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Le modèle mental : un concept nouveau

(Source principale : https://philippesilberzahn.com/ Prof. EM Lyon et chercheur à l’Ecole Polytechnique)

Le modèle mental est un concept nouveau en France, proposé par P. Silberzhan au dirigeant et manager d’entreprise comme outil d’analyse et d’action dans sa relation avec un collaborateur comme dans la conduite de l’entreprise, en particulier lors des changements.

Le modèle mental d’une personne, c’est sa manière d’interpréter les situations qui le concernent et de choisir ses moyens d’actions et on pourra parler d’un modèle mental « collectif » si ce modèle est partagé, pour l’essentiel, par un ensemble de personnes.

On voit qu’il ne s’agit pas de « modèle identitaire » qui concerne la prise par une personne d’une autre personne comme modèle à imiter. La notion est plutôt similaire de celle de « modèle d’affaire » qui décrit la manière dont une entreprise choisit de créer de la valeur et de capturer un profit.

Il s’agit donc de ce qui détermine le comportement d’une personne ou d’un groupe, c’est-à-dire, les valeurs qui guident la « lectures » des situations et le choix des actions. Il s’agit de ce qui détermine les sentiments de satisfaction ou d’insatisfaction, d’adhésion ou de rejet, voire de révolte, face aux situations vécues ou aux actions des autres, c’est-à-dire de « consonance ou de dissonance cognitive » selon que la personne perçoit que le comportement qu’on lui propose ou lui impose de tenir est en accord ou en contradiction avec ses idées ou croyances.

On voit que le domaine couvert par le concept n’est ni nouveau pour le dirigeant et le manager ni absent de leurs analyses habituelles mais, comme la notion de modèle d’affaire, la notion de modèle mental présente un caractère synthétique qui oblige à penser en termes de modèle complexe, c’est-à-dire d’ensembles d’éléments inter reliés comportant des déterminants et des résultats, etc.

Il est sûr que l’outil est utile, voire indispensable, au dirigeant et au manager dans sa relation avec les collaborateurs et davantage encore dans la conduite du changement. Voyons comment dans l’un et l’autre cas.

 

  1. Le modèle mental dans la relation manager-salarié.

L’attitude envers l’autre ou le groupe d’autres est révélatrice de notre modèle mental ; elle indique ce que croyons savoir de l’autre (composant cognitif), ce que nous ressentons envers l’autre (composant affectif), ce que nous avons l’intention de faire pour ou contre l’autre (composant conatif).

Il se peut que cette attitude soit improvisée et exceptionnelle mais le plus souvent elle est stable et permanente, forgée par l’expérience ou par l’imitation d’un modèle identitaire ou par l’adhésion à une idéologie, et elle est susceptible de changer sous l’influence des mêmes facteurs.

Ainsi on peut observer dans l’entreprise plusieurs types de modèle mental : chez les employés, chez les managers et chez les dirigeants.

1.1. Concernant les employés, on connaît certains types de modèle social :

-le modèle social du salarié « anticapitaliste » qui se considère comme « exploité » par l’entreprise, qui considère son manager comme un « laquais » de la direction, qui fera du prosélytisme pour son idéologie et qui cherchera à réaliser le minimum de travail le protégeant du renvoi ;

-le modèle social du salarié ambitieux qui cherchera à être performant pour se faire remarquer et choisir pour une promotion ou une meilleure rémunération ;

-le modèle social du salarié guidé par le seul désir de réaliser ses projets et tirant satisfaction de ses réalisations ;

-le modèle social, apparaissant ces temps-ci, du salarié qui cherche un nouvel équilibre entre travail et vie personnelle allant jusqu’à refuser de prendre des responsabilités de manager ;

-etc…

Il est clair que chaque modèle (ou attitude) tend à déterminer un type de comportement particulier et que la plus grande erreur d’un manager serait de ne tenir aucun compte de ces différences.

1.2. Concernant les managers, on sait que de nombreuses attitudes sont observables, en particulier face à un employé qui ne réalise pas ce qui est attendu de lui, attitudes révélant autant de modèles mentaux.

L’attitude d’évaluation ou de jugement (« Vous avez raison / tort d’avoir fait X ou de penser Y»)

Le manager juge immédiatement, selon son modèle de valeur supposé « supérieur », sans prendre le temps de mieux comprendre, provoquant des sentiments négatifs chez l’employé (‘incompréhension, injustice etc.)

-L’attitude d’interprétation. (« Si vous avez fait X ou pensé Y, c’est parce que … »)

Le manager explique la situation d’après ses propres connaissances, ressentis, valeurs, etc… sans vérifier la pertinence de l’interprétation, provoquant chez l’employé le sentiment d’être incompris, etc.

-L’attitude de soutien. (« Ce n’est pas grave, je vais vous aider, etc. »)

Le manager minimise le problème, l’importance des difficultés, instituant l’employé comme assisté.

-L’attitude de décision. (« Il n’y a qu’à faire X, voilà ce qu’il faut faire, etc. »)

Le manager s’institue en décideur renforçant la différence de statut et la dépendance du collaborateur.

-L’attitude d’enquête (« pourquoi, comment, combien, à qui la faute ? »)

Le manager s’institue enquêteur mais pour vérifier ses propres intuitions ou hypothèses, donnant à l’employé le sentiment de subir un enquête « à charge ».

 

Toutes ces attitudes tendent à révéler le type de modèle mental suivant : le manager sait tout et mieux que l’employé ; il lui est inutile de perdre du temps à écouter l’employé pour comprendre ses difficultés ; la raison de ces dernières, c’est son ignorance, etc. et jamais la faute du manager ou de l’organisation, etc.

On comprend les sentiments négatifs que ce type d’attitude provoque chez l’employé ; et on pressent les sentiments positifs qu’on peut déclencher avec l’attitude suivante.

-L’attitude de compréhension (« si je vous entends bien, vous pensez que… est-ce bien cela ? »)

Le manager montre à l’employé qu’il cherche à le comprendre et à l’aider à voir plus clair par la reformulation. L’empathie et l’écoute active met l’employé en confiance et l’incite à présenter le problème sans réticence ni crainte.

C’est le modèle mental du manager qui veux comprendre les problèmes que rencontrent ses employés pour en éviter l’aggravation et les effets induits dans l’entreprise ; qui veut que ses employés ne cherchent pas à cacher les problèmes mais qu’ils les exposent en confiance et repartent avec le sentiment d’être capables de les résoudre.

(Voir https://outilspourdiriger.fr/lattitude-du-dirigeant-avec-le-dirige/ )

1.3. Concernant les dirigeants.

On ne rentre ni ne reste dans une entreprise sans un degré minimum d’acceptation de ses buts, de ses méthodes de travail, de son systèmes de récompenses – punitions. Cette adhésion au projet de la direction peut être totale pour certains, rejetée par principe pour d’autres, mais, pour la plupart, elle est et reste partielle et dépendante du lien que chacun perçoit entre ce qu’il donne à l’entreprise et ce qu’il peut espérer en recevoir, entre ses valeurs et celles retenues par l’entreprise.

Accroître les adhésions au projet de l’entreprise exige du dirigeant un modèle mental très éloigné du « caporalisme » et respectant les principes suivants :

La vision de la direction doit être claire et fondée.

Pour un employé, comprendre les enjeux de son entreprise et les fondements des choix stratégiques est indispensable, à la fois, à la réalisation de son travail, au sens à donner à son travail et à sa décision d’adhésion. L’ambition doit être expliquée, être exigeante mais porteuse d’espérances, constituer un pari qu’on peut espérer gagner par son travail.

Les employés doivent être des acteurs actifs de l’adaptation de cette vision aux changements de l’environnement.

Les employés connaissent mieux que quiconque les facteurs de dysfonctionnement interne et les facteurs d’insatisfaction des clients et d’autre part ils sont membres de groupes extérieurs divers. Ils représentent donc un ensemble d’observateurs et d’émetteurs de suggestions précieux.

-La direction doit donner l’exemple et créer le climat social adéquat

Une direction ne peut être considérée comme digne de respect, de confiance et d’adhésion que si elle montre sa compétence, sa loyauté aux seuls intérêts de l’entreprise, sa confiance en ses collaborateurs, son désir d’écouter et de soutenir l’action de chacun, son respect de l’équité, etc.

Un chercheur spécialiste, J. Collins, a montré que le bon dirigeant montre deux qualités : une véritable humilité et une farouche volonté de faire réussir l’entreprise.

Le climat social doit donner à chaque employé la sécurité psychologique et professionnelle nécessaire pour agir et développer le sentiment d’appartenance à l’entreprise.

Bref, c’est la façon de traiter ses employés qui détermine leur engagement, leur investissement dans le travail, leur fierté d’appartenir à l’entreprise, leur détermination à la défendre et la faire réussir.

Un tel engagement ne se décrète pas ni ne s’achète.

(Voir https://outilspourdiriger.fr/partager-sa-vision-avec-ses-collaborateurs/     https://outilspourdiriger.fr/la-mobilisation-des-collaborateurs/ )

 

  1. Le modèle mental dans la transformation de l’entreprise.

2.1. Le modèle mental du dirigeant acteur du changement.

Comme l’explique très bien P. Silberzhan dans ses articles, une entreprise est une collection de modèles mentaux individuels et collectifs, certains « vivants » (consciemment exercés) et d’autres «inconscients » (traduits dans des processus formalisés ou des valeurs dominantes) et la difficulté de la transformation tient au fait que les modèles mentaux les plus coriaces sont aussi les plus invisibles.

Au début de l’existence de l’entreprise, c’est le modèle mental des fondateurs qui prédomine, modèle testé et adapté par les fondateurs aux conditions du succès.

Puis, la croissance venant, les valeurs et les méthodes retenues de résolution des problèmes sont formalisées dans des processus explicites facilitant la tâche et le comportement d’employés plus nombreux et plus éloignés de la direction.

Puis, peu à peu, prédominent les processus implicites, les principes d’actions et les valeurs résultant des succès de l’entreprise, largement partagés par les employés et constituant la culture de l’entreprise.

Et on sait que plus est grande l’adhésion à la culture commune, plus l’entreprise est efficace.

C’est à ce dernier stade de développement de l’entreprise que le changement est le plus difficile mais, souvent, le plus nécessaire car les processus et valeurs pertinents pour un environnement ne le sont pas, généralement, pour un autre.

S’il apparaît une innovation de rupture, le danger est perçu mais la transformation tarde à se produire parce qu’il est difficile de remettre en question une culture qui a produit le succès et parfois le leadership d’une industrie, qui continue de générer des résultats et surtout qui est présente et considérée comme précieuse par la plupart des employés.

Le danger est grand pour l’entreprise qui tarde trop à s’adapter aux changements de son environnement.

La direction doit concevoir une esquisse de nouveau modèle mental et, si possible, le tester en créant une entité nouvelle ; mais il lui faudra bien, top ou tard, le faire adopter par le plus grand nombre de ses salariés.

On sait que pour changer il nous faut trouver la situation future nouvelle plus attractive que l’actuelle.

Plus précisément, et attitude « idéologique » mise à part, on tend à considérer le changement de façon positive ou négative selon le jugement qu’on porte, en particulier, sur les points suivants :

– la désirabilité du changement (désirabilité « en soi » ou d’après son potentiel de « bénéfices-pertes » de tous ordres)

– sa propre capacité à réussir (son espérance de réussir le changement dans les délais impartis) ;

– son espérance de bénéficier d’un bon climat social (trouver l’aide dont on peut avoir besoin ; avoir une évaluation compréhensive et non répressive de ses résultats ; bénéficier d’un partage équitable des résultats).

C’est à la direction de construire le projet de changement conforme à sa vision de l’état futur désiré de l’entreprise et de le promouvoir aux yeux de tous, en précisant comment le projet :

-va satisfaire les intérêts de l’entreprise et ceux de chacun de ses collaborateurs (rôle de « prophète ») ;

-va apporter à chacun l’aide nécessaire à la mise en œuvre (rôle « d’instituteur ») ;

-va éviter à l’entreprise et à chaque collaborateur les risques de la « faillite » (rôle de « gendarme ») ;

Mais il est normal et légitime que les collaborateurs adhèrent d’autant moins que le projet est distant de leur conception de leurs intérêts ou des intérêts de l’entreprise. C’est ce qu’on a longtemps appelé la « résistance au changement » mais qui est une réaction tout à fait normale et fondée.

Aussi, cette « résistance » doit- elle être considérée non pas comme un refus du nécessaire mais comme un désir et une source d’amélioration du projet ; comme une source d’indicateurs des incertitudes, craintes, voire colère, des employés.

On doit admettre que le changement ne peut s’instaurer que progressivement et par des efforts permanents d’explication et de correction des imprévus négatifs susceptibles de mettre le plan en échec.

2.2. Le modèle mental du manager acteur du changement

Piloter le changement est devenue une dimension majeure de la fonction de manager ; c’est lui qui introduit le projet de changement dans son équipe, qui en pilote la mise œuvre et qui veille à son ancrage dans la pratique quotidienne. Son implication, son exemplarité et sa capacité de leadership sont les conditions du succès.

C’est au manager de présenter le projet à son équipe, de le justifier, de repérer les résistances et de rechercher la plus grande adhésion ; éventuellement de collecter et de faire remonter des suggestions.

C’est à lui de faire apparaître la désirabilité du futur visé, d’apaiser les craintes d’échouer, de rassurer sur l’évaluation des hommes et le partage des « récompenses », lors de ses messages à tous ou lors des ateliers participatifs.

C’est lui qui doit surveiller constamment les résultats de son service et les facteurs déterminants que sont les degrés d’information, de compréhension, d’adhésion et de participation.

Transformer le changement en « routine » demande du temps, des essais et erreurs, des réunions de mise au point, de la formation et de l’accompagnement, éventuellement des sanctions, etc.

Et personne d’autre que le manager ne peut être mieux placé pour observer et intervenir.

 

En fait, et comme on l’a vu plus haut, l’engagement dans la réalisation du changement, ne peut s’obtenir que par l’inclusion des employés dès le processus de conception, ce qui permet de résoudre le double problème de l’acceptation du plan et de l’ajustement de sa mise en œuvre dans le temps.

Et on sait qu’un tel engagement ne se décrète pas ni ne s’achète

(Voir : https://outilspourdiriger.fr/faire-adopter-le-changement/ 1 et 2)

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A. Uzan. 20/10/2019