outils pour diriger

Comprendre pour agir

Pour conforter ou enrichir votre boite à outils avec :

André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Comprendre les prospects (personnes physiques)

(Source principale : R. Ladwein (2003), Le comportement du consommateur et de l’acheteur, Economica, Paris.

http://www.culture-materielle.com/cariboost_files/CCA2_20v2bis_20internet.pdf )

 

Pour une entreprise, comprendre le comportement de ses prospects et clients a toujours été nécessaire mais cette compréhension est aujourd’hui rendue indispensable et plus difficile par l’évolution de la société et, en particulier, par les tendances économiques et sociétales suivantes :

– accroissement et diversification des biens et services offerts ; accélération du renouvellement de l’offre ; apparition de prospects et clients de cultures très différentes ;

– déclin des institutions, des normes, des groupes sociaux classiques (classes sociales) ; montée de l’individualiste, des groupes temporaires,  de la consommation comme identifiant principal et  des risques sanitaires.

Comme toujours, tenter de comprendre c’est commencer par se poser des questions.

Une personne peut se demander pourquoi elle a acheté tel produit ; quand et dans quelles circonstances est apparu son « sentiment de manque » ; quel « chemin » intellectuel et émotionnel  elle a parcouru ou pas entre l’apparition du besoin ou désir et le choix final ; pourquoi elle a ou n’a pas procédé à une comparaison ; pourquoi elle a accordé telle importance à tel ou tel critère de choix ; pourquoi elle a ou n’a pas pris l’avis d’autres personnes ; pourquoi tel avis a été déterminant ; pourquoi elle a ou pas évalué les  résultats de son choix, etc.

En fait, peu d’entre nous se posent toutes ces questions à chaque achat et aucun de nous ne peut répondre clairement à toutes les questions qu’il peut se poser parce que  l’acte d’achat n’est pas uniquement rationnel. Il reste, cependant, plus ou moins explicable, plus ou moins prévisible, plus ou moins influençable, comme chacun a pu le constater en observant le comportement d’un proche dans temps.

C’est cette triple caractéristique de l’acte d’achat qui fonde la recherche permanente de l’entreprise. Pour elle, comprendre, prévoir, infléchir le comportement d’achat de ses prospects et/ou clients est la condition de la survie et de la croissance.

Cette recherche conduit l’entreprise, qu’elle soit créée ou à créer, à se poser les deux grandes questions suivantes :

Qui sont nos prospects ?  Qui sont les clients potentiels que l’on vise à conquérir ou les clients actuels que l’on souhaite fidéliser ? Quelles caractéristiques chez eux augurent ou expliquent le mieux leur relation avec nous ? Quels sont les déterminants de leurs comportements ? Quelles sont les segmentations pertinentes ?

-Comment choisissent-ils ? Quelles sont les caractéristiques de leur processus de décision ? Comment comprennent-ils et utilisent-ils l’information qui leur est adressée ?

Dans les deux cas, l’erreur majeure est de considérer qu’il n’y a qu’un type de prospect.

  1. Qui sont les prospects ?

Pour les identifier, comprendre ce qu’ils cherchent et leur relation avec nous, il nous faut d’abord nous mettre à leur place, sachant qu’il nous faudra après vérifier sur le terrain la justesse de notre empathie.

Repérer a priori la population des prospects puis les caractéristiques qui font ou vont faire d’eux des clients et des clients plus ou moins importants, n’est pas facile mais peut prendre appui sur ce que la recherche et la pratique en marketing  nous enseignent et utiliser les 5 grandes pistes d’approches suivantes.

  • L’approche « technique» des utilisations du produit offert.

C’est l’approche qui permet de repérer les prospects d’après les utilisations qui peuvent être faites du produit. On peut ainsi trouver les indications suivantes :

– le nombre des prospects et plusieurs de leurs caractéristiques apparentes (localisation, importance, etc.) ;

– les types de prospects d’après les types possibles d’utilisation du produit offert ; par exemple d’après le degré de nécessité et, donc, de sensibilité à la substitution ou au prix ; d’après la modalité, l’intensité ou la fréquence de l’utilisation.

1.2. L’approche « rationnelle » du choix.

C’est l’approche de la logique du choix qu’opère, en principe, tout prospect rationnel.

Avoir un problème, éprouver un sentiment de manque, c’est ressentir un écart entre la situation vécue et la situation souhaitée ; c’est ressentir qu’un de ses besoins  n’est pas ou est mal satisfait ; par exemple, et pour reprendre la classification de Maslow, un besoin physiologique ou de sécurité ou d’appartenance ou d’estime de soi ou de réalisation de soi.

Les besoins toujours réactivés par la physiologie, l’usure du temps ou les effets de l’environnement naturel ou sociétal (comparaison avec les autres) sont multiples et divers et excèdent toujours les ressources nécessaires pour les satisfaire ; d’où l’obligation pour chacun de hiérarchiser ses besoins selon ses critères ; par exemple l’intensité du besoin et l’urgence de le satisfaire ou un autre type de priorité.

Une fois décidée la nécessité d’un achat, commence la recherche de la meilleure solution ; repérage des solutions possibles, évaluation des avantages et inconvénients de  chacune, consultations éventuelles, choix selon un ou plusieurs critères et, en général, le critère qualité-prix.

Cette approche est nécessaire car elle permet de comprendre les bases du comportement d’achat par type de prospect : le besoin, sa place et son évolution dans la  hiérarchie des besoins, les substituts possibles et le critère de choix.

Elle doit, cependant, être complétée sur plusieurs points basiques :

-la hiérarchisation des besoins peut être très difficile à établir et donc être incertaine ;

-le choix peut être satisfaisant plutôt que rationnel faute d’information complète et le plus souvent fait sur une base multi – critères ;

-la contrainte de prix ou de risque peut ne pas jouer son rôle rationnel et devenir « marqueur » du luxe, du prestige, de l’excentricité, de la technicité, du courage, etc.

-les anticipations de besoins ou de prix ainsi que les sollicitations sont toujours importantes.

On voit que la rationalité n’est pas totale, ce qui laisse une large place à l’influence que l’entreprise peut exercer sur la « logique » du choix.

1.3. L’approche « socioculturelle » des  déterminants du comportement.

Contrairement à l’approche « désincarnée » précédente, cette approche retient les environnements culturels, sociaux et familiaux comme les facteurs déterminants du comportement d’achat.

1.3.1. L’environnement culturel.

La culture impose des normes, des croyances, des valeurs et des pratiques diverses, telles que les manières de se nourrir, de se vêtir, de se loger, de choisir, de s’informer, de se comporter, etc. Certaines de ces « prescriptions culturelles » sont communes à tous les membres d’une même société et hiérarchisées de la même manière à un moment mais des différences importantes peuvent être introduites sous l’influence de la religion, de l’idéologie, des valeurs, du sexe, de l’âge ou du statut ou groupe social et d’autre part des évolutions interviennent dans le temps.

Les valeurs principales retenues par chaque prospect ou type de prospect déterminent les aspirations et les motivations qui orientent l’activité des individus dans le domaine de la consommation comme dans tous les autres.

1.3.2.-L’environnement social.

Toute société est composée de groupes sociaux, de « classes sociales » inégales quant aux ressources économiques possédées, aux positions de pouvoir détenues, aux niveaux de formation obtenus, à l’aire de résidence habitées, au style de vie pratiqué, etc. Et il est sûr que la catégorie socioprofessionnelle d’appartenance détermine largement les choix de consommation.

Mais on doit aussi noter que chaque individu cherche à rendre visible sa place dans son groupe d’appartenance et qu’il aspire à « l’ascension sociale », ce qui peut se traduire par des achats « symboles » de ces désirs et ambitions, calquant sa consommation sur celle de son groupe de référence ou sur celle d’un autre groupe en particulier en matière de produits « ostentatoires ».

1.4. L’approche « individuelle » du moment de la trajectoire de vie.

Cette approche vise à prendre en compte quelques autres caractéristiques personnelles du prospect, en particulier, le sexe, l’âge, la situation de famille, etc.

-Le sexe reste une variable explicative importante du comportement du prospect malgré la nette tendance actuelle à la réduction des différences entre homme et femme en matière d’aspiration et de rôle social.

– L’âge,  déterminant des ressources, du temps disponible, des valeurs et des centres d’intérêts est aussi un important facteur explicatif du comportement du prospect.

De façon plus générale, chaque période de la vie est caractérisée par une activité sociale et familiale spécifique qui induit, en général, une manière de se comporter et une manière de consommer.

1.5. L’approche des acteurs de la décision.

Le prospect individuel peut être à la fois le préparateur du choix, le décideur, l’utilisateur et l’évaluateur du produit acheté ; il peut savoir avoir bénéficié des conseils d’un prescripteur ou avoir subi l’influence sans en être pleinement conscient.

Mais la situation familiale comme la situation industrielle montrent clairement qu’il peut en être autrement ; la préparation du choix peut être collective,  le décideur, l’acheteur, l’utilisateur, l’évaluateur post-achat, peuvent être des personnes différentes et les prescripteurs faire partie ou pas de la famille ou de l’entreprise.

Toutes ces approches sont à prendre en compte pour déceler les axes d’une segmentation pertinente des prospects et de l’offre.

 

  1. Comment choisissent-ils ?

Pour les informer, faciliter ou influencer leur choix, il nous faut d’abord comprendre comment ils « fonctionnnent» en nous mettant à leur place, puis vérifier sur le terrain la justesse de notre compréhension avant d’ajuster notre comunication.

Comprendre conduit à explorer les deux grandes questions suivantes :

-Comment sont percues, interprétées, mémorisée les informations qui concourent directement ou indirectement à la prise de décision, et en particulier les informations que nous émettons  ? L’objectif est ici de réduire le décalage habituel entre message diffusé et message reçu et mémorisé.

– Comment sont construits les raisonnements et jugements conduisant aux choix ?

– Comment faciliter la délibération et, en particulier, rendre plus facile le choix de notre produit ?

2.1.Perception, interprétation, mémorisation de l’information.

La perception est le processus par lequel un prospect transforme une stimulation sensorielle en représentation intelligible ; par exemple la vue d’un objet ou d’une photo en la représentation de la « voiture de ses rêves ». Pour le prospect, une information n’existe que s’il la remarque et l’interprète, c’est-à-dire si elle a de l’importance pour lui et s’il peut lui donner un sens, la décoder selon sa culture.

Son attention et sa mémorisation, généralement sélectives, sont d’autant plus grandes que l’information correspond à ses attentes et à ses connaissances du moment ou provoque son émotion et sa motivation.

Son interprétation peut être biaisée par une insuffisance d’attention/motivation, de connaissances, de disponibilité en temps ; elle peut prendre en compte les intentions de l’émetteur et y adhérer ou les refuser.

Ainsi l’entreprise ne peut pas se  contenter de fournir au prospect les informations qu’elle juge nécessaires concernant le produit, son usage, sa distribution, ses conditions d’acquisition, d’utilisation et de maintenance, etc. ; elle doit également vérifier comment ces informations sont perçues, comprises, mémorisées pour se donner les moyens de mieux ajuster sa communication.

2.2. La prise de décision

2.2.1. Le processus théorique.

Le processus consiste en une série de recherche d’informations, de raisonnements et de jugements ponctués par des décisions et aboutissant à un choix sous contrainte de ressource ou de risque.

-Il est déclenché par un état de tension perceptible et interprétable c’est-à-dire faisant apparaître une motivation et un but.

-Il se poursuit par une recherche d’informations qui est d’autant plus active que l’offre est nouvelle et le projet du prospect important, son niveau d’expertise et son expérience pouvant l’inciter à chercher ou le décourager d’emblée.

– Puis sont pratiqués des raisonnements, inductifs (d’un attribut  on infère une évaluation globale) ou déductifs (connaissant la relation qualité-prix, on déduit la qualité de la connaissance du prix), et des évaluations des attributs qui caractérisent les offres concurrentes.

– Enfin le choix est établi, commençant par l’élimination des solutions les moins adaptées et s’achevant par le classement des offres effectué généralement sur la base des attributs les plus importants.

2.2.2. Les « déviations ».

Le prospect peut renoncer d’emblée à engager le processus,  ne pas exploiter l’information disponible ou le faire de façon partielle ou erronée et, enfin, il peut décider de façon sommaire ou erronée.

– Engager le processus de recherche et de décision ne dépend pas de la seule émergence de la motivation ;  l’intensité de la motivation compte mais aussi la probabilité d’atteindre le but poursuivi et l’importance de la satisfaction espérée. Le pari que constitue toute opération d’achat commence, donc, au tout début et peut conduire, à tort ou à raison, au renoncement avant toute préparation de la décision.

-En présence d’un nombre d’options trop important ou d’une pression temporelle trop forte, le prospect  tendra à limiter ses  efforts et ses coûts de connaissance ;  il peut alors se satisfaire d’une solution acceptable (rationalité limitée) plutôt que de la meilleure solution ; il  peut aussi décider de faire confiance à la marque qui lui est la plus familière ou en qui il a le plus confiance.

-Tous les prospects n’ont pas  égale compétence cognitive c’est-à-dire égale capacité à prendre en compte  un grand nombre d’attributs pour le choix, à généraliser en cas d’ambiguïté ou d’information incomplète, à se méfier de ses représentations, à éviter les évaluations superficielles, etc. Et tous les types d’achat n’entrainent pas, pour le prospect, la même implication et donc le même niveau d’exigence pour la détermination du choix.

-Les prospects n’ont pas non plus égale capacité à faire face à l’incertitude du choix et aux risques divers qu’il fait courir , risque financier mais aussi technique, social (image de soi) et psychologique, en particulier, dans le cas d’un achat important et durable.

-Tous, enfin, n’ont pas l’envie ou la préoccupation de remettre en question de temps en temps la confiance et l’attachement, la  fidélité confortable, qu’ils ont envers une marque ou un fournisseur ; ni l’intuition ou l’impulsion qu’un message publicitaire déclenche chez eux et qui les conduit à se passer de toute activité délibérative. 

Repérer ces difficultés et déviations peut également contribuer à la détermination de la segmentation mais elle doit surtout servir de base à l’ajustement et à la différentiation de la communication, communication générale émise vers les prospects ou argumentaire de vente spécifique.

 

Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur.  A.Uzan. 15/05/2013