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(Source principale : FUN.MOOC. « Innover et entreprendre dans un monde numérique ». Institut Mines-Télécom. Paris)

 

Tout entrepreneur ou manager est aujourd’hui condamné à rencontrer le numérique ; pour numériser les processus de fonctionnement de son entreprise, pour faire face à la concurrence d’une entreprise numérique, pour créer une entreprise numérique, etc.

Aussi lui est-il devenu nécessaire de comprendre autant que possible ce monde numérique ; pas nécessairement ses techniques de numérisation mais indubitablement ses impacts sur tout ce qui concerne l’entreprise et l’entreprenariat.

Donner l’essentiel de cette compréhension est l’objectif du Mooc cité comme source ci-dessus, dont les présentations, très claires, fourmillent d’exemples et de références complémentaires.

Invitant le lecteur désireux d’approfondissement à suivre ce Mooc de  Mines-Télécom (gratuit), cet article présente les changements principaux introduits par le numérique dans le monde de l’entreprise et esquisse les axes de la « résistance » à ces impacts.

Chemin faisant, on citera les articles de ce blog qui peuvent compléter la lecture.

 

  1. Innovations et conquêtes des entreprises du numérique.

Le numérique a provoqué une vague d’innovations qui a ouvert une nouvelle période de « destruction créatrice » (Schumpeter). Les techniques numériques ont connu un progrès si rapide qu’elles ont donné naissance à une véritable révolution industrielle, à l’instar de la révolution industrielle du début du 20eme siècle.

La puissance, la miniaturisation et les performances des dispositifs numériques ainsi que la diversité des applications ont explosé et ont été proposés à des prix en baisse. Les smartphones, voitures ou robots auront sans doute, bientôt, la puissance des plus gros supercalculateurs d’aujourd’hui.

Ce développement a résulté d’innovations de rupture (« disruptions » : le laser, l’internet, le micro-processeur, etc.) mais aussi d’innovations progressives (« incrémentales ») facilitant le changement des usages et des productions. (https://outilspourdiriger.fr/linnovation-de-rupture/https://outilspourdiriger.fr/la-fabrique-de-linnovation-2/)

Les ordinateurs portables ont stoppé la course à la capacité de stockage pour donner priorité à la légèreté, la compacité, la mobilité, etc. L’iPhone a fait oublier le critère de l’autonomie de la batterie par l’écran tactile, etc.

C’est le principe de l’innovation de rupture ou « disruption » ; le produit nouveau propose des  attributs nouveaux ou un mix nouveau d’attributs anciens pour correspondre à une mutation des usages, mutation prévue ou qu’on vise à « imposer » progressivement.

Et le numérique facilite les disruptions pour les raisons suivantes:

-la dématérialisation des produits et services facilite la diversité et la personnalisation des offres et dispense du déplacement.

l’acceptation de la nouveauté est facilitée par la possibilité d’essayer, de tester avant d’acheter et ce souvent gratuitement et chez soi.

-la diffusion des innovations est facilitée par la prescription d’égaux, par les recommandations au sein des réseaux sociaux et le seuil critique d’adoption d’une innovation est plus vite atteint.

Aussi, les entreprises du numérique ont-elles conquit des secteurs d’activité très rapidement sous l’effet des facteurs suivants :

-Créer une start-up a été et reste plus facile et moins coûteux dans le monde du numérique que dans les autres mondes industriels.

-Le niveau de protection des entreprises s’est affaibli avec le développement de l’importance de l’audience sur internet.

-Le monde numérique bénéficie plus que d’autres d’un effet spécial,  l’effet de réseau.

(https://outilspourdiriger.fr/effet-et-industries-de-reseau/)

Cet effet concerne l’utilité qu’un prospect peut trouver à un produit. On sait que cette utilité dépend de facteurs divers mais pour certains types de produits, l’utilité et, par suite, la demande du produit, croissent surtout avec le nombre d’utilisateurs de ce produit ou de produits complémentaires. C’est ainsi que l’utilité pour chacun d’un réseau social croit avec le nombre d’utilisateurs.

– conquérir les clients d’un type d’usage donne aujourd’hui la capacité le leadership sur tous les acteurs contribuant à la satisfaction de cet usage, comme on peut le voir, par exemple, dans les domaines de la mobilité ou de la réservation d’hébergement

 

  1. Les Impacts principaux du numérique sur l’entreprise.

On retiendra six impacts principaux.

2.1. Il s’est ouvert des domaines d’activité qui paraissent infinis.

Le numérique a ouvert et continue d’ouvrir des possibilités inédites de création et de lancement de nouveaux produits, les domaines à « numériser »  et les marchés à conquérir paraissant infinis :

-domaines nouveaux, tels que la mobilité partagée, la maison automatisée, la santé connectée, le marché du bien-être personnel, la réalité virtuelle, etc. ;

-entreprises  existantes ayant un besoin urgent de numériser leurs processus de fonctionnement et de connecter leurs produits entre eux ou avec ceux d’autres offreurs.

2.2. Il a bouleversé les données de la concurrence.

Le numérique a largement bouleversé la concurrence entre produits et entre entreprises.

C’est la compatibilité, la connexion entre composants ou entre produits complémentaires qui compte maintenant. Et le numérique est la source principale des interfaces, « propriétaires » ou standards,  nécessaires à ces connections.

La concurrence ne se fait plus entre les seuls produits ; elle tend à se faire entre gammes connectées de produits, ouvrant de très larges perspectives au numérique.  Il est désormais admis qu’un produit ne peut réussir sans services associés ni produits complémentaires.

Pour les entreprises du numérique, les barrières à l’entrée sont faibles,  les coûts de développement réduits, les possibilités de tester et de mettre au point nombreuses et il est désormais admis que le développement ne peut plus reposer sur le lancement d’un seul produit mais sur un processus d’innovation continu, chaque lancement devant être vu comme un tremplin pour l’innovation suivante.

2.3. Il a modifié de nombreux usages dont celui de la propriété.

La modification la plus récente des usages et celle de l’usage de la propriété.

La propriété d’un bien se perçoit de moins en moins comme exclusive de tout partage, sans parler des copieurs pirates qui la considèrent comme « périmée».

C’est particulièrement vrai pour les biens durables et les biens immatériels.

Les biens durables, tels que les véhicules, les biens électro-ménagers, les équipements sportifs personnels, les logements, peuvent rester plus ou moins longtemps sous-utilisés. Le numérique tend ces derniers temps à favoriser le partage de l’usage de ce types de biens par des plates-formes de médiation entre parties prenantes.

Concernant les biens immatériels, tels que la musique, les jeux, la vidéo, le logiciel, la littérature, les créations diverses, le numérique a si largement faciliter leur diffusion et leur piratage qu’il devient urgent de mieux protéger la propriété.

2.4. Il a introduit la gratuité dans les échanges et la pratique de la stratégie de la « longue traîne ».

De nombreuses entreprises numériques proposent tous leurs services gratuitement au grand public et se rémunèrent, ou peuvent se rémunérer, sur les annonceurs publicitaires.

D’autres fournissent gratuitement à leur fournisseurs ou « complémenteurs » des sous-produits dont la diffusion fait mieux vendre leur produit principal ; ce qui est le cas de Intel avec son USB.

Le modèle « freemium » permet d’offrir la gratuite à tout nouvel arrivant puis de faire payer des services plus élaborés à certains d’entre eux.

La vente en ligne a révélé la pertinence de la stratégie de la « longue traîne », stratégie consistant à maximiser son chiffre d’affaire en vendant une grande diversité de produits dont beaucoup en petite quantité. (https://outilspourdiriger.fr/commerce-en-ligne-ou-en-dur/)

2.5. Il a promu sinon créer la libre coopération et des formes nouvelles de collaboration.

Avec l’aide des pouvoirs publics, le secteur du numérique a développé un fort degré de coopération et des modes originaux de collaboration.

S’inspirant de la culture numérique « open source », de nombreux espaces (pépinières, fabLabs, espaces de coworking, Espaces Publics Numériques,  Techshop, etc.) facilitent les rencontres, les échanges d’idées et de compétences mais aussi les possibilités de réaliser des prototypes, voire de fabriquer  des produits de gabarit industriel.

La conception est facilitée par le «  crowdsourcing », le financement par le « crowdfunding » et la promotion par les réseaux sociaux.

2.6. Il a modifié les manières de concevoir et de financer la création d’entreprise.

-L’idée de l’entreprise à créer n’est plus attendue de l’éclair du génie ; elle peut même se fonder sur la copie intelligente.  Dans tous les cas, elle est soumise à l’avis d’autres personnes et experts, le plus souvent dans des organismes ad hoc (pépinière etc.) et les plus grands succès ont résulté de réajustements de l’idée initiale, voire de la co-création avec des clients.

Il devient banal de mettre en œuvre la stratégie suivante du « Lean startup » : partir de la résolution du problème d’une niche de clients, commencer petit et faire simple pour faciliter la vente et la construction de ses références avant d’entamer la croissance.

(https://outilspourdiriger.fr/le-lean-start-up/).

Obtenir le financement nécessaire exige de s’adapter aux besoins des financeurs et ces derniers ne se contentent plus des promesses  et des argumentaires du business plan ; ils ont besoin de voir des prototypes et qu’on leur fasse vivre une première expérience client.

 

  1. La « résistance » au numérique.

Un bouleversement aussi considérable et aussi destiné à s’amplifier et s’approfondir,  avec les robots, l’intelligence artificielle, etc. a provoqué d’incontestables effets bénéfiques économiques et sociaux mais n’a pas manqué de provoquer des inquiétudes et des résistances, en particulier chez les entreprises du non numérique, les particuliers et …certains intellectuels.

La « résistance » de développe en particulier sur les axes suivants :

-contre les risques de domination majeure des grandes entreprises du numérique ; sur les standards techniques, sur la « monopolisation » de certaines activités, sur la collecte des données personnelles, etc. ;

-contre la concurrence jugée « déloyale» exercée par les entreprises du numérique sur les entreprises en place, concernant le changement les usages en matière de mobilité, location, rencontre, information,  formation, etc. ;

-contre l’exploitation commerciale des données personnelles ;

-contre le remplacement du travail et de la relation humaine par des processus automatiques ou des robots  et « l’Uberisation » qui provoque l’apparition de nombreux travailleurs indépendants isolés et dépendants en fait.

-contre les risques médicaux et les risques de dépendance liés aux appareils numériques.

-contre la fragilité des systèmes numériques face au piratage ou « attaques numériques ».

La critique la plus radicale mais aussi la plus discutable est portée par un courant de pensée (Voir E. Sadin) qui dénonce l’expansion du « techno-libéralisme »  et la déshumanisation qu’elle tend à générer.

Le recours au numériques dans tous les rouages de l’entreprise et de l’existence humaine produit   des êtres qui se sentent « maîtres tout-puissants de leur vie », ce qui est illusoire, alors qu’ils perdent une partie de leur humanité : leur pouvoir de décision, leurs capacités créatrices et leur faillibilité.

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A. Uzan. 20/02/2018