et de motivations que le collaborateur éprouve face aux événements qui surviennent dans sa journée de travail. Ce vécu est rarement ouvertement exprimé, en particulier lorsqu’il est négatif, mais il n’en est pas moins ressenti.

Explorons chacun des types d’élément qui le composent :

1.1. Les émotions.

Ce peut être la joie ressentie à résoudre un problème, la déception de voir son plan rejeté, la fierté de voir sa créativité reconnue, la colère de n’avoir pas été bien noté, etc. Ce peut être aussi l’humeur générale d’un jour où tout va bien ou mal, etc.

Les émotions peuvent être plus ou moins agréables et plus ou moins intenses ; elles sont propres à chacun mais facilement contagieuses.

1.2. Les perceptions.

Ce sont les sens que l’on donne aux événements qui surviennent, les interprétations qu’on en fait ou les questions qu’ils suscitent : pourquoi tel refus de la direction ou d’un collègue, pourquoi tel climat, etc.

On peut en rester à l’impression immédiate et fugitive ou en venir à des interprétations complexes qui déterminent un comportement durable.

1.3. Les motivations.

C’est ce qui pousse ou retient de faire : une tâche, des efforts particuliers, des contributions diverses, etc.

Cette motivation peut être extrinsèque, c’est-à-dire déterminée par une « récompense » (compliment, prime, promotion, etc.). Elle peut être intrinsèque et résulter du goût de faire, du plaisir de faire, de l’intérêt pris au faire, etc. Elle peut aussi être relationnelle (altruiste) suscitée par le besoin de se connecter aux autres, d’appartenir à un groupe, d’aider les autres, de contribuer à un objectif qui nous dépasse, etc.

En réalité, c’est la combinaison de ces trois types de motivations qui détermine le comportement.

Il se peut qu’en début de carrière ou d’un travail, la motivation intrinsèque prédomine mais, en général, l’équilibre des motivations varie avec le climat de travail et peut aller jusqu’à faire prévaloir l’inertie.

C’est dire que la direction et les managers doivent prioritairement veiller au climat de travail et se donner les moyens de créer le climat susceptible de stimuler l’engagement au travail.

 

  1. La clé de l’engagement au travail.

T.Amabile (Harvard) et S. Kramer affirment que l’engagement au travail est déterminé par trois forces puissantes : le « cercle vertueux du progrès», ses catalyseurs et ses aliments.

2.1. Le cercle vertueux du progrès

Le facteur qui stimule le plus la vie intérieure au travail et en particulier la motivation intrinsèque est le progrès que l’on fait dans un travail qui a sens à ses yeux. C’est ce que les auteurs appellent le «principe de progrès» ou le « cercle vertueux du progrès ».

Les managers citent volontiers les leviers qu’ils utilisent pour motiver les collaborateurs et, en particulier, les suivants : reconnaissance, incitations concrètes, objectifs clairs, contacts interpersonnels de soutien ; mais ne citent quasi jamais le soutien au progrès dans le travail. Pourtant c’est ce progrès qui nourrit, « embellit », la vie professionnelle intérieure et une vie intérieure positive nourrit l’engagement au travail ; c’est le cercle vertueux, l’arme secrète de haute performance qui produit un puissant effet « gagnant-gagnant » pour les employés, les managers et l’entreprise.

Les revers ou régressions passagères inévitables peuvent produire un début de cercle vicieux mais ce dernier peut être combattu par le soutien au progrès et la suppression des obstacles.

Les managers devraient être prioritairement guidés par la recherche du cercle vertueux du progrès de leurs managés, en soutenant le progrès de chacun et en supprimant les obstacles à ce progrès.

2.2. Les catalyseurs du cercle vertueux du progrès.

Le cercle vertueux du progrès a besoin d’être facilité par des catalyseurs.

Ce peut être l’exposé clair des objectifs d’un projet par le manager, l’approbation d’un financement demandé, l’assistance donnée par d’autres services de l’entreprise, les commentaires positifs des dirigeants, etc. Ces types d’action peuvent aussi être négatives et devenir des inhibiteurs du cercle du progrès.

Catalyseurs comme inhibiteurs ont des impacts immédiats sur la vie professionnelle intérieure avant même d’impacter le travail lui-même. Ils provoquent en quelque sorte des anticipations qui tendent à être auto-réalisatrices.

Les auteurs ont repéré sept catalyseurs majeurs et donc sept inhibiteurs.

  1. Fixer des objectifs clairs et justifiés.

On est plus engagé et heureux au travail si on sait vers quel résultat aller et pourquoi ce résultat est important. On est plus frustré et démotivé face à des objectifs flous ou changeants arbitrairement.

  1. Permettre l’autonomie.

On est plus engagé et créatif si on a pu contribuer à la définition de son travail et si on a de l’autonomie pour le réaliser ; idem si la décision que l’on prend est validée et non rejetée par sa direction.

  1. Fournir des ressources nécessaires.

L’accès aux ressources nécessaires à un projet est un catalyseur important alors que le refus de ces ressources décourage, engendre un sentiment de futilité, de colère, de perte de temps, etc.

  1. Donner le temps nécessaire.

Une pression temporelle trop forte longtemps engendre le stress et le rejet des managers alors qu’une pression limitée en temps est stimulante

  1. Aider à réussir le travail.

On travaille tous de manière interdépendante et avons besoin de l’assistance des autres. Savoir qu’on peut obtenir la bonne aide au bon moment peut donner une impulsion significative à la vie au travail et à l’engagement.

  1. Apprendre des échecs et des réussites.

Les échecs sont inévitables dans un travail complexe mais sont moins dramatiques s’ils sont considérés comme indissociables de l’initiative, analysés froidement et exploités pour mieux réussir ultérieurement au lieu d’être ignorés ou de donner lieu à sanction.

Les réussites doivent être célébrées mais aussi analysées froidement pour accumuler des connaissances.

  1. Susciter la libre expression

On ne donne ses meilleurs idées et contributions que dans un climat de libre expression et de respect mutuel. Quand ce catalyseur crucial est inhibé, chacun tend à se replier sur lui-même.

2.3. Les aliments du cercle vertueux du progrès.

L’engagement au travail est « nourri » par la relation positive avec les autres.

Ce peut être par la reconnaissance des apports, la récompense, le soutien, l’aide à résoudre un conflit ou simplement la possibilité d’avoir une relation cordiale, amicale avec les autres en et hors travail.

Tout être humain souhaite être respecté, reconnu, apprécié et se sent fier de contribuer à des projets ambitieux et socialement utiles.

Les auteurs ont repéré quatre aliments majeurs :

  1.  Le respect.

La reconnaissance du travail est la forme la plus importante du respect manifesté par les managers. Les autres formes de respect sont l’attention prêtée aux idées des collaborateurs, la franchise de la relation avec eux et la civilité élémentaire.

  1. L’encouragement.

L’encouragement donné par un manager compétent et charismatique est un facteur important d’accroissement de la motivation, surtout si le manager sait rendre l’objectif désirable et ses collaborateurs confiants en leur capacité de réaliser.

  1. Le soutien émotionnel.

Reconnaître et partager les émotions des collaborateurs, qu’elles résultent du travail ou de la vie privée, est un facteur important de l’amplification des émotions positives et de la réduction des émotions négatives.

L’empathie est encore plus puissante que la simple reconnaissance pour apaiser un collaborateur et lui permettre de revenir à la tâche à accomplir.

  1. Le sentiment d’appartenance.

La collaboration confiante avec des collègues est la traduction la plus simple de cet aliment et, souvent, un des déterminants de l’engagement, voire de l’envie d’aller au travail. Le manager doit faciliter cette collaboration en expliquant les objectifs poursuivis et en clarifiant le rôle de chacun.

 

On voit que les aliments du cercle vertueux du progrès peuvent être apportés par chaque collaborateur mais que l’acteur principal du processus « catalyseurs + aliments » est le manager.

C’est à lui, principalement, qu’il incombe de créer pour chacun de ses managés et pour ses équipes de travail le cercle vertueux du progrès, d’en stimuler le déroulement et de veiller à son alimentation.

Vision plus pertinente du rôle du manager ou « habillage » nouveau du rôle habituel ?

Disons simplement que la liste des catalyseurs et des aliments ne présente rien qui ne soit déjà connu.

En fait, la nouveauté réside dans la définition de l’objectif principal du rôle du manager.

Au fond, tout manager doit fixer les objectifs à réaliser puis à la fois contrôler et aider ses managés.

On sait qu’aujourd’hui, en général, c’est le système « contrôle-sanction » qui prédomine avec ses habituels effets négatifs sur l’engagement.

TAmabile (Harvard) et S. Kramer préconisent de déplacer le « curseur» en direction de l’aide et de retenir pour objectif principal de réaliser et maintenir le cercle vertueux du progrès pour chaque managé ou pour chaque équipe de travail. Alors l’incertitude croît un peu mais l’engagement au travail croît beaucoup plus.

 

PS : Quelques articles de ce blog pour creuser un peu plus la question,

https://outilspourdiriger.fr/le-bonheur-au-travail/

https://outilspourdiriger.fr/le-climat-qui-rend-heureux-au-travail/

https://outilspourdiriger.fr/motiver-par-la-recompense-ou-par-ladhesion/

https://outilspourdiriger.fr/la-mobilisation-des-collaborateurs/

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A. Uzan. 13/05/2019