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L’entreprise agile n’a, à ce jour, fait l’objet d’aucune définition faisant consensus mais l’adjonction de l’adjectif agile à l’entreprise ne laisse aucun doute sur le sens à lui donner ; Il s’agit de, sinon de briser, les « rigidités » propres au modèle de management hiérarchique traditionnel devenu inadapté au monde économique d’aujourd’hui.

Les modèles d’affaire traditionnels ont été conçus à une époque où les grandes stratégies de compétitivité étaient principalement fondées sur la course à la taille et sur la spécialisation des fonctions. Parfois, on a pu penser que le management s’inspirait du modèle de la machine et cherchait à rendre les employés aussi prévisibles et contrôlables que les biens d’équipement dont ils se servaient. Souvent on a pu penser que le client pouvait être, également, contrôlable ; que la taille était la condition de l’innovation et la protection totale contre les innovateurs ; que l’équipe de direction était seule à pouvoir valablement savoir, prévoir et décider ; que le contrôle et la sanction étaient les meilleures armes pour assurer la mise en œuvre des décisions.

Aujourd’hui ces modèles s’avèrent trop lourds, trop rigides et trop lents pour faire face aux exigences des clients et des employés et à la vitesse d’arrivée sur le marché de nouveaux acteurs innovateurs.

Ce sont d’autres méthodes d’organisation et de travail qui doivent prévaloir ; celles que les professionnels du développement du logiciel ont appliquées, qui se sont avérées très efficaces et qu’on a dénommées « méthodes agiles » ; celles qui ont inspiré le système d’organisation et de travail des GAFAM.

 

Commençons par repérer les principes fondateurs qui inspirent les entreprises agiles. Nous présenterons ensuite les caractéristiques qu’Accenture considère comme nécessaire pour devenir agile. Nous verrons, enfin, que toute transformation implique de revoir d’abord ses modèles mentaux.

 

  1. Les principes fondateurs des entreprises agiles.

Les méthodes de ces entreprises reposent sur les principes fondateurs suivants :

(Source principale : P. Fornalik ; https://www.ekilium.fr/blog-coaching/entreprises-liberees-et-agilite-organisations/entreprises-agiles-ou-liberee-quels-sont-les-concepts-majeurs/ )

Affirmer que la satisfaction du client, le bien être des employés et le respect des autres parties prenantes (réseau de partenaires, environnement, etc.) constituent la raison d’être de l’entreprise et, ainsi, donner du sens et de l’engagement au travail des employés, à l’achat des clients et à la collaboration des autres parties prenantes.

Réduire les signes manifestant la hiérarchie, voire supprimer tout signe ostentatoire de pouvoir, et développer les valeurs d’appartenance, de respect, de coopération, etc.

Réduire l’importance des ordres et du contrôle et développer la confiance, la formation, l’auto-organisation et l’auto-contrôle des équipes de travail, la responsabilité collective.

Réduire les relations hiérarchiques classiques et développer les relations de réseau.

Remplacer l’organisation des équipes en « silos » par une organisation en réseau.

Réduire la prévision formelle et se préparer à s’adapter à l’imprévu.

Réduire la tendance à la préparation longue et coûteuse de la « grande innovation » pour se consacrer à un effort continu d’innovation par expérimentation.

Un universitaire australien propose dans https://www.forbes.fr/management/la-methode-agile-expliquee-a-mon-patron/ une formule qui résume tous ces principes en un seul = s’inspirer des sports d’équipe pour organiser le travail.

En football ou en basket, par exemple, le « Coach » entraine, définit la stratégie et la tactique en accord avec les joueurs, éventement « corrige » la stratégie ou les joueurs lors des temps morts ; mais ce sont les joueurs qui jouent, qui sont sur le terrain, qui tiennent leur rôle spécifique (défenseurs, mieux de terrain, attaquants, etc.) mais aussi et surtout qui contribuent aux attaques ou défenses collectives et se sentent responsable du résultat de l’équipe.

 

  1. L’entreprise agile selon Accenture

(Sources : https://www.accenture.com/fr-fr/insights/strategy/move-fast-thrive)

https://www.accenture.com/_acnmedia/PDF-105/Accenture-Strategy-Move-Fast-to-Thrive-POV-2019.pdf#zoom=50

L’entreprise doit aujourd’hui devenir agile, en intégrant cinq caractéristiques nouvelles à son modèle d’affaire pour devenir :  humaine, ouverte et plastique, renforcée par l’informatique, flexiblemodulaire (Human – Liquid -. Enhanced – Living – Modular.).

2.1. Donner priorité aux valeurs et intérêts des employés et des consommateurs. (« Human »)

Instaurer une raison d’être et une culture qui privilégient l’authenticité et l’apprentissage (et non la seule recherche du profit) afin d’entrainer l’adhésion et l’engagement des employés et des clients et au moins des meilleurs d’entre eux.

Le plus grand nombre d’employés et de prospects doit faire siens la raison d’être et la culture définie et avoir envie de contribuer à la réussite de l’entreprise. Et on sait que ce peut être aussi le cas de clients s’ils estiment l’entreprise.  

Cette condition est la fondation des autres caractéristiques à intégrer dans le modèle d’affaire : la plasticité, l’utilisation de l’informatique, la flexibilité, la modularité.

2.2. Devenir ouverte et plastique (« Liquid »)

Les modèles d’affaire d’hier consistaient à construire des « murs » pour protéger les savoir-faire secrets de l’entreprise et aussi des « ilots » pour spécialiser et protéger les services. L’hypothèse admise était que l’avantage concurrentiel était exclusivement créé par l’intérieur, par les ressources et organisations internes. Aujourd’hui, on pense que l’avantage concurrentiel provient aussi des partenariats établis avec l’extérieur (fournisseurs, groupements d’entreprises, centre de recherche, clients, réseaux sociaux, etc.).

L’entreprise agile doit donc être ouverte sur l’extérieur et plastique pour s’adapter aux opportunités ou aux changements extérieurs ; elle doit aussi être flexible en ce qui concerne les tâches de ses employés jusqu’à admettre les missions passagères et l’intra-entreprenariat. 

2.3. Se renforcer, « s’augmenter », par l’informatique (« Enhanced »)

(La réalité augmentée combine le monde réel et les éléments numériques en temps réel ; elle offre des possibilités d’interaction en temps réel.)

Réaliser cette caractéristique, c’est réaliser la synergie entre les employés, les machines et les moyens informatiques. C’est doter les employés des assistants informatiques pertinents, automatiser les activités répétitives et mettre en place des systèmes informatiques capables de transformer les processus opérationnels linéaires de base en processus adaptables aux besoins (par exemple une ligne d’assemblage modifiables selon les besoins et les urgences), pour réaliser des produits personnalisés.

2.4. Devenir flexible (« Living »)

Rendre plus flexibles les structures et l’organisation du travail pour mieux s’adapter au marché.

Créer des équipes des travail autonomes et agiles (plus proches d’un organisme vivant que d’une organisation) ; équipes qui privilégient l’amélioration continue plutôt que la perfection longuement recherchée et remettent constamment en cause le statu quo pour agir beaucoup plus rapidement.

Il ne s’agit pas d’instaurer l’autogestion généralisée. La direction et la discipline restent décisives pour orienter et faire respecter l’orientation retenue mais la mise en œuvre est réalisée par les équipes autonomes et responsables et, de ce fait, sans doute plus engagées et productives, selon le modèle de l’équipe sportive cité ci-dessus.

2.5. Devenir modulaire (« Modular »)

Les organisations modulaires créent des unités indépendantes (business units) mais flexibles, qui peuvent se connectées et se séparer selon les besoins internes ou externes.

Elles peuvent ainsi coopérer au sein de la même entreprise afin de répondre plus rapidement aux clients ; elles peuvent aussi nouer des partenariats, plus vite et plus efficacement, au sein de leur écosystème externe élargi.

 

2.6. Les avantages de l’adoption de ces cinq caractéristiques.

Accenture les résume dans le schéma récapitulatif suivant, dont voici la traduction :

 

 

 

 

 

 

 

HUMAN : -Accroit la motivation des employés -Centre l’entreprise sur la performance -Centre d’avantage l’entreprise sur la clientèle.

LIQUID : Optimise l’utilisation des ressources -Permet de trouver le bon talent pour le job – Améliore l’offre aux clients.

ENHANCED : Améliore la prise de décision -Libère les hommes du travail non choisi – Accélère l’acquisition de la compétence.

LIVING : Accélère la mise sur le marché et la réactivité au marché – Réduit la complexité – Maximise le talent.

MODULAR :  Perturbe plus rapidement les concurrents -Soutient plusieurs modèles d’affaire – Gagne en efficacité et en flexibilité.

 

  1. Devenir une entreprise agile.

Ces nouveaux principes d’organisation et de management ne signifier pas en finir avec la hiérarchie mais instaurer une nouvelle façon de diriger et de gérer l’entreprise :

-passer du système descendant « décision-ordre-contrôle » à un système faisant une place nettement plus grande à l’autonomisation individuelle et d’équipes guidée par le but et les données du terrain ;

-réduire, sinon briser, les structures rigides qui mettent l’accent sur le territoire et le contrôle pour faciliter la flexibilité et la modularité ;

– etc. (voir les principes fondateurs ci-dessus)

Personne ne pense qu’une telle transformation puisse s’obtenir d’un coup de baguette magique.

Il faut d’abord que la direction de l’entreprise juge sincèrement souhaitable et/ou nécessaire d’aller dans cette direction et de se donner cette transformation comme objectif à atteindre progressivement. Puis viendra le temps de la préparation des objectifs, des personnes et des mises en œuvre ; le temps des transitions, des expérimentations, etc. ; bref, le parcours d’un itinéraire propre à l’entreprise concernée.

Pour se transformer, nous disent B. Rousset et P. Silberzahn, l’entreprise doit commencer par revoir ses modèles mentaux (https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2019/06/26369-pour-se-transformer-lentreprise-doit-commencer-par-revoir-ses-schemas-mentaux/)

Ce besoin de transformation, d’agilité, est actuellement ressenti par les dirigeants face à un monde qui change à l’extérieur de l’entreprise comme à l’intérieur mais il est difficile d’abandonner l’organisation et le management traditionnels ainsi que les modèles mentaux qui continuent de fonctionner aujourd’hui, pour se lancer vers ce qui peut être jugé comme une « aventure ».

Les modèles mentaux, ce sont les ensembles des croyances partagées que les dirigeants de l’entreprise ont construit sur l’entreprise et le monde qui l’entoure : sur les produits à réaliser, les marchés et clients à conquérir, les concurrents à combattre, les stratégies, organisations et modes de management à mettre en œuvre. C’est ce qu’on pourrait appeler aussi la culture de l’entreprise.

On sait que les innovateurs qui réussissent introduisent des modèles mentaux différents et, souvent, contraignent les autres entreprises à changer peu ou prou les leurs.

Dans le domaine de la transformation, le modèle mental des dirigeants est à la fois le problème invisible et la solution :

-le problème invisible, parce que rarement explicité et source de rigidités qui peuvent condamner au déclin ;

-mais aussi la solution, car il conditionne la préparation et la mise en œuvre du changement salutaire.

C’est pourquoi les auteurs proposent d’adopter une approche en trois phases appelée META :

-partir de ses modèles mentaux (M) pour les rendre explicites et les exposer (E) ;

tester (T), évaluer ces modèles pour déterminer leur pertinence en cours et future ;

ajuster (A) ou changer ses modèles pour s’adapter à son environnement.

 

PS : sur le modèle mental, voir : https://outilspourdiriger.fr/le-modele-mental-un-concept-nouveau/)

semaine prochaine :  L’entreprise agile selon Deloitte

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A. Uzan. 4/10/2020