outils pour diriger

Comprendre pour agir

Pour conforter ou enrichir votre boite à outils avec :

André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

La créativité : une motivation, un microscope et un périscope  La créativité : une motivation, un microscope et un périscope 

La créativité : motivation, microscope, télescope.

C’est l‘élargissement de la gamme de choix pour soi ou pour les autres, au lieu de s’en tenir aux habitudes en cours.

On a pu dire que les chaînes d’habitude sont trop légères pour être ressenties jusqu’à ce qu’elles deviennent trop lourdes pour être brisées.

La créativité implique de briser l’habitude, élargir la gamme des choix en essayant de nouvelles choses même si cela est difficile.

Parce que la créativité n’est pas seulement la découverte de nouvelles idées, nouveaux produits, nouvelles façons de faire mais aussi la mise en œuvre de ces nouvelles idées et la capacité de les faire adopter par le plus grand nombre.

La créativité c’est la motivation de créer.

C’est avoir la tête dans l’imagination et les pieds sur le terrain pratique de la concrétisation.

Elle exige des méthodes pour générer des idées nouvelles mais d’abord, elle exige la capacité d’identifier un besoin réel à satisfaire et au service duquel mettre la créativité.

On a besoin de l’habitude, de la maitrise des méthodes connues mais aussi besoin de créativité.

 

Voyons d’abord ce que la recherche nous apprend sur la créativité ; puis nous exposerons les recommandations proposées par les auteurs du MOOC ainsi que celle proposée par une grande entreprise américaine de design industriel ; et nous finirons par une liste d’exercices visant à développer sa créativité.

 

  1. Ce que la recherche nous apprend.

Le processus créatif est comme le principe de sélection naturelle de Darwin ; on crée des idées, certaines sont adoptées par les autres et d’autres disparaissent.

 

D. Simonton.  Dans l’étape de la découverte des idées, l’important est de n’en rejeter aucune, de ne jamais « tuer » une idée juste après sa naissance. On évalue les idées après et on choisit la meilleure. On notera que l’échec est une partie inéluctable de la création. La créativité nécessite une pensée divergente et une pensée convergente ; divergente pour découvrir les idées et convergente pour choisir l’idée à concrétiser ou étudier un problème.

Land et Jarman. La créativité, forte chez les enfants, est endommagée par l’enseignement scolaire. En recourant au test de créativité de Torrance, on constate qu’à l’âge de cinq ans presque tous les enfants sont des génies créatifs parce qu’ils n’ont pas appris les règles et pensent que tout est possible ; à l’âge de 10 ans, les deux tiers d’entre eux ont perdu leur capacité créative et à l’âge de 15 ans, 9 sur 10 ont fait de même, ne laissant à l’âge de 30 ans que 2% des génies créatifs. Le processus scolaire semble détruire la capacité créative mais elle est toujours là et peut être ravivée.

C. Mellon. Les gens créatifs sont différents mais le principal point commun est la motivation et pas du tout le QI. La créativité : motivation. Pour être créatif, il faut vouloir être créatif.

Cooper et Zubek. Si on enrichit l’environnement des rats ou des hommes leurs performances s’accroissent.

Les gènes comptent mais l’environnement favorise ou pas leur développement.

D. Ariely. La créativité ne consiste pas à penser « hors de la boite » (hors de la rationalité) mais « dans la boite » qui contient les contraintes (temps, argent, budget et technologie) de la résolution du problème visé.

-Le stress n’est pas utile à la créativité. Quand ils sont motivés, les créatifs ont de meilleures performances, en particulier dans un environnement permissif et encourageant.

-Des concepteurs ont souligné que la créativité est vraiment un travail difficile. Ce n’est pas seulement une question de remue-méninges mais c’est aussi une mise en œuvre les idées ; ce qui demande de la rigueur et de la persévérance.

Steven Johnson (Where Good Ideas Come From) recommande d’utiliser la méthode de « l’adjacent possible » : faire le point sur ses compétences, connaissances et expérience puis passer à un domaine adjacent, nouveau et stimulant mais pas impossible ou irréaliste. Il ajoute que les grandes idées n’émergent pas d’un coup mais mûrissent lentement.

Malcolm Gladwell (The Power of Thinking Without Thinking) précise que, même quand nous ne pensons pas à notre idée notre subconscient fonctionne et la fait maturer.

En résumé, on peut noter les points suivants :

-La créativité, forte chez les enfants, est endommagée par l’enseignement scolaire.

-Elle ne consiste pas à penser « hors de la boite ».

-Ne rejeter aucune idée à sa naissance.

-Ce qui compte : la motivation et l’environnent.

 

  1. Ce que recommande les auteurs du MOOC.

Ils appellent leur méthode « ZiZoZi = zoom in, zoom out, zoum in » c’est-à-dire se focaliser d’abord sur le problème à résoudre, puis sur la découverte idées, puis sur la sélection de la meilleure idée ; on utile le microscope pour les « zoum in » et le périscope pour le « zoum out ».

2.1. Zoom in sur le problème.

Cette première étape consiste à faire une analyse au microscope, à saisir tous les détails possibles et les faits liés au défi choisi à relever, au problème à résoudre.

Les qualités de patience et de discipline sont alors particulièrement utiles pour comprendre mais l’empathie est indispensable. L’empathie n’est pas la sympathie ; c’est l’attitude qui permet de comprendre l’autre, sans le juger ni le conseiller, ni le consoler. Il ne s’agit pas de réagir aux sentiments de l’autre mais de ressentir, de penser comme lui pour mieux le comprendre, car il n’est pas, généralement, en mesure de dire ce dont il a vraiment besoin, en mesure de verbaliser son besoin.

C’est ce qui conduit à parler de design (conception) empathique.

Observons comment les prospects font et sentons, repérons quelles sont leurs difficultés, leurs manques.

Comme le disent les anthropologues soyons un « observateur participant » ; faisons partie de la tribu des prospects et clients et, ainsi, comprenant leurs besoins par l’empathie

Notons qu’il peut être utile d’être « observateurs participant » de soi-même, de ses propres problèmes car beaucoup de gens ont des besoins similaires aux nôtres.

En résumé, le programme suivant est à mettre en œuvre :

– regarder, observer vraiment ;

– capturer ce qui est observé (notes, audio, vidéo, etc.) ;

– analysez les données capturées pour identifier le besoin examiné ;

– agir sur la base de l’analyse et créer un prototype, même sommaire, qui montre ce qui peut être apporté au prospect visé.

Et le tout sans craindre l’échec car l’échec n’est qu’une autre étape vers le succès.

2.2. Zoom sur la découverte des idées.

Là on utilise le périscope pour découvrir des idées créatives car pour chaque besoin humain, il y a effectivement une solution.

On sait que la créativité commence par la question « pourquoi et pour qui » être créatif ; qui en a besoin (moi y compris). Cela devient alors un puissant facteur de motivation.

L’état d’esprit à adopter est, alors, de prendre l’ascenseur de l’imagination afin de recueillir des idées « folles », de collecter des solutions, d’élargir la gamme de choix sans se préoccuper de la faisabilité.

La clé des idées créatives est d’identifier un besoin réel, une lacune, un écart entre le vécu et le souhaitable ou souhaité.

Donc, identifiez les écarts entre ce qui existe et ce qui devrait exister, puis créez-le. Rappelez-vous, la créativité, c’est faire quelque chose, ce n’est pas seulement découvrir une idée. Il est donc très utile d’apprendre à faire des choses, ou de trouver des gens qui savent faire des choses.

2.3. Zoom sur la meilleure idée.

Nous examinons le panier d’idées et nous convergeons en sélectionnant la meilleure idée, en rejetant les idées peu réalisables et en faisant le meilleur choix ; peut-être en zoomant et dézoomant plusieurs fois jusqu’à trouver la solution, l’idée créative qui va fonctionner.

L’imagination est nécessaire pour recueillir de nombreuses façons de résoudre un problème, en élargissant la gamme de choix. Et si l’idée est inhabituelle, bizarre, inconfortable, étrange, peu familière, c’est bon signe, cela veut dire qu’on est sur la bonne voie.

L’analyse comparative (Benchmark) est un outil clé lorsqu’on est concentré sur la découverte des idées.

C’est le processus d’identification, de compréhension et d’adoption des meilleures pratiques en se comparant à une référence de meilleure pratique.

Être curieux de savoir ce qui se passe dans d’autres marchés et comment les autres cultures, sociétés et groupes ethniques font les choses est la meilleure façon d’apprendre et de changer d’état d’esprit sur le monde.

Regarder au-delà du domaine particulier choisi et du moment présent permet de renforcer l’idée créative ou de la rejeter.

2.4. Rôle de la sérendipité et des découvertes accidentelles.

Être créatif exige de prendre des risques et d’être prêt à commettre des erreurs. En fait, beaucoup des grandes percées qui ont changé le monde sont le résultat d’erreurs, d’échecs surmontés.

Einstein, Darwin, Kelvin, Linus Pauling, Fred Hoyle ont tous fait des découvertes majeures, mais aussi des erreurs.

Alexander Fleming faisait une expérience sur le staphylocoque et avait observé de la moisissure que la bactérie n’attaquait pas ; ce qui a conduit à la découverte de la pénicilline

Un berger éthiopien a remarqué que ses chèvres se comportaient étrangement après avoir mangé le fruit de l’un des buissons sur lesquels ils pâturaient ; c’était la découverte du café.

Charles Goodyear a découvert un nouveau type de caoutchouc, le caoutchouc vulcanisé par accident.

La créativité exige d’essayer, de prendre des risques car le plus grand risque couru est de ne jamais prendre de risques.

Une partie des résultats de la créativité sont des erreurs. C’est la sérendipité ou le don de faire, par hasard et sagacité, une découverte inattendue et fructueuse, notamment dans le domaine des sciences.

On a compris que la méthode préconisée par les auteurs du MOOC combine la découverte d’idées et la réalisation de l’idée retenue et il se peut qu’il faille recourir à un partenaire pour faire l’une ou l’autre des opérations ; par exemple de recourir à un manager qui saura repérer l’idée réalisable et viable.

 

3.L’approche IDEO

IDEO est une entreprise américaine de design industriel. Elle a conçu de beaux produits innovants et sa réputation est basée sur sa maitrise du processus d’innovation, en particulier du processus de découverte d’idées créatives et d’élaboration de conceptions créatives par travail en équipe.

Voici les principes clés qui guident son action.

-Pour trouver et lancer des idées, le remue-méninge n’est pas efficace sans une forme d’organisation ou de structure ; pas d’une structure rigide qui réduit la capacité de créativité et d’idéation.

-Ne jamais rejeter une idée quand elle vient de naître même si elle semble irréalisable ou « folle » ; laissons les équipes avoir des idées, écoutons de qu’ils disent, notons les idées sans jamais en écarter d’emblée. Il sera temps, plus tard, de choisir la ou les meilleures idées.

-Il vaut mieux demander pardon que demander la permission. Si c’est nécessaire et bénéfique, il vaut mieux adapter l’idée sans demander l’autorisation formelle, quitte à demander pardon en cas d’erreur.

– C’est le nombre d’essais d’idées qui importe et rapproche de l’objectif.

– Il faut célébrer le succès mais aussi l’échec.

– Il faut être anthropologue et « observateur participant » pour observer et comprendre.

– Dans un contexte d’idéation, il ne peut pas y avoir de patron ; il peut y avoir un organisateur mais pas un donneur d’ordres.

-Le climat de travail doit être permissif et encourageant mais les équipes doivent avoir des objectifs et il faut un chef d’orchestre pour trouver la collaboration et la coordination entre les diverses compétences réunies.

-Le prototypage est incontournable pour voir et faire voir l’apport de l’idée.

-Contrairement à l’adage, il faut « penser dans la boîte » parce qu’il y a toujours des contraintes à respecter.

La clé, ici, est de percevoir quelles contraintes sont incontournables et lesquelles écarter pour être créatif.

– Construire une équipe fait courir le risque de rassembler des gens qui se ressemblent. Il faut, en fait, veiller à diversifier les compétences, les créativités.

 

  1. Exercices de créativité.

-Utiliser la créativité en pensant créer de la valeur pour les autres.

-Développer sa résilience et accepter l’échec. Plus les idées sont créatives, plus elles sont risquées, et plus elles vont rencontrer de la résistance.

– Appliquer sa créativité à tout ce que vous faites et à la façon dont vous le faites ; l’Innovation de mode de faire est plus fréquente que l’innovation de produit.

– Rester concentré et persévérant à chaque étape du processus ; la solution existe ; il faut le temps de la trouver.

– Exercer sa créativité pour son usage personnel ; beaucoup de personnes ont les mêmes besoins que vous.

-La créativité est très exigeante en conscience et confiance en soi. Il faut connaître ses passions et motivations, ses points forts et ses points faibles

-Développer sa capacité à pratiquer le « microscope » et le « périscope » et les deux sont cruciaux dans la découverte des idées

-Se poser des questions de la forme « et si » (la gravité n’existait pas ; si on pouvait communiquer instantanément quelle que soit la langue, etc.)

 

(Source principale: mooc Coursera “Cracking the Creativity Code: Discovering Ideas” par Technion – Israel Institute of Technology)

https://www.coursera.org/learn/startup-entrepreneurship-discovering-ideas

 

Pour aller plus loin.

On a déjà présenté d’autres aspects de ce sujet, en particulier dans les articles suivants :

https://outilspourdiriger.fr/preparer-une-innovation-1  et 2

https://outilspourdiriger.fr/concevoir-une-offre-nouvelle-1/ et 2

https://outilspourdiriger.fr/de-lidee-au-prototype-selon-la-wharton-school/

https://outilspourdiriger.fr/la-fabrique-de-linnovation/  1 et 2

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur.  A. Uzan 30/12/1921