La stratégie n’est plus ce qu’elle était car sa construction selon les méthodes de M Porter est devenue nettement moins pertinente sinon « déplacée », en raison des changements des conditions de la concurrence et du comportement du consommateur.
Ce n’est pas le contenu de la stratégie qui tend à changer, car l’entreprise doit toujours :
– se donner une mission conforme à ses buts et valeurs ; définir pourquoi elle existe ;
– se positionner sur les marchés pour tirer parti de ses capacités ; définir son « terrain de jeu » et ce qui l’a fait gagner ou perdre ;
– conduire les actions stratégiques (innovation, acquisition, partenariats, etc.) qui lui sont nécessaires ;
– et trouver la meilleure combinaison entre la mission, les opportunités du marché et les capacités internes.
Ce ne sont pas, non plus, les outils classiques de l’analyse de la situation de l’entreprise ou de la préparation des décisions qui doivent être changés parce qu’ils sont toujours utiles ;
-l’analyse SWOT, l’analyse de la concurrence et l’analyse de l’environnement ;
-le modèle des 5 forces de M. Porter ;
-la détermination des capacités de l’entreprise ;
-le choix du positionnement concurrentiel ;
– la matrice BCG et la courbe d’expérience.
Mais le monde économique a changé et continue de le faire, ce qui impacte la pratique de stratégie.
Aujourd’hui l’activité est devenue mondiale, Internet est devenu très important, le transport de marchandises s’est beaucoup développé et le travail se déplace d’un pays à l’autre.
La concurrence est devenue mondiale. Et les acheteurs ont plus de choix et de canaux de distribution.
La stratégie basée sur les coûts tend à être réservée aux pays nouveaux.
Ce sont donc les capacités internes de comprendre l’environnement externe qui sont les facteurs déterminants.
Voyons quels impacts ces changements ont tendu à introduire dans l’élaboration de la stratégie, en comparant les méthodes préconisées par M. Porter avec celles qui tendent à prévaloir.
- La stratégie du temps de M. Porter
Les préconisations de M. Porter sont les suivantes :
-La stratégie doit résulter d’une démarche rationnelle utilisant les outils adoptés. Elle doit aboutir au compromis entre la mission, les opportunités de marché et les capacités internes, compromis différent de celui des concurrents et qui lui assure un avantage commercial durable parce que non copiable.
-La stratégie doit être formulée avant d’être mise en œuvre. C’est le PDG, assisté de se cadres supérieurs, qui conduit l’élaboration et la mise en œuvre.
-Il n’y a « d’avantage concurrentiel » que s’il n’est pas copiable et donc durable ; ce qui n’est pas le cas de l’efficacité opérationnelle.
-Doivent être réalisé l’ajustement entre les activités internes et les opportunités extérieures car c’est le choix du compromis qui fait la différence.
-Doit être dressé un plan s’action très détaillé avant exécution.
La mise en œuvre doit faire l’objet d’une planification La particularité de la planification stratégique est qu’elle est formelle, qu’elle met davantage l’accent sur les détails, la décomposition et les processus qui peuvent être suivis et même programmés dans un ordre spécifique.
-De nombreuses sociétés de conseil s’étaient engagées dans le domaine de la planification stratégique, nombre d’entre eux développant des approches propriétaires, des processus spécifiques très détaillés qui, selon eux, constituaient la meilleure approche pour créer une stratégie.
-puis la planification stratégique s’est beaucoup concentrée sur les structures budgétaires et les allocations budgétaires qui permettaient la mise en œuvre du plan stratégique.
Donc, la planification stratégique a évolué vers une approche beaucoup plus détaillée et beaucoup plus formelle du type d’élaboration de stratégies que nous voyons dans le SWOT. Elle doit être plus détaillée.
Selon un expert, voici quel doit être le processus de détermination de la stratégie selon Porter :
-d’abord, se fixer des objectifs, si possible en termes numériques ;
-puis, évaluer les conditions externes et internes de l’entreprise (SWOT) ;
-puis évaluez les stratégies possibles sur la base du maximum de mesures quantitatives (série d’indicateurs pour comparer les stratégies alternatives)
-puis élaborer, la planification opérationnelle ; décomposer la stratégie en sous-stratégies et en éléments d’action, à court, moyen et long terme ; établir des budgets et des calendriers pour avoir un plan directeur.
Donc formuler, évaluer, sélectionner et mettre en œuvre une stratégie, mais en suivant des approches formelles, détaillées et propriétaires conçues par des consultants. Une grande partie est exécutée par du personnel d’élite qui a grandi au sein de grandes entreprises. Et ce personnel effectue le travail nécessaire pour préparer les décisions des plus hauts dirigeants de l’entreprise.
Un autre expert qualifie ainsi les « sept péchés capitaux » de la planification stratégique,
– le personnel de planification a pris en charge le processus. Les personnels de planification, ces groupes d’élite corporatifs, faisaient tout et ils étaient les seuls à pouvoir comprendre ce qui se passait. Les managers réguliers n’étaient pas impliqués. Souvent, même les cadres supérieurs n’étaient pas impliqués. Souvent, ils n’étaient impliqués que pour entériner ce que les groupes stratégiques de l’élite du monde des affaires avaient fait.
– le processus programmé a tout dominé. Il n’a plus été question de la situation de l’entreprise ni de ce qu’elle devait faire. C’est devenu une discussion sur la prochaine étape du processus de planification stratégique selon les directives, selon le manuel, selon la façon dont le processus était scénarisé.
-le processus a largement exclu les responsables opérationnels. Il était très clair que les responsables opérationnels se sentaient exclus de ce processus. Ils n’ont pas été consultés par l’élite du personnel des entreprises et, pendant un certain temps, les cadres supérieurs n’ont rien vu de mal à cela.
Mais, finalement, les responsables opérationnels ont réaffirmé leur importance. Après tout, ce sont eux qui effectuent réellement le travail, en première ligne.
-l’accent quantitatif a attiré l’attention sur les fusions, les acquisitions, les cessions, les restructurations, etc. Et cela a entraîné une tension qui a fait disparaître le cœur de métier. Très souvent, ce sont des groupes de stratégie d’entreprise qui contrôlaient tellement le processus, en utilisant un processus que personne d’autre ne pouvait comprendre. Souvent, étaient recommandées des choses telles que des fusions et des acquisitions, et non des modifications de l’activité principale.
-les stratégies étaient souvent choisies par défaut ou par coup de cœur. Au moment où le processus est devenu si complexe, les cadres supérieurs étaient perplexes devant les choix, ou peut-être ont-ils été tellement dépassés par le processus qu’il n’y avait en fait qu’un ou deux choix. Le processus ne s’est donc pas vraiment déroulé comme prévu.
-le processus a négligé les facteurs culturels et organisationnels. Rien n’a été dit au cours du processus sur la manière de mettre en œuvre ce processus très complexe. Le processus a produit des documents qui ne signifiaient rien pour personne au sein de l’entreprise, et il n’est pas surprenant que ces documents ne se soient pas très bien traduits dans la pratique.
-le septième péché mortel, le processus supposait trop de certitude et de connaissance de l’environnement futur. Cela supposait que nous en savions plus sur le monde que nous ne pouvions en savoir, plus que ce que nous pouvions savoir sur l’avenir. De ce fait, les cadres étaient souvent trop rassurés par les chiffres. Les chiffres étaient essentiels, mais ils se sont finalement révélés très peu importants.
2 La stratégie d’aujourd’hui
Contrairement aux préconisations de M. Porter, la stratégie de nos jours préconise d’agir d’abord et de n’élaborer une stratégie qu’après des essais et d’erreurs.
Par ailleurs, les capacités opérationnelles, si elles sont exceptionnelles, peuvent aussi donner un avantage concurrentiel durable.
En fait, c’est la compétence des directions d’entreprise qui fait gagner ou perdre
Dès 1985, Barney, un expert de la Harvard Business School préconise d’appliquer les principes suivants :
-commencer par ce en quoi on est doué plutôt que de savoir quelle est notre votre position actuelle sur un marché ; par ailleurs, ces capacités peuvent ne pas être faciles à réunir ou à imiter et donc être source d’avantage concurrentiel durable.
– investir dans le développement de compétences opérationnelles supplémentaires, avant même de savoir à quoi elles vont servir.
–changer l’ordre des opérations d’élaboration de la stratégie ; contrairement à la logique de M Porter (se donner une fin, trouver une voie puis définir les moyens de réussir) Hayes dit qu’il faut : découvrir ce en quoi on est bons ; voir où on peut aller avec ces capacités et, seulement après, déterminer les positions à atteindre au sein d’un secteur.
Donc, moyens-voie-fins au lieu de fins-voie-moyens.
Pour Porter, le facteur le plus important est la position d’une entreprise dans son environnement externe. Barney affirme que les capacités internes sont des déterminants plus importants des résultats commerciaux, bien plus importants que la position dans l’environnement externe.
Stratégies de diversification
- Porter avait défini trois stratégies génériques :
-La stratégie de domination par les coûts, qui exige de produire aux moindres coûts pour battre les concurrents.
-La stratégie de diversification qui exige de proposer une offre ayant des caractéristiques différentes de celle de la concurrence ; offre plus sophistiquée vendue plus cher (Apple) ou offre moins élaborée vendue moins cher (IKEA).
-La stratégie de focalisation qui exige de se concentrer sur un segment de marché spécifique.
On sait que les entreprises des économies sous-développées tendent aujourd’hui à monopoliser la stratégie de domination par les couts, stratégie qui correspond le mieux à la faiblesse de leurs coûts.
Dès lors les entreprises occidentales tendent à se fonder de plus en plus sur la diversification, comme le montre les expériences de deux champions de la domination par les coûts que sont Walmart et MacDonald’s. Le premier a créé une ligne de vêtements plus haut de gamme et MacDonald’s un café (McCafe) plus raffiné.
Pour les entreprises occidentales d’Europe du Nord il ne suffit plus de créer un produit suffisamment fonctionnel et à un prix raisonnable, il faut mettre aussi en valeur l’aspect incorporel, immatériel comme le fait, par exemple, la publicité pour des produits tels que les voitures.
Les consommateurs n’achètent pas un produit pour sa fonctionnalité ou son prix mais pour le sens que le produit a pour eux ; ils se disent ou disent aux autres quelque chose sur qui ils sont en tant que personne.
La fonctionnalité du produit est, en principe, une condition nécessaire mais c’est ce que l’achat signifie qui est déterminant
Stratégie d’innovation
Dans un monde en évolution rapide, l’idée d’un avantage durable au sens de M Porter est souvent obsolète.
Les dirigeants doivent accepter le fait que tous les avantages s’érodent, probablement de plus en plus rapidement à l’ère moderne.
Ils doivent se concentrer sur l’acquisition et le maintien de capacités permettant développer une succession rapide d’avantages temporaires.
Il vaut mieux rechercher une série interminable d’avantages temporaires que d’essayer d’obtenir un avantage durable. Cette perspective génère des conseils dont le fil conducteur est la vélocité, en percevant les besoins de la partie prenante, en évoluant vers de nouvelles positions concurrentielles, en réorganisant les conditions de concurrence, en modifiant les règles du jeu, etc.
Source : https://www.coursera.org/learn/strategic-management/home/module/1 Copenhagen Business School
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