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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

La stratégie de la performance selon McKinsey La stratégie de la performance selon McKinsey

Quelle est la stratégie de la performance ?  Quels sont les facteurs du développement de la grande entreprise, facteurs de sa croissance et de sa rentabilité ? Tels sont  les objectifs poursuivis par les consultants de McKinsey, auteurs du livre « Strategy Beyond the Hockey Stick: People, Probabilities, and Big Moves to Beat the Odds » (Fév. 2018) et de l’article “Strategy to beat the odds” qu’on trouvera à :  https://www.mckinsey.com/business-functions/strategy-and-corporate-finance/our-insights/strategy-to-beat-the-odds

Ce travail résulte de l’étude de l’évolution, de 2010 à 2014, des 2400 plus grandes entreprises mondiales et les résultats peuvent être résumés par le graphique suivant :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source: Corporate Performance Analytics by McKinsey

L’ « average EP » ou profit économique moyen (bénéfice d’exploitation net d’impôts et de dividendes) de la période s’établit à  180 millions de dollars, soit à 2% du capital investi ; mais la distribution des entreprises selon ce profit s’établit en forme de « crosse de hockey » avec un long « plat » en son milieu et des courbes très fortes aux extrémités : les trois quintiles centraux (trois 5ème des entreprises étudiées) ne gagnent en moyenne que 47 millions de dollars ; le premier quintile perd en moyenne 670 millions de dollars et le dernier quintile culmine à 1428 millions de dollars de profit économique moyen.

Il est clair que les effets de la concurrence sont très forts puisque la majorité des grandes entreprises (les 3 quintiles centraux) ne génère qu’un faible rendement de 2% du capital investi et qu’un cinquième d’entre-elles (le premier quintile) subissent des pertes lourdes.

Mais il est tout aussi clair qu’il est possible d’obtenir une rentabilité nettement plus forte ; les entreprises du 5ème quintile ont gagné en moyenne 30 fois plus que ceux des trois quintiles du milieu, captant près de 90% du profit économique total ; de plus, la tendance s’est accélérée depuis la période précédente (2000-2004) car les investisseurs recherchent des entreprises qui offrent des rendements supérieurs à ceux du marché.

 

C’est, bien sûr, l’étude de ce dernier quintile, celui des plus gros bénéficiaires, qui révèle les stratégies de la performance, les leviers principaux du développement, de la croissance et de la rentabilité, des grandes entreprises…comme des moins grandes ; mais le travail dégage aussi de nombreux enseignements sur les obstacles à la stratégie pouvant conduire à ce résultat.

Voyons d’abord les leviers de la performance avant de présenter les obstacles à l’élaboration et à la mise en œuvre

de la stratégie de la performance.

 

  1. Les leviers de la performance

On peut les classer en trois catégories : la dotation initiale, le dynamisme du secteur d’activité et les actions

entreprises, c’est-à-dire les stratégies d’utilisation de la dotation et du dynamisme.

1.1. La dotation initiale et le dynamisme du secteur d’activité.

La dotation initiale concerne principalement le volume de revenus généré, le niveau d’endettement (effet de levier) et le niveau des investissements en R&D (innovation).

-La pertinence de la stratégie et le degré d’innovation détermine le taux de rentabilité du capital mais le montant du capital investi compte aussi ; avec un taux de rendement modéré de 12% sur le capital, mais un énorme capital investi de 136 milliards de dollars, Walmart génère un profit économique bien plus élevé que Starbucks qui, pourtant, a un très fort taux (50%) de rentabilité du capital.

-Le dynamisme du secteur concerne l’attrait du marché, les opportunités de croissance qu’il offre et les menaces qu’il recèle. Les auteurs observent que sur les 12 entreprises de tabac incluses dans l’étude, 9 se classent dans le quintile supérieur alors que sur les 20 entreprises de papier aucune ne s’y classe. Le dynamisme du secteur d’activité est un facteur important.

Au total, les auteurs estiment que ces données initiales (dotation et dynamisme du secteur) représentent 50 % des facteurs de la croissance et de la rentabilité des entreprises, les autres 50 % résultant des actions engagées par les entreprises.

1.2. La stratégie de la performance.

Les auteurs ont repéré quatre types d’action qui, réalisées avec persévérance, peuvent conduire à la performance et constituent la stratégie de la performance.

1.2.1. Programmer des Fusions-Acquisitions annuelles.

L’idéal est de gérer un flux annuel régulier de Fusions-Acquisitions sans dépasser chaque fois 30% de la capitalisation boursière. Cela implique une veille particulière, des choix délicats et des négociations difficiles, mais permet un rythme plus élevé de croissance et de rentabilité.

Voir : https://www.mckinsey.com/business-functions/strategy-and-corporate-finance/our-insights/repeat-performance-the-continuing-case-for-programmatic-m-and-a#

1.2.2. Réallouer régulièrement les ressources entre les activités.

Les activités qui composent l’entreprise ne restent pas indéfiniment indispensables ; l’environnement peut faire que certaines tendent à l’obsolescence ou commencent à constituer des foyers de pertes régulières ; l’environnement et la stratégie retenue peuvent aussi exiger d’en développer ou d’en créer d’autres. Le souci de l’allocation la plus pertinente du moment doit être constant et comme sa réalisation est lente (hommes, équipement, etc.) il doit faire l’objet d’une veille et d’une préparation systématiques.

On sait que de nombreuses entreprises sont devenues mondiales grâce à cette restructuration de leurs portefeuilles d’activités et que le retard à réaliser cette opération a causé la perte de beaucoup d’autres.

1.2.3. Intensifier les investissements et accroître la productivité dans tous les domaines de l’entreprise.

Cet effort doit d’abord concerner la production, mais nous savons que, désormais, toute activité de l’entreprise doit être dotée de moyens techniques (équipements, numérisation, automation, robotisation, intelligence artificielle, etc.)

A cette première source de productivité via les équipements doivent être adjoints tous les efforts de révision des autres aspects du modèle d’affaire (faire ou faire faire, automatiser ou pas, établir des partenariats ou pas, etc.) afin de trouver des méthodes plus productives de réalisation des objectifs.

1.2.4. Intensifier la différenciation. 

On sait que toute entreprise se différencie aux yeux des prospects par la pertinence, la qualité et surtout la fiabilité de sa promesse. Elargir ainsi sa clientèle et/ou en augmenter la fidélité est un impératif vital et impose de chercher et de trouver en permanence de nouveaux moyens de satisfaire son client mieux que la concurrence.

On sait que c’est là le premier facteur de croissance et de rentabilité de toute entreprise.

Quatre stratégies de la performance, donc mais, en fait, ce sont les intensités de recours à ces stratégies et leur utilisation combinée qui produisent la performance. Les auteurs ajoutent, en effets, les indications suivantes :

– pour produire ses effets, l’utilisation d’un levier par une entreprise doit être plus intense que celle de la concurrence ;

– c’est la combinaison d’au moins trois de ces leviers utilisés plus intensément que la concurrence qui donne le plus de chance (50 %) aux entreprises du « milieu » de passer dans le quintile supérieur ;

– le recours intense à plusieurs leviers peut compenser un faible « héritage » (dotation et secteur) ;

– tous les grands leviers offrent beaucoup plus de chances de succès que de risques de pertes ;

– la stratégie la plus dangereuse est de ne tenter aucun type d’action audacieuse.

La difficulté de réalisation de la performance n’est pas mince comme le souligne le graphique ci-dessous :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 10 ans, seulement 8 % des entreprises du milieu arrivent à passer dans le quintile supérieur, soulignant l’effort à fournir ; et 14% tombent dans le quintile inférieur (pertes).

 

  1. Les obstacles à élaboration de la stratégie de la performance.

Chaque membre de toute équipe de direction chargée de définir la stratégie d’une entreprise a surement les meilleures intentions de faire réussir son entreprise mais il est très rare que tous les membres de l’équipe aient les mêmes priorités et objectifs.

Les différences naturelles de vision du futur de l’entreprise et des moyens de le réaliser, les enjeux de pouvoir des managers ainsi que le souci qu’il peuvent avoir de leurs collaborateurs, provoquent des divergences de vue, des conflits latents sinon ouverts et conduisent tout le monde à la prudence.

Les auteurs notent que :

-les accords a minima et la prudence tendent à donner priorité à la sécurisation du budget de l’année suivante et à reporter, autant que possible, les choix difficiles concernant l’avenir plus lointain.

-les normes en vigueur dans la plupart des réunions de stratégie conduisent à se concentre sur les comparaisons avec l’année d’avant, sur les concurrents immédiats et sur les attentes pour l’année à venir.

-les propositions de réforme présentées par certains sont souvent vues avec suspicion par les autres ;

-au mieux, les contraintes de la situation conduisent à adopter des innovations incrémentales et à rejeter les innovations de rupture.

Certes un dirigeant peut coordonner le travail de préparation et imposer ses choix mais on sait bien aujourd’hui qu’il est bien préférable d’obtenir l’adhésion plutôt que l’obéissance (« Tu m’imposes, je m’oppose ; tu m’impliques, je m’applique. ») et c’est pourquoi il est très souvent recouru à un cabinet de conseils pour introduire des vues nouvelles et « désintéressées », des éléments de « preuves » et des recherches de consensus préalables.

En fait, pour les auteurs, les obstacles majeurs sont des deux ordres suivants : la difficulté de la décision stratégique et la procédure de planification stratégique.

La décision stratégique.

-Tout participant à une décision collective tend à juger et prévoir d’après sa propre expérience, ses valeurs, ses projets mais aussi ses préjugés et ses biais cognitifs, en particulier des biais suivants

(Voir :  http://www.psychomedia.qc.ca/psychologie/biais-cognitifs) ;

Le biais de confirmation :  tendance à ne prendre en considération que les informations qui confirment ses croyances.

Le biais d’auto-complaisance = tendance à s’attribuer le mérite de ses réussites et à attribuer ses échecs à des facteurs extérieurs.

Le biais d’attribution = tendance à surestimer les facteurs personnels pour expliquer le comportement d’autres personnes.

Le biais de négativité = tendance à donner plus de poids aux expériences négatives qu’aux expériences positives.

Le biais de cadrage = tendance à être influencé par la manière positive ou négative dont un problème est présenté.

Le biais de statu quo : tendance à penser que le changement apporte plus de risques et d’inconvénients que d’avantages.

Le biais de conformisme : tendance à penser et agir comme le font les autres.

-Tout participant aura, aussi, tendance à examiner toute proposition de décision collective à la lueur des efforts déjà consentis et de la redistribution des situations et pouvoirs qu’elle peut entraîner, pour lui et ses collaborateurs.

La diversité des visions du futur et des intérêts des participants est très fructueuse lors de la préparation de la décision car elle permet de prendre en compte le maximum de contraintes, mais elle peut aussi constituer l’obstacle majeur à toute décision nouvelle, en particulier toute décision de rupture, si ne peuvent être réunies les conditions de l’adhésion du plus grand nombre aux dépassements des intérêts particuliers et au partage probable des bénéfices futurs.

L’arbitrage terminal appartient au dirigeant mais le degré d’adhésion peut être nettement accru si la préparation est assurée par un expert indépendant.

La planification stratégique

Sur ce point les auteurs font les deux recommandations suivantes :

-Remplacer la procédure annuelle par une procédure stratégique continue.

-Rejeter l’élaboration de scénarios globaux concernant le futur pour se centrer sur l’étude d’innovations de ruptures successives.

 

L’apport principal de cet article réside moins dans les concepts, déjà bien connus, que dans la vérification statistique de leur opérationnalité.

Les précieux apports des grands Cabinets Conseil seront, désormais, systématiquement présentés dans ce blog.

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A. Uzan. 30/08/2020