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(Source: Mooc Coursera: « Entrepreneurship 3: Growth Strategies », Wharton School (Philadelphie)

 

Cultures et systèmes organisationnels de startups sont des concepts souvent utilisées mais qui restent souvent flous malgré les nombreux travaux de recherche et publications dont ils ont fait l’objet.

On commencera, donc, par préciser le sens de ces concepts de culture et de système organisationnel ainsi que les liens qui les unissent.

Puis, on examinera quelques modèles de culture et de système organisationnel d’entreprises existantes proposés par des chercheurs pour mieux comprendre les modèles de cultures et  systèmes organisationnels retenus ces dernières années par les startups de la Silicon Valley.

 

  1. Les notions de culture et de système organisationnel. 

1.1. La culture

(Voir : https://outilspourdiriger.fr/culture-et-valeur/

https://outilspourdiriger.fr/la-culture-dentreprise/

https://outilspourdiriger.fr/quest-ce-quune-organisation-2-apprentissage-et-culture/)

 

La culture d’une entreprise est définie par un expert américain, E. Schein, comme « un ensemble de croyances de base qu’un groupe de dirigeants a acquis en faisant face aux problèmes d’adaptation externe et d’intégration interne ; ensemble de croyance qu’il considère comme la manière juste de percevoir et de résoudre les problèmes et comme devant être enseignés aux nouveaux collaborateurs ».

Au fond, la culture d’une entreprise, c’est son actuelle boîte à outils de concepts et de principes de gestion, de critères de sélection ou d’évaluation des manières de penser, de ressentir et d’agir.

Les indicateurs « officiels » de la culture de l’entreprise sont principalement les suivants :

-Les valeurs et les normes affichées traduisant les visions de l’entreprise : vision externe (la mission, les objectifs principaux, les méthodes pour réussir, etc.) et vision interne (le type d’organisation retenu, les moyens humains, techniques et informationnels, les règles, normes, procédures de réalisation des tâches, la coordination entre les tâches, les relations avec les acteurs externes, la répartition des pouvoirs et des rôles, le système de sanction et de rémunération, etc.).

-Les symboles valorisés, mythes, héros, rites, etc., rappelant l’histoire de l’entreprise et célébrant périodiquement ses plus grands succès et dirigeants, construisant l’héritage collectif à partager et donnant les plus grands exemples à suivre.

Mais on peut aussi trouver des indicateurs de la culture « officieuse », voire d’une contre-culture, car l’entreprise n’est pas une secte ; les membres peuvent avoir des cultures différentes, ce qui peut être considéré comme un obstacle ou une chance. 

1.2. Le système organisationnel.

(Voir : https://outilspourdiriger.fr/outils-conceptuels-du-dirigeant-2/)

Le système organisationnel de l’entreprise résulte de choix délibérés ou/et d’évolutions incontrôlées concernant les aspects suivants du travail dans l’entreprise :

-La répartition – spécialisation du travail.

L’objectif est d’obtenir que chaque tâche soit assurée par du personnel compétent  et que les regroupements de collaborateurs (départements, services) facilitent la coordination interne au groupe, réduisent les coûts fixes communs, favorise la formation, voire le contrôle, inter-membres. Mais les mises en œuvre peuvent être diverses car elles dépendent de la valeur accordée aux modes de « départementalisation » (par fonction, par produit, par projet, par zone géo, etc. ?) et aux degrés de spécialisation (spécialisation étroite ou polyvalence ?)  

-La coordination des activités.

L’objectif est de faire en sorte que chaque service respecte ses obligations et engagements envers ses clients internes ou externes ; obligations en termes de délai, de qualité, de coût de revient, etc.

La coordination intragroupe et la coordination intergroupe peuvent être assurées de diverses manières (hiérarchie,  groupes d’égaux, degré de centralisation ou de décentralisation, etc.) et les mises en œuvre vont dépendre de la culture du décideur.

-La formalisation des règles du jeu organisationnel.

Elle concerne le degré de définition des activités, des regroupements, des règles, des normes, des procédures de réalisation des tâches, des procédures de coordination, des objectifs à  atteindre, des contrôles, des relations avec les acteurs externes, de la répartition des pouvoirs et des rôles, du système de sanction et de rémunération, etc.

Une formalisation écrite peut être jugée nécessaire pour donner sécurité à l’acteur, prévisibilité aux autres acteurs, clarté en matière de responsabilité, mais un trop grand nombre de règles et de procédures définies peut paralyser la réactivité.

-La motivation, l’engagement, pour l’entreprise.

Elle concerne les moyens d’obtenir que chaque salarié soit principalement motivé par l’intérêt de l’entreprise et non par le sien propre ou celui de son service.

On voit que culture et système organisationnel de l’entreprise sont étroitement liés, la première inspirant la conception du deuxième.

 

Cultures et systèmes organisationnels d’entreprises existantes ont fait les objets de nombreuses typologies. (Voir: https://outilspourdiriger.fr/la-culture-dentreprise/)

Voyons ce que deux de ces typologies nous apprennent pour mieux comprendre la typologie relative aux startups de la Silicon Valley.

 

  1. Deux typologies de modèles de culture et de système organisationnel

La première concerne les modèles de culture et la seconde les modèles organisationnels.

2.1. Les quatre modèles de culture d’entreprise de K. Cameron et R. Quinn.

Les 4 modèles de culture d'entreprise

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : C.Voynnet-Fourboul

 

Ces chercheurs considèrent que les valeurs culturelles principales d’une entreprise s’opposent suivant deux axes :

-l’axe qui oppose le bien-être des personnes (Intérêt interne) à la performance de l‘entreprise ;

-l’axe qui oppose la stabilité-contrôle à la flexibilité-innovation.

Ils définissent alors les quatre modèles de culture d’entreprise suivants :

-La culture du clan qui privilégie le bien-être interne (travail d’équipe, participation et consensus) et la flexibilité pour gérer l’environnement.

-la culture adhocratique (« ad hoc » = ajusté à la situation, au projet) qui se centre principalement sur les problèmes externes et sur la flexibilité (créativité, prise de risque, organigrammes souples, etc.)

-la culture du marché centré sur les problèmes externes mais valorisant la stabilité et le contrôle.

-la culture bureaucratique centré sur les problèmes internes et valorisant le commandement et le contrôle.

Bien sûr, il s’agit de modèles-types et une entreprise peut choisir tel modèle pour tel service ; de plus elle peut faire évoluer sa culture dominante d’un cadran à l’autre.

2.2. Les 5 configurations organisationnelles de H. Mintzberg.

Cet universitaire canadien très connu observe que toute entreprise est composée de 5 types d’acteur et que 5 modes de coordination des activités sont possibles. Sur cette base, il définit 5 configurations organisationnelles, chacune étant caractérisée par la combinaison d’un type d’acteur dominant et d’un mode principal de coordination ;

Les cinq types d’acteurs sont les suivants (voir schéma dans Outils conceptuels du dirigeant d’entreprise (2).

Outils tournés vers l’intérieur de l’entreprise …..)

– la direction générale, l’équipe de direction (« le sommet stratégique »)

– l’ensemble des cadres et agents de maîtrise (« la ligne hiérarchique »)

– les acteurs de la production (« le centre opérationnel »)

– les acteurs des méthodes, ordonnancements, R et D, etc. (« la technostructure »)

– les acteurs support des autres acteurs (« les fonctionnels de support »)

Les cinq modes de coordination sont les suivants 

– la coordination par les ordres directs du responsable à ses subordonnés (supervision directe) ;

– la coordination par la définition des postes ou des procédures (standardisation des tâches) ;

– la coordination par le connu de ce qu’on peut attendre des autres (standardisation des compétences)

– la coordination par le résultat que chacun doit réaliser (standardisation des résultats) ;

– la coordination par ajustement mutuel direct dans un environnement complexe et incertain.

Les 5 configurations organisationnelles sont les suivantes

-la structure simple : l’acteur clé est la direction et le mode principal de coordination les ordres directs. L’exemple type est la petite entreprise.

-la bureaucratie mécaniste : l’acteur principal est la « technostructure » et le mode de coordination principal est la standardisation des tâches. C’est la culture des entreprises industrielles classiques exerçant des activités répétitives.

-la bureaucratie professionnelle : l’acteur clé est alors le « centre opérationnel » et la coordination repose sur la standardisation des compétences. C’est la culture d’entreprises comportant des professionnels hautement qualifiés.

-la forme divisionnaire : l’acteur clé de l’organisation est la « ligne hiérarchique » et la coordination repose sur la standardisation des résultats. C’est la culture des grandes entreprises à activités multiples.

l’adhocratie : les acteurs clés sont le « centre opérationnel » et les « fonctionnels de support » et le mode de coordination est l’ajustement mutuel. C’est la culture des entreprises flexibles situées dans un environnement dynamique.

Ici aussi, i s’agit de modèles « purs », la réalité observable montrant généralement des combinaisons.

 

On voit bien que les facteurs déterminants principaux et liés entre eux sont les suivants :

-l’importance accordée aux membres de l’entreprise;

-les modalités de la coordination et du contrôle de leur activité.

 

  1. Les modèles de culture et d’organisation des startups de la Silicon Valley.

Ci-dessous : Article complet de la California Management Review  et résumé de cet article.

https://cmr.berkeley.edu/assets/documents/sample-articles/2002_44_3_4776.pdf

faculty.umb.edu/silvia_dorado/Classnotes_Organiz…

L’étude, publiée en 2002, a porté sur 175 startups de la Silicon Valley (matériel et logiciels informatique, dispositifs médicaux et biotechnologie, semi-conducteurs, télécommunications et réseaux, etc. ; de cinq ans d’âge et de 75 salariés, en moyenne)

Elle établit que la culture et le système d’organisation des startups ont été choisis sur la base de trois types de critères :

1-Le déterminant de l’attachement et de la fidélité du collaborateur à la startup; ce peut être la rémunération, l’attrait du travail ou l’attrait de la communauté de travail.

2-Les critères de l’embauche ; ce peut être les compétences nécessaires pour le travail, le potentiel de la personne, sa « proximité culturelle » avec l’équipe existante ;

3-Les moyens de coordination et de contrôle : ce peut être la surveillance directe, le « contrôle social » par les pairs, les normes professionnelles, les procédures formelles.

Sur ces bases, l’étude montre que cinq modèles ont été prédominants lors du démarrage de ces startups.

– Le modèle d’ingénierie. (« Engineering Model »=32%.) (On pourrait dire « le modèle de professionnels »)

C’est l’attrait du travail qui fait l’attachement à l’entreprise.

Le recrutement vise les personnes ayant les compétences nécessaires pour accomplir des tâches.

La coordination et le contrôle sont réalisés par le « contrôle social » des pairs

Citation d’un fondateur : « Nous voulions rassembler des équipes de personnes qui sont tournées vers les problèmes difficiles ; créer un environnement avec des personnes axés sur la performance, orientés vers la réalisation, orientés vers  le client, se sentant relativement à l’aise de rejoindre d’autres équipes, habiles en résolution de problèmes interdisciplinaires ».

– Le modèle d’engagement. (« Commitment Model » = 14 %)

C’est l’attrait de la communauté de travail qui fait l’attachement à l’entreprise.

Le recrutement vise les personnes ayant une forte « proximité culturelle » avec l’équipe existante.

La coordination et le contrôle sont réalisés par le « contrôle social » des pairs.

Citation d’un fondateur : « Je voulais créer le type d’entreprise où les gens ne partiraient qu’à la retraite. Je pense que les gens doivent être traités comme des vraies personnes et qu’il faut  prendre soin d’eux comme membre d’une même  famille, même si l’entreprise est plus grande. ». 

Le modèle Star. (« Star Model » =10% du total)

C’est l’attrait du travail qui fait l’attachement à l’entreprise.

Le recrutement vise les personnes à potentiel exceptionnel.

La coordination et le contrôle sont réalisés par le professionnalisme;  il n’y a pas lieu de surveiller ni de dire quoi faire.

Citation d’un fondateur : « Nous recrutons uniquement les meilleurs talents, nous les payons le plus possible et leur donnons les ressources et l’autonomie dont ils peuvent avoir besoin pour leur travail »

– Le modèle bureaucratique. (« Bureaucracy Model » = 6%) 

C’est l’attrait du travail qui fait l’attachement à l’entreprise.

Le recrutement vise les personnes compétentes pour accomplir la tâche courante actuelle.

La coordination et le contrôle sont réalisés par les procédures formelles indiquant quoi faire.

Citations d’un fondateur : « Nous ne sommes pas hiérarchiques mais plutôt orientés vers les procédures, les méthodologies et les systèmes. J’aime vraiment voir que tout le monde dans l’entreprise respecte les procédures plutôt que de faire les choses n’importe comment. Nous ne voulons pas être  hiérarchiques mais il n’est pas bon que tout le monde intervienne dans le travail des autres »

– Le modèle autocratique. (Autocracy Model »=6%)

C’est la rémunération qui fait l’attachement à l’entreprise.

Le recrutement vise les personnes compétentes pour accomplir la tâche courante actuelle ;

La coordination et le contrôle sont assurés par la surveillance directe.

Citations d’un fondateur: « Une chose que nous voulons éviter, c’est le management par consensus. Je pense que cela conduit au ralentissement du développement. Nous avons de bonnes communications autour d’un groupe restreint et compte tenu de nos faibles ressources, nous préférons décider plutôt que de passer beaucoup de temps à être aimables avec tout le monde».

On voit bien que le modèle le plus fréquent est le modèle d’ingénierie (32%) ; que les modèles bureaucratique et autocratique sont très peu pratiqués (6%) et que les modèles hybrides sont minoritaires (32%).

Le tableau ci-dessous souligne la pertinence du modèle selon l’objectif principal poursuivi : innovation (de rupture ou incrémentale) ou performance opératoire (ventes, coûts)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(Source: Coursera: « Entrepreneurship 3: Growth Strategies », Wharton)

Modèle d’ingénierie est considéré comme bon en tout mais rarement le meilleur quelque part ; c’est un bon choix par défaut.

C’est le modèle Star qui est le plus performant en matière d’innovation.

Le modèle d’engagement est le plus performant en matière opératoire car tout le monde pense de la même manière et agit de concert.

Le modèle bureaucratique est performant en matière opératoire et peut réussir en innovation incrémentale.

Concernant la capacité de réussir et de faire faire face aux aléas ; c’est le modèle d’engagement qui a été le plus résilient et le plus performant alors que les modèles hybrides ont été les plus lents.

Il a été aussi observé que les startups tendaient à conserver leur modèle initial et que le changement de modèle augmentait considérablement le taux d’échec.

Au total, les experts de la Wharton recommandent de choisir soit le modèle Star soit le modèle d’engagement.

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A. Uzan. 18/05/2020